2nd Avent (4/12 - 5e command. 1 meurtre)

Homélie du 2nd dimanche de l’Avent (4 décembre 2022)

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Le 5e commandement (1 – le meurtre)

« Tu ne commettras pas de meurtre » (Ex 20, 13). Toute vie humaine est sacrée car si les parents procréent, ils ne contribuent qu’à la partie inférieure du composé humain : le corps, la matière. Mais l’âme qui donne sa forme à ce corps provient directement de Dieu par l’infusion dès la division cellulaire. Dieu seul est le maître de la vie de son commencement à son terme.

  1. Respecter la vie en refusant le meurtre
  1. Maîtriser l’instinct meurtrier

Le meurtre entre dès le début dans l’histoire sainte par celui d’Abel contre son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12). Même si nous fûmes rachetés au baptême du péché originel, n’en demeure pas moins en nous la concupiscence, cette inclination au mal contre laquelle nous devons lutter par un combat spirituel. Hormis la T.S. Vierge Marie, personne n’en est exempt. Ce meurtre fut précédé par la jalousie, convoitise, colère qui rend l’homme ennemi de son frère. N’en déplaise à Rousseau, la nature humaine est déchue. S’il ne se corrige pas, l’homme sera un loup pour l’homme (de Plaute à Hobbes). Le cas le plus grave est l’homicide direct et volontaire, prémédité, péché si grave qu’il crie vengeance au ciel (cf. Gn 4, 10). Même si un meurtrier échappait à la justice des hommes, il rendra compte au jour de son jugement : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie vers moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère » (Gn 4, 10-11). « Je demanderai compte du sang de chacun de vous » (Gn 9, 5).

Le Christ va plus loin dans le Sermon sur la Montagne. Reprenant ce précepte : « Tu ne tueras pas » (Mt 5, 21), il y ajoute la proscription de ce qui y conduit : colère, haine et vengeance dont il sera aussi demandé compte. Davantage encore, il demande de tendre l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44). Et il donne l’exemple car lui-même ne se défendit pas et commanda à Pierre de laisser l’épée au fourreau (cf. Mt 26, 57).

Certains meurtres sont encore plus graves par les liens naturels qu’il brisent : l’infanticide (cf. GS 51, § 3), le fratricide, parricide et meurtre du conjoint. Les autres homicides sont compris dans cet interdit fondateur, même provoquant indirectement la mort : exposer sans raison grave quelqu’un à un risque mortel, refuser l’assistance à une personne en danger, le trafic d’êtres humains (cf. Am 8, 4-10). L’homicide involontaire n’est pas moralement imputable à moins qu’on ait agit de manière imprudente.

  1. La légitime défense est un devoir

La défense légitime des personnes et des sociétés n’introduit pas une exception à cette règle valable toujours et partout (semper et ubique) comme tout impératif moral. Simplement l’Écriture précise l’extension du cinquième commandement : « Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste » (Ex 23, 7). Un agresseur n’est ni l’un ni l’autre. De plus on parle de « double effet : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur ... L’un seulement est voulu ; l’autre ne l’est pas » (ST II-II, 64, 7). Il y a une hiérarchie de la charité : Dieu, soi-même, le prochain, son propre corps. Le juste amour de soi prime donc en moralité. Aussi est-il légitime de faire respecter son propre droit à la vie. N’est pas homicide celui qui défend sa vie en portant un coup mortel à son agresseur : « Si l’on repousse la violence de façon mesurée, ce sera licite... Et il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui ».

  1. La peine de mort est moralement acceptable

En plus d’un droit, la légitime défense devient un devoir grave pour les autorités légitimes responsables de la vie d’autrui. Le bien commun exige que l’on mette hors d’état de nuire, même avec des armes l’injuste agresseur extérieur (envahisseur étranger) ou intérieur (violence sociale). L’État doit infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit ou crime afin de réparer le désordre introduit par la faute (dimension vindicative) ; expier quand cette peine est acceptée par le coupable ; médicinale en contribuant à l’amendement du coupable.

Quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement prouvées, l’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas la peine de mort. Jean-Paul II qui publia ce catéchisme modifia ce point, ajoutant que, si des moyens non sanglants suffisaient à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’y tiendrait et en réduirait le champ d’application. François fut beaucoup plus radical : « l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que ‘la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle’ et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde ».

Cependant, le pape va contre la Tradition bimillénaire de l’Église. Dieu lui-même commandait dans l’Ancien Testament cette peine pour les mages (Ex 22, 18 Vg), idolâtres (Dt Dt 13, 6-7 ; 17, 5), kidnappeur (Ex 21, 15-17), apostats (Dt 13, 16), adultères (Dt 22, 22), homosexuels (Lv 20, 13), incestueux (Lv 20, 11-12) ou commettant la bestialité (Ex 22, 19 ; Lv 20, 15-16). Il ne s’agit pas d’y revenir mais se souvenir de la parole de Dieu. Dans le Nouveau Testament, nous sommes sauvés par un condamné à mort, Jésus, qui ne remit jamais en cause sa légitimité (Jn 19, 7-11). Le bon larron abonde : « pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons » (Lc 23, 41). Les paraboles des mines (Lc 19, 27) ou des vignerons infidèles (Mt 21, 41 ; Mc 12, 9 ; Lc 20, 16) présentent la peine de mort comme justifiée. S. Pierre condamna à mort Ananie et Saphire (Act 5, 1-11), même si d’autres l’interprètent comme la justice immanente. S. Paul déclara devant Festus : « Si donc je suis coupable et si j’ai fait quelque chose qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir » (Ac 25, 11). Il donne le fondement scripturaire de la légitimité de la peine de mort : « Les princes sont ministres de Dieu pour t’inciter au bien ; mais si tu fais le mal, alors, crains, car ce n’est pas pour rien que l’autorité détient le glaive. Elle est le ministre de Dieu pour venger sa colère envers celui qui fait le mal » (Rm 13, 4, Vulg). L’Église s’en remettait au bras séculier pour lutter contre l’hérésie et le faisait elle-même dans les États Pontificaux[1].

« Si donc quelque individu devient un péril pour la société et que son péché risque de la détruire, il est louable et salutaire de le mettre à mort pour préserver le bien commun ; car ‘un peu de ferment corrompt toute la pâte’ (1 Co 5, 6) » (II/II, 64, 2 ; cf. I/II, 100, 8, ad 3). Il répond d’avance aux défenseurs de la dignité humaine : « Par le péché l’homme s’écarte de l’ordre prescrit par la raison ; c’est pourquoi il déchoit de la dignité humaine ». En effet, l’homme étant une créature rationnelle, s’il ne se comporte pas raisonnablement, il se rabaisse au-dessous des animaux. « Le bien commun est meilleur que le bien particulier de l’individu. Donc il faut sacrifier le bien particulier pour conserver le bien commun. Or, la vie de quelques individus dangereux s’oppose à ce bien commun qu’est la concorde de la société humaine. Donc on doit soustraire par la mort ces hommes de la société humaine » (CG III, 146).

  1. Atteintes à la vie
  1. L’avortement

La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue dès la conception : « Avant d’être façonné dans le ventre maternel, je te connaissais. Avant ta sortie du sein, je t’ai consacré » (Jr 1, 5 ; cf. Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10-11) ; « Mes os n’étaient point cachés devant toi quand je fus fait dans le secret, brodé dans les profondeurs de la terre » (Ps 139, 15). Depuis les origines de son histoire, l’Église a toujours affirmé la malice morale que l’avortement est un « crime abominable » (GS 51, § 3). À tel point qu’elle sanctionne ce péché d’une excommunication latæ sententiæ (CIC 1398) qui tombe par le fait même d’avoir commis le crime et englobe soit la mère et/ou tous ceux qui la pousse à cet acte ainsi que le personnel médical. Bien sûr, l’Église ne restreint pas sa miséricorde car ce péché peut être remis et n’est désormais plus réservé à l’évêque puisque tout prêtre peut lever cette excommunication durant une confession. La société doit reconnaître ce droit à la vie d’un être innocent. Les cas de viols n'expliquent qu’excessivement rarement l’avortement et même si cela est terrible, l’enfant du violeur ne peut pas payer pour le crime de son père. Pour tout autre cas, qui oserait se venger sur la descendance d’un criminel ? Elle pourra toujours abandonner l’enfant et répondre ainsi au désir d’enfant d’un couple stérile, faisant d’un mal un bien. Considérer l’enfant à naître comme relevant de son propre corps comme disent les ‘pro-choix’ est une imposture puisque l’ADN de l’embryon puis fœtus diffère de celui de la mère ! De même, il n’est pas possible de dénier le nom d’enfant quand il n’y aurait pas de ‘projet parental’ et de montrer une échographie à sa famille quand il serait présent ou lui faire écouter de la musique. Le fait objectif est le même et ne dépend pas de la subjectivité des parents. 223.000 IVG furent pratiquées en France en 2021, ce qui ne cesse d’augmenter ! L’OMS estime leur nombre dans le monde entre 67 à 82 M. par an (2015-2019).

Deux exemples célèbres d’infanticides évoquent ce nouveau massacre des innocents, d’abord avec Moïse : « Alors le roi d’Égypte parla aux sages-femmes des Hébreux dont l’une s’appelait Shifra et l’autre Poua ; il leur dit : ‘Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux, regardez bien le sexe de l’enfant : si c’est un garçon, faites-le mourir ; si c’est une fille, laissez-la vivre’ » (Ex 1, 15-16) et Jésus : « Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région » (Mt 2, 16).

Qu’un État s’en prenne aux plus innocent des humains fragilise son propre fondement et signe l’arrêt de mort d’une civilisation, encline à l’étendre à d’autres catégories. La sélection des embryons pour quelque motif que ce soit est immorale. Le déficit de femmes s’explique par l’avortement sélectif des mères contre les petites filles. À la date de 2021 45 M. de femmes auraient dû naître entre 1970 et 2017, dont 95% en Inde et en Chine. Voilà où mène un féminisme dévoyé.

  1. L’euthanasie et le suicide

Les personnes malades ou handicapées doivent être soutenues pour mener une vie aussi normale que possible. L’euthanasie directe met fin à la vie d’handicapés, malades ou mourants. Elle est moralement irrecevable. Par contre, cesser des procédures médicales onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées pour les résultats attendus peut être légitime car c’est refuser l’acharnement thérapeutique. On ne veut pas donner la mort, on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher avec l’accord du patient ou ayant-droit légaux. Mais cela ne saurait supprimer les soins ordinaires ou l’alimentation. Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur l’utilité de réanimer autre que l’espoir de prélever des organes, ce qui pose encore un autre problème moral. Les analgésiques pour alléger les souffrances du moribond sont acceptables, même au risque d’abréger ses jours. Les soins palliatifs doivent être encouragés par l’État.

Chacun est responsable de sa vie devant Dieu qui la lui a donnée et en reste le souverain Maître. Nous sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la préserver pour son honneur et le salut de nos âmes. Nous sommes intendants et non propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée. Nous n’en disposons pas. Le suicide contredit l’inclination naturelle à conserver sa vie. Il contrarie gravement au juste amour de soi et offense le prochain parce qu’il brise injustement les liens de solidarité. Le suicide est parfois un scandale quand il cherche à servir d’exemple, notamment pour les jeunes. Des troubles psychiques graves, l’angoisse ou la crainte grave de l’épreuve, de la souffrance ou de la torture peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire, pour lequel il est permis de prier pour le repos de l’âme même s’il est normalement privé de sépulture chrétienne.

 

[1] Le Code pénal du Saint-Siège, prévoyait la peine de mort pour les tentatives d’assassinat du pape, de 1929 à 1969. De 1796 à 1865, Giovanni Battista Bugatti, le « maître de justice » des papes exécuta 516 condamnés à mort par la justice pontificale, parfois pour des vols à main armée.