22e Pentecôte (06/11 - 2nd command.)

Homélie du 22e dimanche après la Pentecôte (6 novembre 2022)

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Le second commandement

« Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu » (Ex 20, 7) ni « pour le mal » (Dt 5, 11).

  1. Le Nom du Seigneur est saint
  1. Métaphysique du nom

On oublie parfois que la sainteté de Dieu qui le rend si grand et distant de nous s’étend à son Nom au point que les Juifs ne prononcent jamais le tétragramme ou quatre lettres YHWH (consonnes ou semi-consonne vocalisées en Yahvé). Ils le remplacent par Adonaï ou Élohim et inclinent la tête chaque fois qu’ils le prononcent, tout comme le prêtre d’ailleurs au nom de Jésus-Christ durant la messe, tout comme à celui de la Très Sainte Vierge Marie ou du saint du jour. Révéler son nom fait entrer dans son intimité, comme Moïse qui foulait une terre sainte lorsqu’il le reçut au buisson ardent (Ex 13, 14). Adam donna un nom aux animaux par  délégation divine qui le rendait maître de toute chose créée et capable de pénétrer intellectuellement son essence (contrairement à Kant) : « Le Seigneur Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun » (Gn 2, 19). Se laisser nommer, appeler par l’homme ne doit pas dégénérer ainsi mais Dieu en prit le risque.

Ainsi le Nom de Dieu doit-il se respecter d’autant plus. Il est révéré par une dévotion spéciale (diffusée par S. Bernardin de Sienne), par une fête du Très-Saint-Nom de Jésus (2 janvier), par un ordre (les Jésuites ou compagnie de Jésus) et est représenté en iconographie par le fameux IHS (IHΣOYΣ = Ἰησοῦς ou Ι = J, Η = E et Σ = S ; parfois interprété Iesus Hominum Salvator comme Jésus Sauveur des Hommes). La prescription du second commandement de respecter le Saint-Nom est surtout de l’ordre de la parole alors que le premier évoquait les actes sacrilèges. L’usage normal du nom se fait dans la liturgie qui l’adore par la gloire, la louange, la bénédiction car c’est là que se manifeste le mieux la présence divine.

  1. Intimité du nom

Il est triste que tout le monde prétende se faire tutoyer ou appeler par son ‘petit nom’ au lieu d’user du patronyme précédé de Monsieur ou Madame. Cette fausse intimité qui témoigne du fusionnel actuel. Lorsque j’arrivai à la paroisse de Dieppe, je dis que, pour éviter l’écueil de la familiarité, je ne voulais être ni tutoyé ni appelé par mon prénom (‘Père Cyrille’) mais qu’on m’appelât ‘M. l’Abbé’ comme d’usage normal. Inutile de préciser que cela me fit illico cataloguer par les progressistes qui pratiquent allègrement ces abus car au fond, ils ne supportent pas la juste distance que le sacerdoce implique entre fidèles et consacrés (le ‘mis à part’ du prêtre qui est de Dieu, donc relève du sacré). Je m’inspirais pourtant de la TS Vierge qui lorsqu’elle parlait à S. Bernadette disait ‘Me ferez-vous la grâce de revenir’ et S. Bernadette était frappé que, pour la première fois, elle se sentit traitée comme une personne alors qu’on tutoyait surtout les domestiques, les enfants, les animaux. Seules les personnes m’ayant tutoyé avant mon ordination y sont autorisées mais avec des amies devenues religieuses, nous avons même remis le vouvoiement en place. À deux de mes fils spirituels devenus prêtres après un long chemin, j’ai autorisé l’usage de mon prénom en conservant le vouvoiement puisque nous sommes devenus confrères mais après plus d’une quinzaine d’années de grande fréquentation.

Notre prénom doit être catholique et invoquer le patronage d’un saint qui offre un modèle de charité et son intercession, voire d’un mystère (Conception en espagnol qui donne Conchita) ou d’une vertu (Charity, Faith, Hope en anglais). « Les parents, les parrains et le curé veilleront à ce que ne soit pas donné de prénom étranger au sens chrétien » (CIC 855). Il nous relie au nom de Dieu car nous fûmes baptisés par ce même prénom ‘au nom du Père et du 'Fils et du Saint-Esprit, Amen’. Le nom de chacun est sacré et est parfois modifié pour des raisons religieuses au baptême, à la confirmation, lors d’une consécration religieuse ou pour un office (le pape habituellement, voire l’évêque comme Mgr André Léonard qui comme évêque de Namur prit le prénom André-Mutien et d’André-Joseph comme archevêque de Malines-Bruxelles suivant les patrons locaux). Dieu connaît chacun d’entre nous par son nom, icône de la personne, nom d’éternité. Dans le royaume, le caractère mystérieux et unique de chaque personne marquée du nom de Dieu resplendira en pleine lumière : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, inscrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit » (Ap 2, 17). « Alors j’ai vu : et voici que l’Agneau se tenait debout sur la montagne de Sion, et avec lui les cent quarante-quatre mille qui portent, inscrits sur leur front, le nom de l’Agneau et celui de son Père » (Ap 14, 1).

N'oublions pas non plus que les forces du mal jouent toujours sur les mots et les noms. Elles sont profondément nominalistes et prétendent changer d’abord le réel en le renommant par une ‘novlangue’ orwellienne qui veut atténuer puis éradiquer. Le crime de l’avortement devient une IVG, l’assassinat des vieux et malades devient l’euthanasie qui serait même digne soi-disant. La liberté d’expression est sans cesse réduite, le langage est toujours plus pénalisé.

  1. Ne pas jurer en vain
  1. Révérence envers le Nom de Dieu

Parmi les abus envers le nom de Dieu entendu au sens large pour tout ce qui se rattache à lui : le Christ, la T.S. Vierge, , les anges et les saints, l’Église, les choses sacrées citons le fait d’utiliser des jurons. Henri IV jurait comme un Gascon, ce qui horripilait les oreilles de son confesseur jésuite, le P. Coton. Il lui proposa donc de remplacer ‘jarnidiou’ par ‘jarnicoton’ (je renie Coton). Le Québec depuis l’apostasie de la ‘Révolution tranquille’ pratique avec un malin plaisir le blasphème des choses les plus sacrées par la pratique des ‘sacres’ qui offensent gravement Dieu : ‘hostie’, ‘câlice’, ‘crisse’ (pour Christ), ‘sacrament’ et ‘tabarnak’ (pour tabernacle), ‘viarge’ (Vierge), ‘torrieux’ (tort à Dieu), ‘sacréfice’.

Le blasphème est un péché très grave qui profère contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, dit du mal de Dieu, manque de respect envers lui. Le blasphème maudit ou souhaite du mal à Dieu tandis que l’imprécation se retourne contre soi-même ou le prochain. Les musulmans qui prétendent prêcher une guerre ‘sainte’ (sic) pour couvrir leur terrorisme), qui usurpent le nom de martyrs pour leurs criminels (leur habituel séminaire est la prison) blasphèment et contribuent à provoquer le rejet de toute religion. Méfions-nous même en Occident des fausses croisades qui souvent servent les intérêts politiques et matériels d’un clan, d’une nation (Bush fils pour la seconde guerre d’Irak). La vraie guerre sainte qu’a pu prêcher l’Église obéit à des règles strictes et est avant tout défensive.

La magie peut aussi chercher à manipuler le nom divin. Bien des magnétiseurs ou autres praticiens prétendent en faire usage mais ne professent pas réellement la foi vraie.

  1. Respect de la parole donnée

Le second commandement prescrit de respecter les promesses faites à autrui au nom de Dieu qui engagent la fidélité, la véracité et l’autorité divines. Sinon, on fait de Dieu un menteur. On ne doit pas jurer pour des choses mineures. Pour l’ordinaire de la vie, notre parole doit suffire et on doit donc s’abstenir de jurer : « que votre ‘oui’ soit ‘oui’, ‘non’, ‘non’. Ce qui vient de plus vient du Mauvais » (Mt 5, 37). Toutefois, pour des causes graves et justes, comme devant un tribunal, on peut prêter un serment devant Dieu (Dt 6, 13).

Un serment engage, tout comme une promesse. Les vœux ne doivent pas être prononcés en vain ni à la légère ni pour des choses futiles : « Ne jurer ni par le Créateur, ni par la créature, si ce n’est avec vérité, nécessité et révérence » (S. Ignace, Exercices spirituels, 38). On peut commuer un vœu si l’on a manqué de réalisme, par exemple avec un confesseur. Un faux serment est un péché mortel où l’on jure en prenant Dieu comme témoin alors qu’on n’a pas dès le départ l’intention de tenir l’engagement ou qu’on ne s’y tient pas par après. On commet alors un parjure. On ne peut jurer sous la contrainte, ce qui n’aurait aucune valeur, ni le faire avec un pouvoir illégitime qui pourrait en tirer une prétention à se faire reconnaître.

Mais ne devrions-nous pas réfléchir si nous tenons toujours parole pour les engagements pris devant Dieu ? Ne sommes-nous pas tous baptisés et renouvelons à Pâques le rejet de Satan, de ses pompes et de ses œuvres ? Pour un bon nombre d’entre nous qui sommes, mariés ou ordonné, parrains ou marraines de baptême ou de confirmation, témoins d’un mariage, portons-nous bien notre responsabilité devant Dieu pour le salut de ces âmes en plus de la nôtre, même si bien sûr la liberté de chacun est respectée par Dieu. Parfois nous devrions revisiter le rituel de ces moments car cela nous engage gravement pour ne pas manquer à notre parole.