Trinité (12/06 - théol. trinit.)

Fête de la Très Sainte Trinité (dimanche 12 juin 2022)

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Théologie trinitaire : de Deo trino

La Ste Trinité est un mystère, certes, mais n’est pourtant pas irrationnelle. Elle n’est pas incompréhension mais maximum de la compréhension. Ce mystère nous aveugle comme le soleil, lumière dont la puissance nous est trop grande pour être regardé en face. La S. Trinité dépasse notre capacité de compréhension car nous ne pouvons la saisir qu’à la mesure de notre être (quidquid recipitur, recipitur in modo recipientis), naturellement limité et contingent et, qui plus est, entaché de péché. Nous pouvons améliorer notre compréhension, mais pas humainement. La grâce donne une compréhension qui nous implique car nous sommes faits à l’image de cette Sainte Trinité. Cette approche est plus mystique en quelque sorte, en tout cas mystérique suivant Gabriel Marcel : « Le problème est quelque chose qui barre la route. Il est tout entier devant moi. Au contraire, le mystère est quelque chose où je me trouve engagé, dont l’essence est, par conséquent, de n’être pas tout entier devant moi » (Être et Avoir).

Comprendre la S. Trinité, c’est connaître le but de notre vie, vers où nous tendons parce que de là nous venons (exitus-reditus).

  1. La Ste. Trinité communion d’amour des 3 personnes divines

Le christianisme se distingue car il confesser un Dieu un et trine. L’Ancien Testament n’a pas d’abord révélé le monothéisme avant que le Nouveau ne révèles la Trinité. Ce serait trop simpliste. La S. Trinité est pierre d’achoppement face aux témoins de Jéhovah (qui ne sont donc pas chrétiens), aux musulmans et même au fond protestant d’où sortit l’unitarisme.

« Dieu est amour » (1 Jn 4, 16) donne la définition de l’essence ou substance divine. Mais l’amour, qu’est-ce ? L’amour narcissique ? Je m’aime tellement que, voulant embrasser mon reflet dans le miroir d’eau d’un étang, je m’y noie ? Dieu n’est pas monadique (Leibnitz), replié sur lui-même. Dieu peut être approché par ses propriétés ou transcendantaux qui définissent l’être : l’un, le bon, le vrai, le beau. La bonté est l’un des attributs divins. Or le Bien est diffusif de soi-même pour S. Thomas : bonum diffusivum sui. Dieu communique sa bonté, d’abord en lui-même (ad intra) puis à l’extérieur (ad extra). La perfection dans l’amour est le don total qui implique un donateur, un récipiendaire et le don : l’amant (Père), l’aimé (Fils) et l’amour lui-même (Esprit). Ce modèle est développé par Richard de Saint-Victor (mort en 1173) qui indique ces trois missions.

Aimer ne s’applique qu’à quelqu’un digne de l’être. Pour un être d’un niveau inférieur comme l’animal, on parlera d’affection. Le Père engendre le Fils comme égal en dignité (condignus). Pourquoi deux ne suffisent-ils pas ? Parce que quand on aime, on veut que tous aiment l’être aimé comme l’amant le fait. Trois suffisent (et pas une infinité) comme pour être stable il faut au moins trois pieds à un tabouret pour tenir droit, car il n’existe que trois situations de personnes dans l’échange d’amour : l’amour qui donne (le Père duquel procèdent le Fils et l’Esprit), l’amour qui reçoit (du Père et du Fils) et enfin l’amour qui reçoit et donne (le Fils du Père et transmet à l’Esprit). Un seul principe, une seule fin et pas de répétition en Dieu de la personne intermédiaire. Chacune des personnes s’identifie avec son type d’amour.

  1. La distinction des personnes

L’ordo essendi, l’ordre de l’être va en descendant. Dans la Création, on passe toujours du plus parfait au moins parfait. Mais l’ordo cognoscendi, l’ordre de la connaissance est ascendant et part de l’action de Dieu dans la vie du monde et des hommes et des missions des trois personnes. L’immanence, Dieu tel qu’il est en soi-même, est de toujours. L’Incarnation du Fils est un nouveau mode de se manifester. Deux Personnes divines sont envoyées (le Fils et l’Esprit) et nous font remonter à la génération du Fils et à la procession (= spiration) de l’Esprit.

L’action divine n’est pas indifférenciée. La Création est œuvre commune, mais par le Fils (Jn 1, 3 ou 1 Cor 8, 6) mais l’Incarnation ne concerne que le Fils. Toutefois, envoyé par le Père, il prit chair de la Très Sainte Vierge Marie par l’Esprit-Saint. Le Père ne s’incarne pas car il ne procède de personne et il y a un lien étroit entre génération et mission. L’Incarnation convenait mieux pour le Fils car nous sommes appelés à devenir fils de Dieu par la Rédemption qui est une nouvelle Création. De même l’Esprit est répandu sur nous invisiblement alors que l’Incarnation était un don visible et il divinise de l’intérieur.

La génération du Fils est interne, intellectuelle selon S. Justin. S. Augustin y voit un reflet de l’âme humaine qui connaît d’abord pour aimer ensuite. L’homme est image de Dieu quand il le connaît et l’aime Dieu. L’image se conforme à celui qui l’a formée et atteint la similitude. S. Thomas enseigne que si je connais quelqu’un, il reste en moi car je me l’assimile par un mouvement centripète de l’extérieur vers moi (génération). En aimant, au contraire, je sors de moi par un mouvement centrifuge (procession de l’Esprit Saint).

  1. La vie intratrinitaire
  • Les processions et relations :

La paternité est procession (spiration) active ; la filiation est procession (spiration) passive. Les relations s’identifient à l’essence divine, elles ne viennent pas après l’être divin mais le constitue dans une unité de communion.

  • Les personnes :

La personnalité distingue un individu. Pour l’homme, cela passe par son âme et son corps. Pour Dieu, la relation distingue le Père, le Fils et l’Esprit car la personne divine est relation subsistante. Nous, humains, sommes d’abord avant d’entrer en relation ! En Dieu, rien ne précède le don. Tout leur être est un être tourné vers l’autre, un éternel échange d’amour qui explique leur consubstantialité. Aucun être pour soi (esse ad se) ne soutiend un être pour autrui (esse ad aliquem). En Dieu, tout est capacité exercée en acte de donation. La personne n’a pas de relation, mais EST cette relation. Dieu n’est pas solitaire comme Adam avant Ève car les animaux n’étaient pas du même niveau que lui. Idem pour Dieu avec les anges !

En Dieu, il y a une essence ou substance, deux processions (génération et spiration), trois personnes, quatre relations (paternité, filiation, spiration et procession (la spiration active ne constitue pas la personne car elle est commune au Père et au Fils) et cinq propriétés (le Père : paternité et non-engendrement ; le Fils : filiation et les deux partagent la spiration active ; l’Esprit : la procession).

  • L’appropriation :

Des propriétés comme la toute-puissance sont communes aux trois Personnes. Mais elles sont attribuées, par appropriation, plus spécifiquement à l’une d’entre elles car elle lui est plus proche (plus manifeste dans l’histoire du Salut). Il ne faut pas avoir une relation indifférenciée mais individualisée avec chacun. Par ex : ce n’est pas Dieu en général qui habite en nous, mais l’Esprit Saint qui crie en nous « Abba » et pas le Père à lui-même !

  • Perichoresis = circumincessio = inhabitation (cf. Jn 10, 38 ou 17, 21).

Entre le Père et le Fils, on parle d’inhabitation mutuelle. Le Père ne peut habiter en quelqu’un d’une autre nature (en nous, sa présence se fait sous un autre mode). Il y a une mutuelle immanence d’une Personne à l’autre.

En Dieu, on distingue 3 sujets (suppositum) = Personnes, mais une seule volonté, conscience, amour. Chacun se possède dans la relation aux autres : il y a inhabitation dans les autres dans l’unité de l’amour parfait. Une auto-possession et en même temps une auto-donation. S’il y a un « je » et un « tu » (pour permettre la relation, il faut une distinction et pas une fusion), il n’y a pas de « mien » et « tien ». Nous aussi nous atteignons la plénitude dans la communion avec les autres, mais en nous le péché empêche l’ouverture totale. Il y a toujours une part de fermeture à Dieu et aux autres.

Date de dernière mise à jour : 13/06/2022