Homélie de la Quinquagésime (19 février 2023)
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Le 9e commandement
« Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain » (Ex 20, 17) ; « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle » (Mt 5, 28).
S. Jean distingue trois espèces de convoitise ou concupiscence : la convoitise de la chair, des yeux et l’orgueil de la vie (1 Jn 2, 16, Vulg.). Si le neuvième commandement proscrit la concupiscence charnelle ; le dixième interdit la convoitise du bien d’autrui.
Étymologiquement, la ‘concupiscence’ désigne tout désir humain véhément. Mais la théologie chrétienne la spécifie par le mouvement de l’appétit sensible qui contrarie la raison, cette révolte que la chair mène contre l’esprit (Ga 5, 16. 17. 24 ; Ep 2, 3). Déjà une certaine tension naturelle s’explique par le fait d’être composé d’âme et de corps. Mais la concupiscence en rajoute une couche car elle provient de la désobéissance du premier péché (Gn 3, 11) et dérègle les facultés morales de l’homme, si bien que, sans être une faute en elle-même, elle incline à pécher (Cc. Trente : DS 1515), étant un foyer de péché (fomes peccati). Cette lutte, héritage du péché originel, confirme ceux qui oseraient en douter. Elle fait partie de l’expérience quotidienne du combat spirituel : « Pour l’Apôtre, il ne s’agit pas de mépriser et de condamner le corps qui, avec l’âme spirituelle, constitue la nature de l’homme et sa personnalité de sujet ; il traite, par contre, des œuvres ou plutôt des dispositions stables – vertus et vices – moralement bonnes ou mauvaises, qui sont le fruit de la soumission (dans le premier cas) ou au contraire de la résistance (dans le second cas) à l’action salvatrice de l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Apôtre écrit : ‘Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir’ » (Ga 5, 25) (Jean-Paul II).
- La purification du cœur
Le cœur est le siège de la personnalité morale : « C’est du cœur que viennent intentions mauvaises, meurtres, adultères et inconduites » (Mt 15, 19). Lutter contre la convoitise charnelle passe par la purification du cœur et la pratique de la vertu de tempérance. La sixième béatitude proclame : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Les ‘cœurs purs’ accordent leur intelligence et leur volonté aux exigences de la sainteté de Dieu, principalement en trois domaines : la charité (1 Tm 4, 3-9 ; 2 Tm 2, 22), la chasteté (1 Th 4, 7 ; Col 3, 5 ; Ep 4, 19), l’amour de la vérité et l’orthodoxie de la foi (Tt 1, 15 ; 1 Tm 1, 3-4 ; 2 Tm 2, 23-26). Il existe un lien entre la pureté du cœur, du corps et de la foi : « Les fidèles doivent croire les articles du Symbole, ‘afin qu’en croyant, ils obéissent à Dieu ; qu’en obéissant, ils vivent bien ; qu’en vivant bien, ils purifient leur cœur et qu’en purifiant leur cœur, ils comprennent ce qu’ils croient’ » (S. Augustin). S’il n’est déjà pas facile de vivre droitement en ayant une saine doctrine et malgré la grâce reçue par une vie sacramentelle régulière, soyons sûr que ceux qui pensent mal ne pourront vivre avec rectitude.
Les cœurs purs verront Dieu face-à-face et lui seront semblables (1 Co 13, 12 ; 1 Jn 3, 2). La pureté du cœur est le préalable à la vision béatifique. Dès aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de recevoir autrui comme un prochain ; de percevoir notre corps et celui du prochain, comme un temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté divine.
- La purification du cœur
- Moyens de lutter contre la concupiscence charnelle
Le baptême confère à celui qui le reçoit la grâce de la purification de tous les péchés. Mais le baptisé doit continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il y parvient :
– par la vertu et le don de chasteté qui permet d’aimer d’un cœur droit et sans partage.
– par la pureté d’intention qui vise la fin véritable de l’homme. D’un œil simple, le baptisé cherche à trouver et à accomplir en toute chose la volonté de Dieu (Rm 12, 2 ; Col 1, 10).
– par la pureté du regard, extérieur et intérieur, par la discipline des sentiments et de l’imagination, par le refus de toute complaisance dans les pensées impures inclinant à se détourner des commandements : « La vue éveille la passion chez les insensés » (Sg 15, 5).
– par la prière : « Je croyais que la continence relevait de mes propres forces, ... forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur, j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais jeté en toi mon souci » (S. Augustin, Confessions 6, 11, 20).
- La pudeur menacée par la société libertarienne
La pureté exige la pudeur, partie intégrante de la vertu de tempérance. Elle préserve l’intimité de la personne, refusant de dévoiler ce qui doit rester caché. Ordonnée à la chasteté, elle en atteste la délicatesse. Elle guide les regards et les gestes conformes à la dignité des personnes et de leur union. Elle invite à la patience et à la modération dans la relation amoureuse, demandant que soient remplies les conditions du don et de l’engagement définitif entre l’homme et la femme. Elle devient modestie quand elle inspire le choix du vêtement. Elle se fait discrétion quand elle maintient le silence ou la réserve là où transparaît le risque d’une curiosité malsaine.
Il existe une pudeur des sentiments comme du corps. Elle proteste aussi bien contre le voyeurisme ou l’érotisme de certaines publicités que contre la sollicitation médiatique au déballage de confidences intimes (cf. l’autobiographie du prince Harry dont beaucoup ne retiendront que son dépucelage). La pudeur inspire une manière de vivre qui permet de résister aux sollicitations de la mode et à la pression des idéologies dominantes.
Certes, la pudeur varie d’une culture à l’autre. Mais partout, elle pressent la dignité spirituelle propre à l’homme qui naît par l’éveil de la conscience du sujet. Enseigner la pudeur à des enfants et des adolescents, c’est éveiller au respect de la personne humaine. La pureté chrétienne demande une purification du climat social, fait de retenue. La permissivité des mœurs ou libertarisme repose sur une conception erronée de la liberté humaine. Pour s’édifier, la liberté doit au préalable se laisser éduquer par la loi morale.
Conclusion :
« La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la culture de l’homme déchu : elle combat et écarte les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché. Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité des peuples. Par les richesses d’en haut, elle féconde comme de l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge. Elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ » (GS 58, 4).