Homélie du 24e dimanche après la Pentecôte (20 novembre 2022)
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Le quatrième commandement (1 : à l’intérieur de la famille)
« Honore ton père et ta mère afin d’avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne » (Ex 20, 12, cf. Dt 5, 16 ; Ep 6, 1-3) fut mis en pratique par le Seigneur Jésus lui-même : « Il leur était soumis » (Lc 2, 51).
Le quatrième commandement ouvre la seconde table de la loi, les commandements humains. Il indique l’ordre de la charité. Après lui, Dieu a voulu que nous honorions nos parents à qui nous devons la vie et la connaissance de Dieu. Nous devons par ce précepte positif honorer et respecter tous ceux que Dieu, pour notre bien, a revêtus de son autorité. Comme le quatrième commandement brasse une ample matière, nous le diviserons en deux : à l’intérieur de la famille et à l’extérieur dans la société car il est l’un des fondements de la doctrine sociale de l’Église car il implique un respect particulier de la vie, du mariage, des biens terrestres, de la parole.
- La famille, cellule fondamentale telle que voulue par Dieu
- Droit naturel de la famille
Dans le plan de Dieu créateur, la famille est primordiale et repose sur le mariage qui possède une valeur intrinsèque, même au niveau naturel et donc non-sacramentel dont l’Église reconnaît la validité pour les païens et qui doit aussi être indissoluble. A fortiori, il précède toute reconnaissance par l’autorité publique car il s’impose à elle en tant que droit naturel. Ce qui était tautologique jusqu’à il y a peu et devenu dans le politiquement correct actuel affreusement rétrograde voire subversif. Précisons donc. La communauté conjugale est établie sur le mariage d’un homme et une femme qui ont échangé leur consentement. Le mariage et la famille sont ordonnés au bien des époux et à la procréation et éducation des enfants. Certains mènent un procès d’intention contre Jean-Paul II qui aurait renversé les fins du mariage, ce qui force sa pensée. Nul ne peut nier en effet que le couple est premier avant la procréation. Tout simplement car tout couple ne reçoit pas la bénédiction de pouvoir donner la vie mais n’en reste pas moins validement et totalement marié (et même plus tard, pour un couple dont la femme est ménopausée). D’autre part, une femme est avant tout une épouse puis une mère car le jour où ses enfants auront quitté le nid familial, elle devra trouver dans la seule vie à deux l’équilibre suffisant. Seule cette forme familiale constitue la référence normale. Les autres existent bien sûr mais sont dues aux accidents de la vie (veuvage avec des orphelins) ou aux péchés humains (filles-mères, concubinages et agrégats homosexuels).
- Une église domestique ou ecclesiola
En créant l’homme et la femme, Dieu a institué la famille humaine dans sa constitution fondamentale. Ses membres sont des personnes égales en dignité. Pour le bien commun de ses membres et de la société, la famille implique une diversité de responsabilités, de droits et de devoirs. Mais la famille chrétienne constitue une révélation et une réalisation spécifiques de la communion ecclésiale comme une ‘église domestique’ (FC 21 ; cf. LG 11) car elle est une communauté de foi, d’espérance et de charité. L’amour qui en unit les membres en une communion de personnes est une trace et image de la communion trinitaire du Père et du Fils dans l’Esprit Saint. Son activité procréatrice et éducative est le reflet de l’œuvre créatrice du Père. Elle est appelée à partager la prière et le sacrifice du Christ. La prière quotidienne et la lecture de la Parole de Dieu fortifient en elle la charité, don de l’Esprit-Saint.
- Les devoirs des membres de la famille
- Devoir des enfants
La paternité divine est la source de la paternité humaine (Ep 3, 14) et fonde l’honneur dû aux parents. Le respect des enfants, mineurs ou adultes, pour leurs père et mère (cf. Pr 1, 8 ; Tb 4, 3-4) se nourrit de l’affection naturelle née du lien qui les unit. Il est demandé par le précepte divin (cf. Ex 20, 12). La vertu de piété filiale (aussi don de l’Esprit-Saint envers Dieu) est fait de reconnaissance à l’égard de ceux qui, par le don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants au monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et en grâce : « De tout ton cœur, glorifie ton père et n’oublie pas les douleurs de ta mère. Souviens-toi qu’ils t’ont donné le jour ; comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? » (Si 7, 27-28). Certes tout le problème vient quand les parents sont indignes et font du mal à leurs enfants, ce qui risque de déformer leur vision de Dieu.
Cela implique une docilité ou capacité à se laisser enseigner et une obéissance véritables : « Garde, mon fils, le précepte de ton père, ne rejette pas l’enseignement de ta mère ... Dans tes démarches, ils te guideront ; dans ton repos, ils te garderont ; à ton réveil, ils te parleront » (Pr 6, 20-22) ; « Un fils sage aime la remontrance, mais un moqueur n’écoute pas le reproche » (Pr 13, 1). Vivant sous leur toit, l’enfant doit obéir à toute demande des parents motivée par son bien ou celui de la famille : « Enfants, obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable au Seigneur » (Col 3, 20 ; cf. Ep 6, 1) et aux prescriptions raisonnables de leurs éducateurs et responsables sauf si l’enfant est persuadé en conscience qu’il est moralement mauvais d’obéir à tel ordre. En grandissant, ils préviendront leurs désirs, solliciteront volontiers leurs conseils et accepteront leurs admonestations justifiées.
L’obéissance envers les parents cesse avec l’émancipation mais non le respect qui reste dû à jamais, enraciné dans la crainte de Dieu, un des dons du Saint-Esprit. Ils doivent les aider matériellement et moralement dans la vieillesse et maladie, solitude ou détresse (cf. Mc 7, 10-12) : « Enfant, viens en aide à ton père dans sa vieillesse et ne l’attriste pas durant sa vie. Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas quand tu es en pleine force ... Tel un blasphémateur, celui qui délaisse son père, un maudit du Seigneur celui qui rudoie sa mère » (Si 3, 12. 16). Force est toutefois de constater que les vieillards peuvent être parfois profondément égoïstes, comme le sont les enfants et aussi méchants (cf. film Tatie Danielle), fragilisant parfois le couple. En cas de dilemme, on se doit d’abord à son conjoint et à ses enfants et seulement ensuite si l’on peut à ses parents : « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2, 24). Il est mauvais de renoncer à se marier à cause d’un cordon ombilical qu’on n’a pas su couper. Si certaines personnes âgées sont seules, elles paient aussi le mal qu’elles firent. La fragilité du grand âge ne doit pas illusionner un pasteur sur le passé de péché. Mais dans une famille normale, le respect filial favorise l’harmonie familiale qui des parents irradie tout le milieu familial, entre frères et sœurs : « Supportez-vous les uns les autres dans la charité, en toute humilité, douceur et patience » (Ep 4, 2).
Pour les chrétiens, une spéciale gratitude est due à ceux dont ils ont reçu le don de la foi, la grâce du baptême et la vie dans l’Église : si ce ne sont les parents, des grands-parents, prêtres, catéchistes, maîtres ou amis : « J’évoque le souvenir de la foi sans feinte qui est en toi, celle qui habite d’abord en ta grand-mère Loïs et en ta mère, Eunice, et qui, j’en suis persuadé, est aussi en toi » (2 Tm 1, 5).
- Devoir des parents
La fécondité de l’amour conjugal ne se réduit pas à la seule procréation mais s’étend à leur éducation morale et spirituelle, ce qui en fait un droit primordial et inaliénable que toute dictature essaie toujours de rogner, comme actuellement l’État français le fait en imposant l’école dès la maternelle, en idéologisant l’école (avec le genre) ou en limitant l’école à domicile ou le hors-contrat alors que la liberté scolaire est le droit fondamental de choisir une école qui corresponde à ses convictions (pourvu qu’elles respectent le bien commun, ce qui n’est pas le cas avec les écoles islamiques).
Les parents doivent regarder leurs enfants comme enfants de Dieu et les respecter comme personnes. Ils éduquent leurs enfants à accomplir la loi de Dieu, en lui obéissant eux-mêmes. Ils doivent créer un foyer, où la tendresse, le pardon, le respect, la fidélité et le service désintéressé sont de règle car là se vivent les vertus. Il faut leur apprendre l’abnégation, à bien juger, à se maîtriser, conditions de toute liberté véritable et à donner le primat du spirituel sur le physique : « Qui aime son fils lui prodigue des verges, qui corrige son fils en tirera profit » (Si 30, 1-2) ; « et vous, pères, n’irritez pas vos enfants, élevez-les au contraire en les corrigeant et avertissant selon le Seigneur » (Ep 6, 4).
Au foyer s’apprennent encore la solidarité et les responsabilités communautaires et à se garder des compromissions et dégradations des sociétés humaines. Par la grâce du sacrement de mariage, les parents ont reçu la responsabilité d’évangéliser leurs enfants qu’ils doivent, dès le premier âge, initier aux mystères de la foi, en les associant à la vie de l’Église et en prêchant par l’exemple. Les enfants à leur tour contribuent à la croissance de leurs parents dans la sainteté (cf. GS 48, 4). Tous et chacun s’accorderont généreusement et sans se lasser les pardons mutuels exigés par les offenses, querelles, injustices et abandons. L’affection mutuelle le suggère. La charité du Christ le demande (cf. Mt 18, 21-22 ; Lc 17, 4).
Outre à pourvoir à leurs besoins physiques et spirituels dans l’enfance, ils les éduquent à user droitement de leur raison et de leur liberté. Devenant adultes, les enfants ont le devoir et le droit de choisir leur profession et leur état de vie tout en recevant volontiers leurs avis et conseils judicieux. Ils se rappelleront et enseigneront que le premier appel du chrétien, c’est de suivre Jésus mais cela ne se choisit pas pour faire plaisir aux parents, qui ne doivent toutefois pas s’y opposer, malgré le deuil que cela implique de leurs propres projections ! « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Il ne doit pas y avoir plus de contrainte même insidieusement psychologique, dans le choix d’un conjoint. Les célibataires sans enfants contribuent aussi par leur famille, leur profession au bien de la famille humaine même si le célibat qui ne serait pas consacré ne constitue pas en soi un état de vie mais plus un manque et ne saurait donc constituer une vocation.