3e Épiphanie (22/01 - 6e command. 3)

Homélie du 3e dimanche après l’Épiphanie (22 janvier 2022)

Le 6e commandement (3)

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  1. L’amour des époux
  1. Les deux fins du mariage

La sexualité est ordonnée à l’amour conjugal de l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité corporelle devient un signe et gage de communion spirituelle. Entre baptisés, le sacrement élève une réalité biologique à une dimension spirituelle : « Tobie se leva du lit, et dit à Sara : ‘Debout, ma sœur ! Il faut prier tous deux, et recourir à notre Seigneur, pour obtenir sa grâce et sa protection’. Elle se leva et ils se mirent à prier pour obtenir d’être protégés, et il commença ainsi : ‘Tu es béni, Dieu de nos pères ... C’est toi qui a créé Adam, c’est toi qui a créé Eve sa femme, pour être son secours et son appui, et la race humaine est née de ces deux-là. C’est toi qui a dit : ‘Il ne faut pas que l’homme reste seul, faisons-lui une aide semblable à lui’. Et maintenant, ce n’est pas le plaisir que je cherche en prenant ma sœur, mais je le fais d’un cœur sincère. Daigne avoir pitié d’elle et de moi et nous mener ensemble à la vieillesse !’ Et ils dirent de concert : ‘Amen, amen’. Et ils se couchèrent pour la nuit » (Tb 8, 4-9).

L’union intime et chaste des époux est source de joie et de plaisir, dons de Dieu. Certains jansénisants de la Tradition prétendent que les deux fins du mariage auraient été inversées, à savoir le bien des époux par le soutien mutuel et la transmission de la vie. Les deux sont inséparables. Mais imposer la fécondité comme fin principale n’est pas juste : pourquoi réduire la femme à n’être qu’une femelle en chaleur accessible seulement aux périodes fécondes ? Ou pourquoi n’envisager que comme un remède à la concupiscence: « Le Créateur lui-même (...) a établi que dans cette fonction [de génération] les époux éprouvent un plaisir et une satisfaction du corps et de l’esprit. Donc, les époux ne font rien de mal en recherchant ce plaisir et en en jouissant. Ils acceptent ce que le Créateur leur a destiné. Néanmoins, les époux doivent savoir se maintenir dans les limites d’une juste modération » (Pie XII, discours 29/10/1951).

Le couple préexiste et survit aux enfants. Les périodes infertiles de la femme sont voulues par Dieu (et peuvent être envisagées comme moyen de régulation des naissances sous certaines conditions), la ménopause ou la stérilité d’un couple n’implique pas l’abstinence, ce qui serait absurde. Le péché originel n’est pas d’avoir ‘croqué la pomme’. D’abord la Bible n’évoque que le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Simplement ‘malum’ désigne en latin aussi bien le mal que le pommier. Ensuite la faute du diable est l’orgueil, celle d’Adam, la défiance et certainement pas de s’être uni à Ève puisque le commandement divin était de se multiplier ! Simplement, c’est par la génération humaine que se transmet le péché originel. Non pas que la sexualité bien réglée dans une saine vie de couple serait péché !

  1. Les piliers du mariage

L’amour conjugal est placé sous la double exigence de la fidélité et fécondité. Le sacrement de mariage est le sacrement primordial, institué directement par Dieu le Père dès la Création et non pas par le Fils dans la Rédemption, ce qui le rend unique, comme parce qu’il ne fut pas aboli à la chute. Il fut sanctifié par le Christ qui inaugura à Cana son ministère public et compare le royaume à des noces. Avant même un sacrement, c’est un droit naturel car la foi n’est pas une obligation pour qu’il soit valide, aussi décevant que cela puisse paraître. Un mariage naturel est aussi définitif que s’il était sacramentel. Tout le problème est bien sûr qu’il est déjà difficile de vivre vertueusement avec la grâce, alors sans, comment s’étonner du nombre de divorces ? Le mariage est devenu le lieu du combat spirituel contre ce monde qui n’y croit plus. Pourquoi nous reprocher de prendre au sérieux le ‘oui pour toujours’ des couples qui demandent à un prêtre d’être le témoin divin de leur échange des consentements. Le mari et la femme sont les ministres du sacrement et non le prêtre ! Après on nous tiendrait rigueur de leur rappeler leur propre engagement ? Qu’ils aillent donc à la seule mairie s’ils veulent que leur parole soit prise pour rien. D’autant que le ‘mariage’ (sic) civil est galvaudé par l’État avec les agrégats homosexuels. Bientôt les antispécistes voudront épouser leur chat !

L’échange des consentements doit être libre, mûri, sincère (pas le pari de Philippe Junot avec Caroline de Monaco), définitif et exclusif, ouvert à la vie. Or, quand on a fêté Pâques avant les Rameaux, qu’on a déjà des enfants, un prêt à rembourser pour la maison, où est la vraie liberté ? Les vraies fiançailles ne préparent pas le mariage mais vérifient qu’on connaisse suffisante l’autre et qu’il puisse convenir. Elles peuvent déboucher sur une rupture ! Il ne faut aucune pression familiale. L’Église s’est toujours opposée à la logique matrimoniale chevaleresque ou même paysanne du mariage d’intérêt.

Le mariage catholique est pour un seul, pour toujours. Aujourd’hui, les gens sont revenus aux mœurs païennes ou des patriarches, polygames, même si c’est successivement puisqu’il n’y a plus d’indissolubilité : « Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit pas le séparer » (Mc 10, 9 ; cf. Mt 19, 1-12 ; 1 Co 7, 10-11 et CIC 1056). La fidélité exprime la constance dans le maintien de la parole donnée. Dieu est fidèle. Le sacrement du mariage fait entrer l’homme et la femme dans la fidélité du Christ pour son Église. Par la chasteté conjugale, ils rendent témoignage à ce mystère à la face du monde.

La fécondité est un don car l’amour conjugal tend naturellement à être fécond. L’enfant ne s’ajoute pas de l’extérieur à l’amour mutuel des époux mais surgit au cœur même de ce don mutuel, dont il est un fruit et un accomplissement. « Tout acte matrimonial doit rester par soi ouvert à la transmission de la vie » (HV 11) pour ne pas séparer les deux fins : l’union et la procréation (HV 12 ; cf. Casti connubii). Les époux participent à la puissance créatrice et à la paternité de Dieu (cf. Ep 3, 14-15 ; Mt 23, 9). Outre transmettre la vie, ils sont éducateurs en toute responsabilité humaine et chrétienne (GS 50, 2). La transmission de la vie implique une dimension surnaturelle en ouvrant les enfants à leur destinée éternelle (GS 51, 4). La foi doit être transmise sans craindre d’offenser leur liberté. Celle-ci se construit sur du concret et non sur du vide : aucun parent ne conçoit de limiter le choix de ses enfants par la langue, la patrie, les valeurs qu’il transmet. Pourquoi n’oserait-il pas proposer la foi ?

Cette paternité responsable peut conseiller d’espacer les naissances si cela ne relève pas de l’égoïsme. Mais les époux se régleront suivant les critères objectifs de la moralité tirés de la nature même de la personne et de ses actes qui respectent la donation réciproque et la procréation, ce qui ne dépend pas de la seule sincérité ni de la seule appréciation des motifs. Autrement dit, l’Église approuve la continence périodique fondées sur le recours aux périodes infécondes (HV 16) comme pour l’observation de la glaire cervicale (méthode Billings par ex). Mais elle réprouve les méthodes de stérilisation (vasectomie, ligature des trompes) ou de contraception prônées par le monde qui tendent à chosifier l’autre. Est intrinsèquement mauvaise « toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation » (HV 14). La contraception contredit le don total puisqu’on se réserve sa fécondité et falsifie la vérité de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière. Cela relève de deux conceptions de l’homme antinomiques.

L’État, responsable du bien commun, peut légitimement orienter la démographie, mais en informant objectivement et respectueusement, pas en contraignant car il doit l’initiative aux époux, premiers responsables de la procréation et de l’éducation (PP 37 ; HV 23). Les familles nombreuses sont une bénédiction divine et montrent une générosité des parents (GS 50, 2). Grande est la souffrance des couples stériles reflétée dans la Bible : « Que pourrais-tu me donner, demande Abram à Dieu ? Je m’en vais sans enfant... » (Gn 15, 2). « Fais-moi avoir aussi des enfants ou je meurs ! » crie Rachel à son mari Jacob (Gn 30, 1). Les recherches luttant contre la stérilité sont à encourager comme la Na Pro Technology qui respecte la personne humaine et la volonté de Dieu. Mais sont à réprouver les techniques dissociant la parenté par l’intervention d’autrui (don de sperme ou d’ovocyte, mère-porteuse) qui lèsent le droit de l’enfant à naître d’un père et d’une mère connus de lui et liés par mariage. De même l’invasion technique revient à produire un être humain comme une marchandise (fécondation homologue in vitro et insémination) outre que la ‘réduction embryonnaire’ (sic) est un avortement multiple. L’enfant n’est pas un , mais un don. Il n’existe pas de ‘droit à l’enfant’ : seul l’enfant est sujet de droit et doit d’être respecté comme personne dès sa conception (Donum vitæ 2). La stérilité physique n’est pas un mal absolu et peut être ouverture à une fécondité spirituelle si elle est associée à la Croix du Seigneur, par l’adoption ou le service d’autrui.

  1. Les offenses à la dignité du mariage
  1. L’adultère et le divorce

L’adultère désigne l’infidélité conjugale par une relation sexuelle entre deux personnes dont l’une au moins est mariée. On parle de double adultère si les deux le sont. Il est absolument proscrit (Mt 5, 32 ; 19, 6 ; Mc 10, 12 ; 1 Co 6, 9-10), même par simple désir (Mt 5, 27-28). Il est un péché grave car il figure l’idolâtrie d’Israël infidèle qui se prostitue aux faux dieux (Os 2, 7 ; Jr 5, 7 ; 13, 27). C’est une injustice en manquant à ses engagements envers le conjoint et Dieu car il blesse le signe de l’Alliance irrévocable de Dieu avec les hommes qu’est le lien matrimonial. Il compromet le bien de la génération humaine et des enfants qui ont besoin de l’union stable des parents.

L’adultère est beaucoup plus répandu qu’on ne le croit car tout divorcé qui ne demeure pas seul y tombe, même s’il n’entre dans une nouvelle relation qu’après son divorce. Il sera alors en adultère public et permanent. L’intention originelle du Créateur était le mariage indissoluble (Mt 5, 31-32 ; 19, 3-9 ; Mc 10, 9 ; Lc 16, 18 ; 1 Co 7, 10-11). Jésus abrogea les tolérances de la loi ancienne (Mt 19, 7-9). Entre baptisés, « le mariage conclu et consommé ne peut être dissout par aucune puissance humaine ni pour aucune cause, sauf par la mort » (CIC 1141). Seule une séparation (de corps et de bien) avec maintien du lien matrimonial peut être légitime en certains cas comme lorsqu’est mis en grave danger l’âme ou le corps de l’autre ou des enfants, ou encore si, d’une autre manière, la vie commune devient trop dure, mais avec l’accord de l’ordinaire (CIC 1153). Le divorce civil n’est toléré sans faute morale que s’il est la seule manière d’assurer certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du patrimoine.

Autrement, le divorce offense gravement la loi naturelle. Il est immoral car il introduit dans la famille et la société des préjudices graves : pour le conjoint abandonné, pour les enfants traumatisés et souvent tiraillés, pour son effet de contagion, qui en fait une véritable plaie sociale. On distinguera toutefois entre le conjoint qui, par une faute grave de sa part, détruit un mariage canoniquement valide de celui qui s’est efforcé avec sincérité d’être fidèle au sacrement du mariage et se voit injustement abandonné, ou victime innocente du divorce prononcé par la loi civile (FC 84). Même si on sera sans illusion sur le fait que des torts puissent tout de même être partagés car le péché originel est partout. Il y aura eu au moins une grave erreur de discernement sur l’autre.

  1. Autres péchés

L’Église admet quelques rares exceptions à l’indissolubilité du mariage. Je ne parlerai pas des reconnaissances de nullité d’un mariage sacramentel entre baptisés qui tendent à devenir abusives depuis les réformes du pape actuel. J’évoque des mariages naturels entre deux non-baptisés ou d’un mariage dispar où l’un des deux seuls est baptisé (le mariage mixte est avec un chrétien d’autre confession), ce qui n’induit pas le sacrement de mariage ! Si des païens mariés civilement se font baptiser tous deux, le jour de leur baptême, leur mariage naturel devient sacramentel sans cérémonie religieuse.

Si un conjoint se fait baptiser et que cela crée une tension avec celui resté non-croyant, on peut appliquer le privilège paulin (1 Co 7, 10-16) en faveur de la foi et dissoudre le mariage naturel préexistant pour permettre un vrai mariage (CIC 1143-1147). Et il peut être étendu par le privilège pétrinien en cas de polygamie qui autorise à choisir l’une des femmes lorsque le mari se fait baptiser. En effet, la polygamie s’oppose radicalement à la loi morale et à la communion conjugale, elle est contraire à l’égale dignité personnelle de la femme et de l’homme (FC 19 ; cf. GS 47, 2). Toutefois, le chrétien ancien polygame doit en justice honorer les obligations contractées à l’égard de ses anciennes femmes et de ses enfants.

L’inceste désigne des relations intimes entre parents ou alliés, à un degré qui interdit le mariage (Lv 18, 7-20). S. Paul stigmatise ce grave péché : « On n’entend parler que d’inconduite parmi vous ... C’est au point que l’un d’entre vous vit avec la femme de son père ! ... Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus ... nous livrions cet individu à Satan pour la perte de sa chair... » (1 Co 5, 1. 4-5). L’inceste corrompt les relations familiales et marque une régression vers l’animalité. La prohibition de l’inceste relève du droit divin au premier degré (frère et sœur, parent et enfant) mais a pu être dispensée par l’Église à partir du second degré (cousins germains, oncle/nièce) dans l’histoire, même si en théorie, jusqu’au 4e degré, il fallait une dispense pontificale et même 7e degré jusqu’en 1215.

L’union libre s’applique lorsque l’homme et la femme refusent de donner une forme juridique et publique à une liaison. Expression fallacieuse car ces personnes témoignent ainsi d’un manque de confiance, en l’autre, en soi-même, et en l’avenir. Cela recouvre le concubinage, le refus du mariage en tant que tel, l’incapacité à se lier par des engagements à long terme (FC 81). Toutes ces situations constituent toujours un péché grave et excluent de la communion sacramentelle. Le « droit à l’essai » avant de se marier revient à chosifier l’autre comme on essaie une voiture.