Homélie du 2nd dimanche après l’Épiphanie (15 janvier 2023)
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Le sixième commandement (2)
- Une vocation au don de toute la personne
- L’homme n’est pas fait pour être seul mais pour se donner
La sexualité affecte tous les aspects de la personne humaine, dans l’unité du corps et de l’âme : particulièrement l’affectivité, la capacité d’aimer et de procréer, et plus généralement, l’aptitude à nouer des liens de communion avec autrui. Elle ne se réduit pas à la génitalité mais implique une limite et même une vision du monde différente (cf. Les hommes viennent de mars et les femmes de Vénus). Le mot sexe vient du latin ‘couper’ : secare (secui, sectum > cf. sécateur), d’après le mythe des sphères androgynes dans le Banquet de Platon. Ce qui montre l’incomplétude en soi de chacun et le désir de communion par le don à l’autre.
Pour pouvoir se donner, il faut d’abord s’accepter (« aime ton prochain comme toi-même » (Mt 19, 19 ; 22, 39 ; Mc 12, 31). Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et accepter son identité sexuelle. La différence et la complémentarité physiques, morales et spirituelles sont orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de la vie familiale. L’harmonie du couple et de la société dépend en partie de la manière dont sont vécus entre les sexes la complémentarité, le besoin et l’appui mutuels.
Jésus restaure la création dans la pureté de ses origines, interprétant rigoureusement dans le Sermon sur la montagne, le dessein du Père : « Vous avez entendu qu’il a été dit : ‘Tu ne commettras pas d’adultère’. Eh bien ! moi je vous dis : ‘Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle » (Mt 5, 27-28) et face aux traditions humaines laxistes : « Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6).
- Chasteté ou pureté
La pureté est l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, qui nous relie au monde animal, est élevée au niveau spirituel dans le don entier de sa personne, mêlant l’intégrité de la personne et l’intégralité du don. « La chasteté nous recompose ; elle nous ramène à cette unité que nous avions perdue en nous éparpillant » (S. Augustin, Confessions 10, 29). Le tempérant imprègne de raison les passions, maintient l’intégrité des forces de vie et d’amour déposées en lui, ne tolérant ni la double vie, ni le double langage (cf. Mt 5, 37). Cet apprentissage de la maîtrise de soi est une pédagogie de la liberté humaine. L’alternative est claire : ou l’homme commande à ses passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles et devient malheureux. S’il ne le fait pas, il se rabaisse au-dessous des animaux sans raison qui suivent leurs instincts. « La dignité de l’homme exige de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives [pulsions] ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens par son ingéniosité » (GS 17).
Le catéchisme emploie l’expression de chasteté mais je préfère celui de pureté. Chasteté provient du latin castigare, punir. Or, on ne peut fonder sa vie sur un effort répressif. La vertu de tempérance intègre les passions et ne fait pas que les dominer comme des esclaves. Aristote inspire S. Thomas : « les facultés intérieures de désir sont comme les enfants de la maison qui, d’une certaine manière, mènent et sont menés » (I-II, 74, 2, ad 2, cf. I-II, 9, 2, ad 3). Si l’âme domine ses organes corporels despotiquement (quand elle commande à la main tel mouvement, cela se produit infailliblement sauf problème physiologique ou neurologique), la raison ne commande l’appétit sensible que politiquement « car l’affectivité sensible a un pouvoir propre qui lui permet de résister au commandement de la raison » car il jouit d’une certaine autonomie et donc peut se rebeller (I, 81, 3, ad 2). Il faut intégrer la force vitale des passions dans sa vie.
Pour demeurer fidèle aux promesses de son baptême et résister aux tentations, il faut prendre les moyens : se connaître en vérité, pratiquer l’ascèse, obéir aux commandements divins, s’entraîner aux vertus morales et rester fidèle à la prière et aux sacrements, en particulier à la confession et communion. La maîtrise de soi est une œuvre de longue haleine, jamais acquise, supposant un effort à tous les âges de la vie (cf. Tt 2, 1-6) mais plus particulièrement pendant l’enfance et l’adolescence. La pureté connaît des lois de croissance ou de gradualité qui passe par des degrés marqués par l’imperfection et le péché.
Même si c’est un effort personnel, la pureté implique aussi un effort culturel, car il existe une « interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même » (GS 25, 1), or, nous vivons dans des structures de péché qui se renforcent où tout est fait dans la mode, l’éducation nationale ou la culture pour avilir la personne. La pureté a une dimension sociale car elle s’épanouit dans l’amitié avec Dieu et entre les hommes. Elle indique au disciple comment suivre et imiter Celui qui nous a choisis comme ses propres amis (Jn 15, 15), s’est donné totalement à nous et nous fait divinise. La pureté est promesse d’immortalité par le don de notre personne à Dieu. Mais même si c’est une vertu cardinale, la tempérance au degré suprême est aussi infuse, un don de Dieu, une grâce. Le Saint-Esprit donne d’imiter la pureté du Christ (1 Jn 3, 3) à celui qu’a régénéré l’eau du Baptême.
- Différents régimes de pureté
Si tout baptisé est appelé à la pureté car le chrétien a « revêtu le Christ » (Ga 3, 27), il le fait suivant son état de vie particulier : « les unes dans la virginité ou le célibat consacré, manière éminente de se livrer plus facilement à Dieu d’un cœur sans partage ; les autres, de la façon que détermine pour tous la loi morale et selon qu’elles sont mariées ou célibataires ». Si les célibataires doivent vivre dans la virginité et les veufs dans la continence, les personnes mariées doivent vivre saintement la relation sexuelle. Les fiancés sont appelés à patienter pour découvrir le respect mutuel, apprendre la fidélité et espérer se recevoir l’un et l’autre de Dieu. Ils réserveront au temps du mariage les manifestations de tendresse spécifiques de l’amour conjugal. Ils s’aideront mutuellement à grandir dans la pureté sans se tenter mutuellement.
- Les offenses à la pureté
- Péchés de chair
La luxure est une jouissance déréglée du plaisir vénérien, recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d’union qui fondent le mariage. Elle se décline en plusieurs modes. La fornication est l’union charnelle en dehors du mariage entre un homme et une femme libres. C’est un scandale grave quand il y a corruption des jeunes.
La masturbation excite volontairement les organes génitaux pour un plaisir sexuel. C’est un acte intrinsèquement et gravement désordonné car seul l’amour vrai dans le mariage réalise le sens intégral de la donation mutuelle et de la procréation humaine. Mais il faut tenir compte de l’immaturité affective, de la force d’habitudes, de l’angoisse ou autres facteurs qui peuvent atténuer fortement la culpabilité morale.
La pornographie retire les actes sexuels de l’intimité pour les exhiber à des tierces personnes. Elle dénature la sexualité, porte gravement atteinte à la dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants, public). Elle plonge dans un monde factice. Elle est une faute grave que les autorités civiles devraient empêcher sévèrement au lieu de chérir les causes dont ils déplorent les effets (sexisme, agressions sexuelles et viols).
La prostitution atteint la dignité de la personne réduite à une chosification. Celui qui en profite souille son corps, temple de l’Esprit Saint (1 Co 6, 15-20). La prostitution est un fléau social qui touche plus les femmes, mais aussi des hommes, des enfants ou adolescents, même volontaires, ce qui se double d’un scandale. S’il est toujours gravement peccamineux de se livrer à la prostitution, la misère, le chantage et la pression sociale peuvent atténuer l’imputabilité de la faute.
Le viol désigne l’entrée par effraction, avec violence, dans l’intimité sexuelle d’une personne. Il blesse profondément le droit au respect, à la liberté, à l’intégrité physique et morale. Il crée un préjudice grave, qui marque toute une vie. Cet acte intrinsèquement mauvais est aggravé lorsqu’il est commis par des parents (inceste), éducateurs ou personne ayant autorité.
- La question de l’homosexualité
L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes éprouvant une attirance sexuelle envers des personnes du même sexe. La Sainte Écriture réprouve explicitement ces dépravations graves (Gn 19, 1-29 avec Sodome et Gomorrhe). « Voilà pourquoi, à cause des convoitises de leurs cœurs, Dieu les a livrés à l’impureté, de sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leur corps. Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge ; ils ont vénéré la création et lui ont rendu un culte plutôt qu’à son Créateur, lui qui est béni éternellement. Amen. C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Chez eux, les femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature. De même, les hommes ont abandonné les rapports naturels avec les femmes pour brûler de désir les uns pour les autres ; les hommes font avec les hommes des choses infâmes, et ils reçoivent en retour dans leur propre personne le salaire dû à leur égarement » (Rm 1, 24-27) ; « ni les dépravés et les sodomites (neque molles, neque masculorum concubitores) (…) aucun de ceux-là ne recevra le royaume de Dieu en héritage » (1 Co 6, 9-10, cf. 1 Tm 1, 10).
Les actes homosexuels sont intrinsèquement désordonnés car contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas. Mais un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières qui constituent pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse, sans discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, à s’unir au sacrifice de la croix du Seigneur. Elles sont appelées à la pureté, maîtrise de soi par le soutien d’une amitié désintéressée, la prière et la grâce sacramentelle, elles doivent se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection chrétienne à laquelle elles sont aussi appelées.