23e Pentecôte (13/11 - 3e command.)

Homélie du 23e dimanche après la Pentecôte (13 novembre 2022)

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Le troisième commandement

« Souviens-toi du jour du Sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage » (Ex 20, 8-10 ; cf. Dt 5, 12-15).

  1. Le jour du Seigneur
  1. Valeur originelle du sabbat chez les Juifs

« Le septième jour est un sabbat ; un repos complet consacré au Seigneur » (Ex 31, 15). Ce jour saint rappelle l’histoire sainte et fait d’abord mémoire de la création : « Car en six jours le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, mais il s’est reposé le septième jour. Voilà pourquoi le Seigneur a béni le jour du Sabbat, il l’a sanctifié » (Ex 20, 11). Il est aussi un mémorial de la libération d’Israël de la servitude d’Égypte : « Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte et que le Seigneur ton Dieu t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu. Voilà pourquoi le Seigneur ton Dieu te commande de pratiquer le jour du Sabbat » (Dt 5, 15). Il est un don de Dieu, signe de l’alliance infrangible (cf. Ex 31, 16). Il est consacré au Seigneur, réservé à la louange de Dieu, de sa Création et Rédemption.

L’homme doit se conformer à l’agir de Dieu. Si Dieu a « repris haleine » le septième jour (Ex 31, 17), l’homme doit aussi chômer et laisser les autres, surtout les pauvres, « reprendre souffle » (Ex 23, 12). En accordant un répit arrêtant les travaux quotidiens, le sabbat proteste contre les servitudes du travail et le culte de l’argent (Ne 13, 15-22 ; 2 Ch 36, 21).

  1. Jésus revisite le sens profond du sabbat

Jésus fut accusé de violer le sabbat. Il ne manqua jamais à la sainteté de ce jour (cf. Mc 1, 21 ; Jn 9, 16) mais en donna avec autorité l’interprétation authentique : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2, 27). Il autorisa par compassion « le jour du sabbat, de faire du bien plutôt que le mal, de sauver une vie plutôt que de la tuer » (Mc 3, 3), ajoutant à sa glorification les miséricordes de Dieu envers les hommes (cf. Mt 12, 5 ; Jn 7, 23) comme une articulation de ce dernier commandement divin vers les sept humains.

Comme « le Fils de l’homme est le maître du sabbat » (Mc 2, 28), l’Église déplaça ce jour au dimanche. Jésus ressuscita d’entre les morts « le premier jour de la semaine » (Mt 28, 1) pour montrer une nouvelle création, le « huitième jour » (cf. Mc 16, 1 ; Mt 28, 1), si bien qu’il est le jour du Seigneur, dies dominica donnant notre ‘dimanche’ où le Soleil invaincu (Sol invictus) est éclipsé par la vraie lumière du Christ. : « Nous nous assemblons tous le jour du soleil parce que c’est le premier jour [après le Sabbat juif, mais aussi le premier jour] où, Dieu tirant la matière des ténèbres, a créé le monde et que, ce même jour, Jésus Christ notre Sauveur, ressuscita d’entre les morts » (S. Justin, Apologétique 1, 67). Le Dimanche annonce le repos éternel de l’homme en Dieu et accomplit la vérité spirituelle du sabbat juif dont il se distingue expressément. Il est triste de voir le nouveau rite anticiper au samedi soir la messe dominicale et des communautés nouvelles régresser à le remettre à l’honneur (Béatitudes, Chemin Néocatéchuménal).

  1. L’Eucharistie
  1. L’obligation dominicale

La célébration dominicale du Jour et de l’Eucharistie du Seigneur est au cœur de la vie de l’Église depuis les débuts de l’âge apostolique (cf. Ac 2, 42-46 ; 1 Co 11, 17) même si certains faillaient déjà : « ne désertez pas votre propre assemblée comme quelques-uns ont coutume de le faire ; mais encouragez-vous mutuellement » (He 10, 25). « Le dimanche, où, de par la tradition apostolique, est célébré le mystère pascal, doit être observé dans l’Église tout entière comme le principal jour de fête de précepte » (CIC 1246, § 1). S’ajoutent d’autres jours de précepte : Noël, Épiphanie, Ascension, Fête-Dieu, Saint-Marie (1er janvier), Immaculée Conception, Assomption, S. Joseph, SS. Pierre et Paul, Toussaint. Les conférences épiscopales peuvent décaler ces messes à un dimanche ou en dispenser. En France, le 1er janvier n’est pas imposé ni l’Immaculée transférée alors qu’elle est fériée en Autriche, Espagne, aux Philippines.

Dans une église idéale, normale, où la foi et le culte seraient uniformes, la paroisse territoriale serait normalement le lieu où de rassemblement de cette communauté précise de fidèles constituée d’une manière stable dans une Église particulière (diocèse), et dont la charge pastorale est confiée par l’évêque au curé, parfois assisté d’un vicaire (CIC. 515, § 1). C’est là qu’est célébrée l’Eucharistie et les autres sacrements, enseignée la vraie foi et que se pratiquent les œuvres bonnes et fraternelles. Toutefois, de droit ou de fait, l’Église admet que les fidèles se rendent à la messe dans des communautés religieuses ou a constitué des paroisses ou quasi-paroisses non-territoriales dites d’élection (trop peu souvent officiellement constituées en paroisses personnelles par caporalisme) pour des questions de langue ou de rite. Cela se répand, surtout que certains prêtres ne professent plus la vraie foi, ne vivent pas dignement ou pratiquent une liturgie non-respectueuses même des normes du nouveau rite (qui devrait être lui aussi orienté, en latin, avec communion sur la langue).

Personnellement, je ne partage en rien l’avis de certains prêtres traditionnalistes qui prétendent qu’il faudrait s’abstenir d’aller à la messe si on ne trouvait pas de messe traditionnelle atteignable et qu’il vaudrait mieux alors lire chez soi la messe dans son missel et réciter le chapelet pendant un temps équivalent pour sanctifier le dimanche : « Tu ne peux pas prier à la maison comme à l’église, où il y a le grand nombre, où le cri est lancé à Dieu d’un seul cœur. Il y a là quelque chose de plus, l’union des esprits, l’accord des âmes, le lien de la charité, les prières des prêtres » (S. Jean Chrysostome, Sur l’incompréhensibilité de Dieu 3, 6). Il faut sans aucun doute toujours préférer autant que faire se peut la messe traditionnelle, dans l’Église officielle ou prétendument en-dehors comme pour la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ou ses communautés amies. Cependant, qui nierait que nombre de prêtres de l’ancien rite sont issus du nouveau ? On ne saurait, par un doute méthodique cartésien, récuser a priori tous les desservants du nouveau rite en présumant qu’ils seraient tous en-dehors de la vraie foi. Seule une expérience avérée d’hérésie ou de liturgie scandaleuse les feraient alors éviter. Il est indéniable que l’ancien rite incarne mieux la saine doctrine et conforte mieux la foi que le nouveau puisqu’on juge un arbre à ses fruits. Nous avons trouvé la perle rare et il faut préférer l’or au bronze. Mais ne tombons pas dans l’excès consistant à affirmer que le nouveau rite serait certes valide comme la serait une messe noire ! Ne tombons pas dans le libre-examen protestant où le fidèle choisit ce qui serait bon ou mauvais, tout en sauvant notre âme !

Ne pas assister à la messe le dimanche et les autres jours de fête de précepte (CIC 1247-48) fait manquer au commandement de l’Église et constitue un péché grave et mortel . C’est la quintessence de la définition du péché donnée par S. Augustin de « détournement d’auprès de Dieu pour se retourner vers les créatures » (aversio a Deo et conversio ad creaturas). Seules la maladie, l’infirmité graves ou le soin de nourrissons bloquant à la maison, peuvent en exonérer. Mais pas le sport ni les vacances (si on est invité chez des amis, évitons le respect humain, osons nous absenter pour ce temps et même les inviter !) ni de faux prétextes (fête le samedi soir). Notre temps ici-bas, imparti par Dieu, est celui de nos fiançailles avec lui. Si la fiancée pose des lapins au Christ qui fixe les rendez-vous réguliers, les noces éternelles au jour du jugement particulier ne pourront avoir lieu et nous serions damnés. La messe constitue la rencontre amoureuse entre la créature et son Créateur, où celui-ci se donne physiquement à elle et pénètre son corps par la manducation eucharistique. La prière, tel un échange téléphonique, constitue durant la semaine le moyen de maintenir ce lien vital. La messe ne représente qu’une pauvre petite heure sur 168 dans la semaine !

  1. Un jour chômé

Paraphrasant Qohélet : « Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel » (Eccl 3, 1), il y a un temps pour travailler, un temps pour prier et un temps pour se reposer le corps et l’esprit. Le dimanche contribue à ce que tous jouissent du temps de repos et de loisir suffisant qui permette de cultiver leur vie familiale, culturelle, sociale et religieuse (cf. GS 67, § 3). On ne devrait pas faire ses devoirs le dimanche, ni du ménage ni autres tâches ancillaires ou serviles. Seules les nécessités familiales ou une grande utilité sociale excusent légitimement du précepte du repos dominical. L’évolution sociale essaie d’imposer le travail du dimanche, comme si on dépensait plus ce qu’on ne possède pas ! Puisqu’il ne faut pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas subir, il faut s’abstenir de faire ses courses le dimanche autres qu’alimentaires au moins (et la pratique culturelle). Dans certains pays ou régions même en France, même les commerces de bouche sont fermés le dimanche et bon nombre de restaurants. L’État et les employeurs ont une obligation morale à ce sujet.

Sanctifier les dimanches et jours de fête exige donc un effort commun. Surtout que le dimanche a été attaqué dans l’histoire et n’est pas acquis pour toujours : les révolutionnaires réduisirent les jours de repos de 75 à 36 (décadi) et en 1880, on supprima le jour de repos obligatoire le dimanche ou même dans l’absolu. La république une et indivisible prétendant défendre le peuple permettait aux entreprises de faire travailler sept jours sur sept ! En 1906, quand le repos dominical revint, il était question de le mettre du dimanche midi au lundi midi, pour empêcher l’assistance à la messe. Idéologie quand tu nous tiens ! D’ailleurs, le repos du samedi-dimanche dit universel peut être remis en cause. Si 143 sur 193 pays de l’ONU chôment le dimanche, dont le Maroc et la Tunisie et même l’Inde, la Birmanie ou la Corée du Nord (qui n’en ont qu’un), des pays musulmans plus revendicatifs où les Chrétiens doivent ainsi déplacer le culte s’arrêtent encore le jeudi-vendredi (Somalie, Afghanistan, Yémen voire qu’un jour en Iran) ou sont passés à un mixte vendredi-samedi (19 pays suivent le repos semi-universel).

Le dimanche est aussi traditionnellement consacré par la piété chrétienne aux bonnes œuvres et aux humbles services des malades, des infirmes, des vieillards. Les chrétiens sanctifient le dimanche en donnant à leur famille et à leurs proches le temps et les soins, difficiles à accorder les autres jours de la semaine. Le dimanche est un temps de réflexion, de silence, de culture et de méditation qui favorisent la croissance de la vie intérieure et chrétienne.

« Ce jour qu’a fait le Seigneur, exultons et soyons dans la joie » (Ps 117, 24).