Homélie du 18e dimanche après la Pentecôte (9 octobre 2022)
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La guérison du paralytique (Mt 9, 1-8)
- Le Christ chez lui – et nous chez nous
- La patrie divine
Le Christ revint chez lui, ayant quitté la terre de Décapole, à l’Est de la mer de Galilée (Gérasa ou Gadara sont deux cités de cet ensemble de dix villes. Mais plus que leur territoire, le site d’où ce jetèrent les porcs serait Gergésa, beaucoup plus proche du lac de Tibériade). Il y avait chassé les démons. Par « revenir en sa ville », il faut entendre Capharnaüm où vivait Pierre qui l’hébergeait, sur la rive Ouest (voire Tibériade, toutes deux proches). Il suit donc le cheminement du soleil, d’Est en Ouest, de la vie à la mort d’où il est venu nous tirer.
Prendre une barque pour traverser ces flots sur lesquels il a marché par ailleurs (Mt 14, 22-33) peut symboliser l’Église qui, comme l’arche de Noé, nous emmène à bon port, en ce havre de grâce qu’est Dieu, dans notre véritable patrie qu’est le Paradis. Elle nous fait traverser les eaux de la mort du Déluge constitué par le monde de péché dominé par Satan mais auquel nous avons aussi part, malheureusement. Le salut consistant précisément à nous en retirer, comme de la mort spirituelle, ainsi que Pierre, André, Jacques et Jean qui tous étaient pêcheurs et devinrent pêcheurs d’homme (Lc 5, 11). Si le poisson meurt sorti de l’eau, les apôtres en sortent l’homme pour lui donner la vie.
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- Chez nous
Mais malgré cet environnement hostile, ne perdons pas de vue que s’y exerce malgré tout la souveraineté de Dieu. Si la barque de l’Église faiblit et « prend l’eau de toute part » (card. Ratzinger), c’est d’abord par le manque de foi de ceux qui la conduisent, les rameurs que sont les apôtres. La foi de Pierre faillit lorsqu’il rejoignit le Christ sur l’eau. Il ne fut sauvé des flots où il commençait à enfoncer que parce que le Fils de Dieu lui tendit la main pour l’en sortir (Mt 14, 30-31). La foi offre donc le fondement solide pour traverser ce monde, malgré les attaques des flots mugissants et notre foi balbutiante : « Sauve-moi, mon Dieu : les eaux montent jusqu'à ma gorge ! J'enfonce dans la vase du gouffre, rien qui me retienne ; je descends dans l'abîme des eaux, le flot m'engloutit » (Ps 68, 2-3, cf. Ps 17, 17). Parfois, on a l’impression que le Seigneur dort, mais il guide pourtant fermement sa barque (Mt 8, 24-27). L’eau d’où nous sortons évoque bien sûr le baptême qui nous fait dépositaire de son Esprit-Saint et pardonne nos péchés précédents.
Si Dieu est chez lui, en réalité, il est chez Pierre, il est chez nous, chez l’homme avec lesquels il a voulu frayer car y trouvant son plaisir (Prov 8, 31), où nous voulons lui faire un peu d’espace. La paix dont parle l’introït (Eccl 36, 18, Vulg) provient du fait que nous sommes appelés à quitter notre petitesse pour pénétrer dans les demeures éternelles : « Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » (Ps 121, 1). Il y a un finalement un appel à le rejoindre puis un envoi en mission : « Va dans ta maison » pour y prêcher la rencontre avec le Sauveur qui sera vécue existentiellement et pas connu qu’intellectuellement. Cela n’est possible qu’apaisé par le pardon des péchés.
- Lecture sacramentaire du pouvoir de pardonner
- Dieu guérit et pardonne
Le paralytique fut amené, ‘offert’ littéralement, à Dieu : son impuissance le fait gésir ici comme lorsqu’on offre un bébé néo-baptisé posé sur l’autel de la Vierge en signe de consécration à notre chère Mère céleste. Pieds et poings liés non pas par des menottes mais des entraves de péché, comme Lazare ressuscité mais empêtré de ses bandelettes (Jn 11, 44) symbolisant les peines du Purgatoire pour les péchés non encore intégralement réparés.
En toute bonne logique, lorsqu’un malade est amené à Jésus, il attend du Sauveur la guérison physique de ses infirmités. Or, voici que Jésus ne le guérit pas mais lui pardonne ses péchés ! Dieu sait toujours mieux ce qui nous convient plus, alors que nous ne savons pas nous-même quoi lui demander de prioritaire ni comment : « Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 26).
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- Les hommes reçoivent le pouvoir de pardonner les péchés
Jésus montre qu’il est Dieu en devinant, lui qui sonde les reins et les cœurs, les mauvaises pensées de son auditoire, relevant du for interne inaccessible au commun des mortels. Il voulut donc accomplir en opérant le miracle d’une guérison physique un signe visible qui manifesterait publiquement l’absolution de ce pécheur, don spirituel. Ce qui est le propre du sacrement, signe visible et efficace d’une grâce invisible.
Mais voilà que la conclusion de l’évangéliste est étrange : ce pouvoir est de Dieu, propre à sa nature divine. Pourtant, si Jésus le fit, pourquoi en conclure qu’il l’aurait donné aux hommes ? Ce pluriel indique le pouvoir des clés de remettre les péchés. Car Dieu ne retint pas jalousement son pouvoir divin mais le donna en partage à ceux qu’il s’est choisi (Ph 2, 6). Tout prêtre pardonne au nom de Dieu les péchés des hommes par le sacrement de la confession. Justement, cette messe apparaît dans vos missels comme un Dominica vacat où il n’y avait pas de formulaire pour la messe après la vigile nocturne des Quatre-Temps de Septembre, soit un temps traditionnel d’ordination pour les prêtres (d’ailleurs, le parallèle en Lc 5, 17-26) est placé au vendredi des Quatre-Temps de Pentecôte).
Et pour que les hommes le sachent, il voulut opérer aussi des miracles par ses saints, comme Pierre guérit le paralysé de naissance devant la Belle-Porte du Temple (Ac 3, 1-8). Là encore, Dieu alla au-delà des légitimes attentes des hommes : d’un aumône espérée à sa guérison définitive ; d’une guérison au salut.
Nous aussi, rendons grâces à l’Époux dont la dot merveilleuse, qui est son sang versé pour l’Épouse, suffit jusqu’à la fin à solder les droits de la justice éternelle. Le plus sûr moyen d’obtenir la grâce est toujours l’humble aveu de notre impuissance à plaire par nous-mêmes au Seigneur. Mais surtout Dieu veut demeurer chez nous et procède à cet admirable échange (‘veneranda commercia’ de la Secrète) entre notre humanité pécheresse et sa divinité surabondante.