Homélie de la fête de Saint-Joseph artisan(1er mai 2022)
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Saint Joseph
Le 1er mai fête S. Joseph artisan. Le père terrestre de notre Sauveur ne fait jamais d’ombre à son Fils. Comment S. Joseph est-il présenté ?
- S. Joseph le taiseux ?
- Un saint silencieux
La Sainte-Écriture ne rapporte aucune parole proférée par S. Joseph. Ce silence n’obère pas son rôle paternel. Simplement, il s’efface totalement devant le Verbe, le Fils, la Parole de Dieu éternellement proférée par le Père éternel.
Sa place est loin d’être négligeable. La divine Providence se sert de son appartenance à la lignée de David pour que le Sauveur naisse à Bethléem, puisqu’il est de la tribu de Juda. Mais c’est la Sainte-Vierge qui donne réellement à Jésus sa descendance davidique qui ne serait, autrement, que par adoption. Certains ennemis de Jésus voulaient réduire son origine à sa seule famille terrestre, escamotant sa filiation divine, donc sa substance divine : « N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie (…) ? » (Mt 13, 55). S. Joseph y perd même son identité pour être réduit à son métier.
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- Un homme à l’écoute
Dans la messe votive qui lui est consacrée le mercredi, S. Joseph est assimilé au patriarche éponyme, onzième et avant-dernier fils de Jacob-Israël, l’aîné de Benjamin, les deux fils qu’il a eus de sa femme préférée, Rachel. Il donna à lui seul les 2 tribus d’Ephraïm et de Manassé (Lévi n’ayant pas de portion territoriale). Cette assimilation ne se limite pas à l’homonymie puisque, « pour être fidèle à son maître, (il) ne voulut pas partager le lit de sa maîtresse » (S. Bernard). Joseph subissait la séduction de la femme de son maître égyptien Potiphar mais resta pur pour ne pas le déshonorer. L’époux de la Vierge respecta sa femme pour obéir à Dieu, son maître.
Le patriarche Joseph était connu pour son interprétation des rêves, bien avant Freud et sa Traumdeutung. Il expliqua le songe complexe du pharaon avec les sept épis de blé et vaches maigres mangeant les gras (Gn 41) comme Daniel le fit plus tard pour le roi Nabuchodonosor (Dn 2-3). Or notre S. Joseph reçut plusieurs messages oniriques lui conférant un rôle de premier plan. Les trois annonces divines ouvrirent trois étapes de l’itinéraire de Jésus : Joseph permit d’abord au Messie d’avoir un nom (Mt 1, 21.25), il le protégea ensuite en le soustrayant à la colère d’Hérode par la fuite en Égypte (Mt 1, 14) et l’emmena enfin à Nazareth où il grandit au retour d’Égypte (Mt 1, 23), sans compter le passage où il l’introduisit au Temple à douze ans (Lc 2, 41-52).
S. Joseph écoutait la Sainte Écriture, tout comme son épouse : « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19 et 51). « Les Juifs s’étonnaient et disaient : ‘Comment est-il instruit sans avoir étudié ?’ » (Jn 7, 15) car S. Joseph enseigna à Jésus sa science expérimentale dans l’éducation religieuse et morale, dès l’âge de 5 ans, comme c’est l’usage pour les Juifs. La synagogue de Nazareth dut l’aider aussi (Lc 5, 16).
- La relation avec la Vierge Marie dans le mariage virginal
- Un homme chaste
S. Joseph est d’abord désigné comme ‘l’époux de Marie’ (Mt 1, 16.18.19). Fiancé à celle-ci mais ne menant pas encore de vie commune avec elle, il n’intervient évidemment pas dans la conception purement virginale de Jésus, par obombration : « ’je ne connais pas d’homme ?’ L’ange lui répondit : ‘L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre’ » (Lc 1, 34-35). De la même façon, ils n’eurent pas d’autre enfant puisque Marie est perpétuellement vierge. Ce mariage très particulier ne saurait donc être donné de ce point de vue-là en exemple pour les couples normaux qui ne sont pas appelés à l’abstinence sexuelle mais c’était un vrai mariage malgré l’expression malheureuse de S. Bernard. S. Joseph sut donc garder la chasteté parfaite, d’où le lys virginal.
L’Esprit-Saint inspira aux fiancés une entente pour tenir cette virginité. Il ne subit pas le choix de Marie mais épousa lui aussi la virginité. « Que sa Mère fût vierge, cela ne lui a pas suffi (à Jésus) : il a fallu encore, telle est la foi de l’Église, que celui qui lui servit de père le fût aussi » (S. Pierre Damien, De cœlibatu sacerdotali). Mais contrairement à Marie, S. Joseph n’étant pas exempt du péché originel dut mener un combat spirituel, modèle pour les consacrés.
Ne prétendons pas comme les Orientaux qu’il aurait été âgé et veuf pour expliquer les « frères de Jésus ». La conception sémitique large de la fratrie suffit. Le concile de Trente interdit de le représenter en vieillard suivant le Protévangile de Jacques avec les verges demeurés sèches chez les autres prétendants de Marie tandis que fleurit la sienne. Déjà Aaron avait été désigné de la sorte (Nb 17, 16-28) mais pour lui, une colombe plus qu’un bourgeon en serait sortie.
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- Un homme juste et humble
Lorsque Marie conçut de l’Esprit-Saint, S. Joseph ne la répudia pas comme l’usage juif l’exigeait publiquement. Mais il songea tout de même à la renvoyer ‘en secret’ (Mt 1, 18-20). Comment comprendre cela chez ‘un homme juste’ ? Il aurait pu croire que sa fiancée l’avait trompé et en concevoir une grande tristesse sans tomber dans une colère vengeresse. La parole de l’ange le réconforta et il se souvint de la prophétie d’Isaïe sur la parthénogénèse : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel » (Is 7, 14).
S. Jean-Paul II interpréta autrement : « Joseph a voulu abandonner Marie, non parce qu’il avait un quelconque soupçon la concernant, mais parce que, dans son humilité, il craignait de vivre aux côtés d’une telle sainteté ; c’est pour cette raison que par la suite l’ange lui dit : ‘Ne crains pas’ ». Il fallait protéger la Vierge Marie qui aurait été lapidée par les Juifs qui refusaient le miracle de la conception virginale.
La justice n’est pas ici froide inflexibilité mais douceur. Mieux, comme Noé ‘homme juste qui marchait avec Dieu’ (Gn 6, 9), Joseph était juste à cause de sa foi : il crut l’impossible - Marie enceinte sous l’action de l’Esprit-Saint - et, obéissant, se laissa guider, permettant à Dieu de réaliser son dessein : « À Dieu qui révèle est due l’obéissance de la foi (obsequium fidei) par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’Il fait » (Dei Verbum 5). Il prononça aussi son fiat.
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- Un vrai père pour Jésus
« Si le premier Adam avait eu lui-même un autre père que Dieu même, on pourrait prétendre que le second Adam a été engendré par Joseph. Mais si le premier Adam a été pris de la terre et formé par le Verbe de Dieu, il importait que le Verbe lui-même, récapitulant en lui la formation d’Adam, fût formé aussi de manière semblable. Mais alors, pourquoi Dieu n’a-t-Il pas pris une seconde fois du limon, mais a voulu former le corps du Christ de Marie ? Pour que la chair qui devait naître d’elle ne fût pas différente de la chair qui devait être sauvée, mais que la chair du Christ fût la même chair reprise en conservant la ressemblance d’origine » (S. Irénée, Adversus Hæreses 3, 2, 3). S. Joseph fut un vrai père pour Jésus, dans une vraie famille pour assurer le développement normal de l’enfant Jésus dans son humanité, sa psyché.
Père putatif signifierait qu’il passerait juste pour être son père. Adoptif non plus car l’enfant ne lui est pas étranger. C’est par le lien de son mariage virginal avec la Vierge Marie qu’il est lié à Jésus. « Un enfant d’adoption est étranger par sa naissance à ceux qui l’adoptent : et Jésus a été formé du Saint-Esprit dans les chastes entrailles de l’épouse de Joseph ; né par conséquent de ce béni mariage : car si l’esprit de Dieu a fait cette merveille, c’est à cause de l’alliance virginale qui existait entre les deux saints époux. L’union conjugale des parents adoptifs n’est pas ordonnée de sa nature à la formation de l’enfant sur lequel porte l’adoption ; ici tout au contraire le mariage de Joseph et de Marie, dans les desseins de Dieu, avait pour fin très spéciale et la naissance et l’éducation de l’Homme-Dieu. C’était là sa raison d’être. Donc, à ce double titre, Joseph est plus qu’un père putatif, plus qu’un père adoptif. Il a de la paternité tout ce qui est compatible avec la virginité, c’est-à-dire l’amour paternel, la sollicitude paternelle, l’autorité paternelle ; et par conséquent Jésus-Christ est vraiment le fruit commun de ce mariage » (J.B. Terrien).
Chef de la Sainte-Famille, époux de Marie, S. Joseph est figure tutélaire, protectrice, de la Sainte Église identifiée à Marie, l’épouse de Dieu. Comme il prit soin de son épouse terrestre, S. Joseph prend soin de l’épouse mystique du Christ (Léon XIII, Quamquam pluries). S. Joseph est aussi patron de la bonne mort.
Conclusion
Recourons à l’intercession de S. Joseph comme S. Thérèse d’Avila : « Notre Seigneur veut nous faire entendre par là que, de même qu’il lui fut soumis sur cette terre d’exil, reconnaissant en lui l’autorité d’un père nourricier et d’un gouverneur, de même il se plaît encore à faire sa volonté dans le ciel, en exauçant toutes ses demandes » (Le livre de ma vie, chap 6).