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Les protagonistes d’un abaissement
« Je vous annonce une grande joie » tirée de l’Évangile de cette messe de la nuit de Noël sert aussi à annoncer un nouveau Pape. Selon S. Catherine de Sienne, le Saint-Père est le « doux Christ sur la Terre » et son avènement est donc assimilé à la venue en notre nature humaine du Fils de Dieu.
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- Le symbole du fumier
- L’abaissement du Juste
S. Jérôme, docteur de l’Église, vécut en Israël à Bethléem pour apprendre l’hébreu auprès des rabbins. Il avait été chargé par le pape de traduire la Bible dans la langue vulgaire (= commune) de l’époque, le latin, donnant ainsi naissance à la version officielle de la Vulgate. Voici qu’il écrivit sur place « que tous les pauvres trouvent consolation : Joseph et Marie, la Mère du Seigneur, n’avaient pas le moindre esclave ni servante. J’admire ce maître qui, Créateur du monde ne naît pas au milieu d’or et d’argent, mais dans le fumier ». Ce fumier de l’étable renvoie à la figure de Job. Ce juste anticipant le Christ souffrit pour éprouver sa foi mais pas pour ses propres péchés. Rejeté au plus bas, il fut réduit à une plaie purulente. Souffrant d’un ulcère sur tout le corps, il s’allongea sur un tas de fumier (Job 2, 8). Ce fumier, stercus, -oris en latin, est dérivé du grec skatos (σκατός). Mais le mot ici est kopria (κοπρἵα) qui se réfère à la pénitence, proche des cendres qu’on se versait alors sur sa tête.
Quelquefois, nous regardons en l’air vers le Ciel pour chercher Dieu alors que, d’une certaine manière, l’abaissement du Fils nous fait regarder en bas. Effectivement, si le Fils de Dieu s’abaissa « jusqu’à la mort et la mort sur la croix » (Ph 2, 8), c’est pour que personne ne puisse dire qu’il était plus pauvre, plus malheureux ou plus souffrant que le Christ. Jésus rejoint tout homme quels que soient son abandon, son rejet, ses souffrances. Dieu se manifeste comme un Dieu accessible. Lui qui habite une lumière inaccessible, s’est rendu accessible en s’abaissant. Sur la croix, il n’avait plus l’apparence d’un homme mais d’un ver, un corps réduit à rien, traîné dans la boue dans laquelle, en montant au Golgotha, il était tombé sous le poids de la croix. Comme Job, il n’était plus qu’une plaie vivante. Sainte Véronique lui essuya le visage de cette saleté et sa face s’imprima sur son linge.
- S’abaisser pour être exalté
Le fumier rappelle d’autres passages. « Bien plus, désormais, je considère tout comme désavantage à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets (stercora = fumier, balayures) afin de gagner le Christ » (Ph 3,8). S. Paul a conscience qu’il n’est rien et que tout le reste n’est rien. Mais il se laisse prendre par le Christ qui de ce rien veut faire quelque chose. Comme Adam, nous sommes tirés de la boue, de l’argile (Gn 1). Mais cette boue a du prix pour le Seigneur qui a assumé cette nature humaine faite à l’image de son fils.
« De la poussière, il fait lever le faible, du fumier il retire le pauvre pour faire asseoir au rang des princes, au rang des princes de son peuple » (Ps 113, 7, cf. Sam 2, 8). En effet, l’abaissement ou anéantissement du Fils de Dieu (soit la kénose) poursuit le but de l’exaltation : d’abord du Christ pour lequel elle commence sur la Croix puis de nous, ses disciples, adoptés par Dieu. Le Christ accomplit cette prophétie et rien n’est si abject pour lui qu’il n’ose l’assumer.
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- Le bœuf et l’âne
- L’animal plus sensé que l’homme car plus sensible ?
Les deux animaux ne sont pas mentionnés par l’Évangile. Mais le bœuf et l’âne de la crèche renvoient à Is 1, 3 qui parle du peuple juif ne reconnaissant pas Dieu, son maître, alors que « le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître ». Les animaux comprennent parfois mieux que les hommes qui est Dieu et de voir à l’œuvre quand il faut. Les hommes adressent souvent des reproches à Dieu : « Est-ce que la pièce d’argile dit au potier, pourquoi m’as-tu fait ainsi ? » (Rm 9, 20-21). Aussi ne savons-nous pas reconnaître qui est notre maître, contrairement aux animaux. Balaam, prêtre païen, était monté sur son ânesse (Nb 22, 21-33). Bien que son maître la battît, elle refusa d’avancer parce qu’elle voyait l’ange du Seigneur lui barrer la route pour parler à Balaam. L’animal reconnaissait la présence divine alors que le pseudo-prophète n’en était pas capable. Cette sensibilité au surnaturel est aussi signalée pour des âmes du Purgatoire ou des revenants.
- Païens et Juifs
L’âne est un animal impur (Dt 14,6 et Lv 11, 3 ; 11, 26), une bête de somme. Comme tous les animaux au sabot fendu, il symbolise les païens. Le bœuf au contraire est un animal pur. Il n’a pas de sabot fendu, il est le symbole d’Israël et de l’animal par excellence pour les sacrifices. Pourtant, c’est lui qui est plus sensible à la présence de Dieu !
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- Anges et bergers
- Les anges messagers de la Bonne Nouvelle
Les anges contemplent Dieu face à face (Mt 18, 10). Ils sont très près de lui mais ne restent pas tous auprès de Dieu. Comme avec l’échelle de Jacob, ils descendent sur terre pour annoncer la bonne nouvelle qu’est la naissance du fils de Dieu. L’ange est celui qui apporte la bonne nouvelle (angelos signifie nouvelle et evangelos bonne nouvelle). Il est messager et sa fonction est évangélisatrice. « Anuncio vobis gaudium magnum » = « je vous annonce une grande nouvelle », à savoir que ce petit enfant est bien le sauveur qui est attendu.
Les anges associent durant la messe la liturgie céleste à la liturgie terrestre. Ils adorent Dieu dans ce petit enfant et d’une certaine manière, cette divinité de Jésus, bien que cachée dans son humanité, est déjà révélée par les anges qui en manifestent la grandeur. Dieu a choisi de s’incarner dans un petit enfant pour se rendre accessible parce que peut être n’oserions-nous pas l’approcher autrement.
- Les bergers veilleurs
Les bergers étaient peu considérés socialement à l’époque mais veillaient par nécessité. « Il y avait des bergers qui veillaient dans la même contrée. Il y avait Hérode, les pontifes, les Pharisiens : ils dorment, tandis que le Christ est trouvé dans le désert. Les bergers, eux, veillaient leurs troupeaux de peur que, pendant leur sommeil, le loup ne fondît sur eux. Et ils veillaient avec soin, parce que les fauves, sournois, faisaient peser leur menace sur le troupeau. Ils veillaient en quelque sorte le troupeau du Seigneur, mais ne pouvaient le soustraire au péril. Aussi priaient-ils le Maître de venir sauver leurs troupeaux » (S. Jérôme).
En effet, le Maître vient sauver leurs troupeaux puisque les anges donnent à l’enfant le titre de Sauveur. Nous sauver signifie que nous étions voués à la perdition, condamnés à la mort éternelle auparavant. Toute personne qui ne reconnaît pas le poids de ses péchés refuse ce salut et d’accueillir le Sauveur. Jésus choisit de naître à Bethléem (beth-lehem), en hébreux la maison du pain. Jésus naît dans une mangeoire où mangent les animaux. Il veut se donner à nous en nourriture. Acceptons cette nourriture qui contrairement au métabolisme normal veut s’assimiler à elle plutôt que nous ne l’assimilerions. Par un acte de foi, reconnaissons tant l’Incarnation où le Fils du Dieu tout-puissant se fit petit enfant, que l’Eucharistie où il donne son Corps sous l’espèce du pain. Même pécheurs, nous devons toujours accueillir notre Seigneur dans nos vies pour qu’il puisse nous convertir et ainsi, nous sauver.