9e Pentecôte (07/08 - ruine de Jérsualem)

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Le châtiment divin sur Jérusalem (Lc 19, 41-47)

Jésus pleure la ville sainte qui refuse de le reconnaître mais assume aussi l’office de juge. Le discours officiel refuse de considérer que l’Église ne se substitua à Israël (cf. Lustiger) et que le peuple élu eût été puni : « S’il est vrai que l’Église est le Nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture » (Nostra Ætate 4). Toutefois, en évitant tout antisémitisme religieux contre le peuple ‘déicide’ (sic), l’histoire prouve que la prophétie de Jésus-Christ se réalisa, ce qui l’attriste. Jérusalem subit une seconde destruction après 587.

      1. Dieu appelle à la pénitence mais n’est pas entendu
  1. Les avertissements d’avant l’an 66

Dieu se lasse de n’être pas écouté, passe à autre chose et punit les désobéissants. L’Ancienne Alliance n’est qu’une suite de promesses aussitôt reniées. À peine libérés d’Égypte, les Hébreux accumulèrent les fautes mais Dieu corrige ceux qu’il aime, comme un père : « Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils » (He 12, 6). « Lorsque le Seigneur suscitait pour eux un juge, le Seigneur était avec le juge, et il les sauvait de la main de leurs ennemis aussi longtemps que le juge était en vie (…). Mais quand le juge était mort, ils recommençaient et poussaient la corruption plus loin que leurs pères : ils suivaient d’autres dieux (…). Ainsi, le Seigneur voulait mettre à l’épreuve les fils d’Israël, pour voir si, oui ou non, ils marcheraient dans ses chemins, comme l’avaient fait leurs pères » (Jg 2, 18-22). Moïse avait mis en garde : « Le Seigneur lancera contre toi, comme un aigle qui plane, une nation venue de loin, du bout du monde, une nation dont tu ne comprendras pas la langue » (Deut 28, 49), annonçant l’aigle romaine.

Jésus savait en l’an 30 qu’il serait trahi par son propre peuple et que Jérusalem paierait cher (Lc 21, 20-24.32). Ses meurtriers avaient eux-mêmes appelé sur eux le châtiment : « Tout le peuple répondit : ‘Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants !’ » (Mt 27, 25) qui intervint en 70 ap. J.-C. Le Juif latinisé Flavius Josèphe dans De la Guerre des Juifs (de Bello judaico) y voit une punition divine. Selon le vainqueur Titus : « C’est bien avec Dieu, dit-il, que nous avons combattu ; c’est Dieu qui chassa les Juifs de ces forteresses, car que peuvent contre ces tours les mains des hommes ou les machines ? » (VI, 9, 1 (409)). Un premier avertissement avait été donné avec le siège du légat de Syrie, Caius Cestius Gallus, en 66 : « Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin (…) Quand vous verrez Jérusalem encerclée par des armées, alors sachez que sa dévastation approche » (Lc 21, 9.20).

L’armée romaine se retira sans qu’on comprit pourquoi (II, 19, 7 (540)) si ce n’est que par la Divine Providence permit aux Chrétiens de se retirer car ceux confessaient la croix furent sauvés : « Le Seigneur lui dit : ‘Passe à travers la ville, à travers Jérusalem, et marque d’une croix (un tau) au front ceux qui gémissent et qui se lamentent sur toutes les abominations qu’on y commet’. Puis j’entendis le Seigneur dire aux autres : ‘Passez derrière lui à travers la ville, et frappez. N’ayez pas un regard de pitié, n’épargnez personne : vieillards et jeunes gens, jeunes filles, enfants, femmes, tuez-les, exterminez-les. Mais tous ceux qui sont marqués au front, ne les touchez pas. Commencez l’extermination par mon sanctuaire’ » (Ez 9, 4-6).

  1. Les débuts de la guerre juive sous Vespasien (66-67)

Néron envoya le père de Titus, Flavius Vespasien, à Jérusalem dès 67 pour remplacer Cestius. Obscur général, il devint le nouvel empereur venant de Judée (Suétone). L’Évangile s’était déjà solidement établi dans la nouvelle capitale de la Chrétienté, Rome, par le martyre des princes des apôtres, Pierre et Paul vers 67 (daté du 29 juin). Peu après, alors qu’il l’assiégeait depuis 47 jours, Vespasien pénétra dans Jotapat qui lui assura la Galilée. Flavius Josèphe était l’un des rares survivants. La Galilée n’avait pas accueilli le Fils de Dieu dans l’humilité : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11), « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays » (Lc 24, 4). Elle en éprouva alors la puissance. Jésus l’avait maudite car impénitente (Mt 11, 20-24). À Jéricho où S. Jean-Baptiste avait vu le dies iræ, jour de colère : « déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu » (Mt 3, 5-12), de nombreux fuyards ne purent passer le Jourdain grossi en ses flots (IV, 7). Soit le contraire du miracle du passage de l’arche d’Alliance qui entrait dans la Terre de la Promesse.

Alors que tout Israël était conquis hormis Jérusalem, la chute de Néron en juin 68 apporta un bref répit aux Juifs. Les circonstances étaient apocalyptiques : aux tremblements de terre, aux pestes, aux signes dans le ciel multipliés dans les dernières années du tyran[1], s’ajoutèrent les soulèvements de nation à nation (Lc 21, 10-11). L’an 69 vit s’affronter quatre empereurs : Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, proclamés par des légions rivales et qui s’affrontèrent à Bédriacum près de Crémone. Vainqueurs et vaincus dévastaient l’Italie. Rome était prise par des Romains et aux frontières apparaissaient les Suèves, les Sarmates et les Daces.

      1. Le châtiment de Jérusalem

  1. Le châtiment des élites juives

L’évangile décrit les Rameaux. L’accueil triomphal reçu ne trompait pas le Christ. Rien ne décillait les yeux des impénitents : ni son geste prophétique de chasser les marchands du Temple car le sacrifice des Juifs devenait odieux à Dieu le Père, ni ses enseignements : « Malheur à la rebelle, l’impure, Jérusalem, la ville tyrannique ! Elle n’a pas écouté l’appel, elle n’a pas accepté la leçon, elle n’a pas fait confiance au Seigneur, de son Dieu elle ne s’est pas approchée. Ses princes, en elle, sont des lions rugissants ; ses juges, des loups de la steppe qui n’ont rien à ronger le matin ; ses prophètes sont des vantards, des imposteurs ; ses prêtres profanent ce qui est sacré, ils violent la Loi » (Soph 3, 1-4).

Le bras de Dieu passa par les Juifs qui s’entre-déchiraient. Les zélotes ou sicaires tuèrent les chefs dont Anan (II, 20, 3 (562)), dernier des cinq fils du grand prêtre Anne (beau-père de Caïphe), qui était responsable du martyre de S. Jacques en 62 (cf. Origène, Contre Celse, (I, 47). Ils refusaient toute paix avec Rome et tuaient surtout les classes possédantes et influentes (IV, 5, 1-4 (314-334) que vilipendait S. Jacques (Jc 5, 1-5). Vespasien y vit la main de Dieu et attendit que la ville tombât comme un fruit mûr : « Dieu est meilleur général que lui-même, quand il livre les Juifs aux Romains sans que ceux-ci fassent d’efforts, et accorde à son expédition une victoire sans péril. Ils doivent donc demeurer à l’écart des dangers, spectateurs lointains des luttes où leurs adversaires se déchirent de leurs propres mains et s’abandonnent au plus grand des maux, la guerre civile » (IV, 6, 2, (366)).

  1. Le châtiment du peuple juif

Les Juifs se divisaient toujours plus. Les zélateurs (Temple intérieur), les Galiléens de Jean de Giscala (1ère enceinte du Temple) et les troupes d’un voleur, pâtre d’Idumée, Simon Bargiora, semaient la terreur. Le peuple qui avait réclamé la grâce de Barrabas (Jn 18, 40) acclama ce Bar Gioras comme un sauveur. Comme prédit par Daniel, l’abomination de la désolation régnait (Mt 24, 15), puisqu’une Marie, fille d’Eléazar, fit rôtir son propre fils (VI, 3, 4 (201)). Les Juifs brûlaient les nombreuses réserves accumulées qu’ils ne parvenaient pas à prendre à leurs frères ennemis tout en  se renvoyant les justiciables comme Hérode et Pilate pour Jésus (Lc 23, 7-12).

Même la diaspora fut punie car elle accourut à Pâque 70 dans la ville promise à la désolation. La 10e légion de Titus siégeait sur le Mont des Oliviers d’où le Christ avait pleuré (V, 2, 3 (67)). Un Jésus, fils d’Ananias, avait prophétisé depuis la fête des Tabernacles de l’année 62 les malheurs de la ville : « Voix de l’Orient, voix de l’Occident, voix des quatre vents, voix contre Jérusalem et contre le Temple, voix contre les nouveaux époux et les nouvelles épouses, voix contre tout le peuple ! (…) Malheur à Jérusalem ! » (VI, 5, 3 (288)).

Les Romains encerclèrent la ville (cf. Is 29, 2-3) et accueillaient les fuyards qui mourraient pourtant car ils mangeaient trop goulûment après avoir été privés si longtemps de nourriture. Certains étaient éventraient comme Judas (Ac 1, 18) par les auxiliaires arabes et syriens qui croyaient qu’ils avaient avalé de l’or (V, 13, 4 (548)). Finalement, les Juifs eux-mêmes mirent le feu le 29 août 70 au Temple que Titus voulait préserver : « À cette même date le Temple avait autrefois été brûlé par le roi de Babylone (Nabuchodonosor). Mais l’origine et la cause de l’incendie doivent être attribuées aux Juifs eux-mêmes » (VI, 4, 5 (249)) car Dieu le voulait : « le Temple que Dieu, depuis longtemps, avait condamné au feu ».

110.000 furent victimes de la folie des Juifs et 97.000 prisonniers. Les bandits Jean de Giscala et Simon Bargiora ornèrent le cortège de Titus dont l’arc de triomphe sur la Via Sacra du Forum républicain à Rome montre la table des pains de proposition et la menorah du Temple de Jérusalem. Ironie du sort : « deux bandits représenteront Jérusalem dans les rues de Rome, sa rivale ! Justes représailles d’en-haut pour les larrons dont la synagogue fit l’escorte de son Roi sur la voie douloureuse, et les compagnons du Christ au Calvaire ! » (Dom Guéranger).

Conclusion

Cette destruction doit servir d’admonition : « Oh ! Comme l’Église apprit alors, pour ne plus l’oublier, qu’aucune bénédiction, qu’aucune sainteté passée ne garantit un lieu de la souillure et de la ruine ! ». Les Juifs devraient donner à réfléchir aux autres peuples privilégiés par Dieu comme la France. Eux ont connu tant de persécutions depuis des siècles et même jamais la paix depuis qu’ils recréèrent un État juif en Israël en 1948. À La Salette le 19 septembre 1846 aussi l’impénitence, y compris du clergé catholique, suscita les pleurs de la Mère de Dieu qui arrête le bras vengeur de son Fils, juste juge. « Priez et faites pénitence ! » répète toujours en substance la Mère de Dieu dans toutes ses apparitions ! Aucun peuple ni aucune église nationale n’a les promesses de la vie éternelle, si ce n’est l’Église universelle.

 

[1] Sénèque, Natur. Quœst. VI, 1 et 27 ; Tacite, Annales XIV, 27 ; XV, 22 ; XVI, 13 et Hist. V, 13 ; Suétone, Vie des 12 Césars, in Nerone 39 ; Josèphe, de Bello VI, 5.