12e Pentecôte (20/08 - lect; thom. ép.)

Homélie du 12e dimanche après la Pentecôte (20 août 2023)

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Lecture thomiste de l’épître (2 Co 3, 4-9)

S. Paul s’était déjà défendu plus haut de rechercher sa propre gloire, parce qu’il n’en avait pas besoin. Il prouve ici qu’il ne la cherche pas, mais qu’il attribue au contraire à Dieu et non à soi tout le bien qu’il a en lui et qu’il fait. Une lettre de recommandation n’est pas nécessaire car cette lettre, c’est la communauté des croyants de Corinthe, qui est pour la gloire du Christ. Il ne parle pas de lui-même mais trouve son assurance en Christ qui agit à travers lui.

  1. Confiance dans le Christ

Le Christ donne cette assurance ou confiance puisqu’il nous donne accès au Père (Rm 5, 2) et scelle notre union avec Dieu : « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance » (Jr 17, 7). Quoi que je fasse, même l’inspiration de mon œuvre, j’attribue tout à Dieu.

« Non que nous soyons capables d’avoir une pensée par nous-mêmes comme de nous-mêmes, mais c’est Dieu qui nous en rend capables » (v. 5). Une œuvre se fait en plusieurs étapes : il y a d’abord l’adhésion à l’œuvre par la conception qui s’assimile à l’inspiration, ensuite la comparaison des moyens, par le verbe (la raison), enfin l’accomplissement de l’œuvre même. Dieu est à l’œuvre à toutes les étapes : « celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement » (Ph 1, 6). L’hérésie pélagienne prétend que le commencement d’une œuvre bonne serait de nous et que seul son achèvement serait de Dieu, au contraire du prophète : « dans toutes nos œuvres, toi-même agis pour nous » (Is 26, 12). Toutefois, il convient aussi de sauvegarder le libre-arbitre attaqué ensuite par Luther car ce libre-arbitre est en collaboration avec la grâce : « par nous-mêmes, comme venant de nous ». Je peux bien faire quelque chose, mais ce que je fais ne vient pas de moi, mais de Dieu, qui accorde le pouvoir même de faire tout en nous. Aristote recherchait déjà toujours la cause dans ce que nous faisons, remontant jusqu’à atteindre l’élément premier, c’est-à-dire la résolution qui vient de Dieu. Toute inspiration vient de Dieu et nous avons une certaine capacité à vouloir le bien et commencer à croire. Mais cette capacité vient de Dieu : « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? » (1 Co 4, 7).

  1. Glorification du ministère de la Nouvelle Alliance
  1. Le ministre

Saint Paul montre le don reçu de Dieu, d’être ministres de la Nouvelle Alliance (v. 6) : « On vous nomme ministres de notre Dieu » (Is 61, 6) et cela place les prêtres dans une fonction similaire à celle des anges : « tu prends les vents pour messagers, pour serviteurs, les flammes des éclairs » (Ps. 103, 4). Mais Dieu n’a pas seulement fait de nous des ministres, il nous a « rendus capables de l’être ». Dieu en effet donne à tout être le moyen d’atteindre la perfection de sa nature. Aussi, puisque Dieu a établi des ministres de la Nouvelle Alliance, il leur a donné aussi l’aptitude à exercer leur office, à moins d’un obstacle de la part de ceux qui en reçoivent la parole. Il parle des apôtres, précurseurs des évêques, et des prêtres qu’ils se choisissent comme collaborateurs. Le prêtre connaît par l’ordination un changement ontologique, c’est-à-dire affectant son être même, et ce changement relève métaphysiquement d’une puissance obédientielle. Uniquement dans le cadre de son ministère sacramental (et non pas sa prédication !), la personne du ministre est totalement mue par le Christ. Elle agit in persona Christi, en ce sens qu’elle permet docilement l’action divine directe comme pour un miracle comme celui de la transsubstantiation par exemple, n'interposant pas d’obstacle.

  1. La nouvelle alliance

La nouvelle alliance est « fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ». Les prophètes comme Jérémie avaient envisagé cette nouvelle forme plus spirituelle et donc profonde : « Voici venir des jours – oracle du Seigneur –, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle (…). Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple » (Jr 31, 31-33). Au lieu des entrailles, comme celles de la miséricorde de Dieu (« per viscera misericordiæ suæ », Lc 1, 78, Vulg.), l’ancienne alliance était écrite dans un livre qui fut aspergée de sang (He 9, 19). Voilà pourquoi il parle de la lettre alors que la nouvelle alliance provient de l’Esprit-Saint, amour de Dieu répandu dans nos cœurs (Rm 5, 5). Ce même Saint-Esprit fait naître en nous la charité, plénitude de la loi et qui vivifie (Rm 8, 2).

« La lettre tue » par occasion. Car la lettre de « la Loi fait seulement connaître le péché » (Rm 3, 20). La loi qui nous donne cette connaissance ne réprime pas la concupiscence, mais l’augmente plutôt, dans la mesure où elle se porte avec plus d’ardeur vers le fruit défendu. Elle y ajoute même la transgression car il est plus grave de pécher contre une loi à la fois écrite et naturelle que contre une loi naturelle seulement. « Je n’aurais pas connu le péché s’il n’y avait pas eu la Loi ; en effet, j’aurais ignoré la convoitise si la Loi n’avait pas dit : ‘Tu ne convoiteras pas’. Se servant de ce commandement, le péché a saisi l’occasion : il a produit en moi toutes sortes de convoitises. Sans la Loi, en effet, le péché est chose morte, et moi, jadis, sans la Loi, je vivais ; mais quand le commandement est venu, le péché est devenu vivant » (Rm 7, 7-9).

L’ancienne loi n’est cependant pas mauvaise, parce qu’au moins elle défend le mal. Mais elle est imparfaite parce qu’elle n’écarte pas la cause du mal. Elle est donc une loi privée de l’esprit, qui, s’imprimant dans le coeur, est une occasion de mort. C’est pourquoi il fut nécessaire de donner une loi de l’esprit qui, faisant naître la charité dans le coeur, lui donne la vie (Jn 6, 63).

  1. Un ministère plus élevé qu’autrefois

Le ministère de la Nouvelle Alliance est supérieur à celui de l’Ancienne Alliance. Saint Paul argumente d’après Moïse qui monta sur le Sinaï (Ex 24) et quand il en redescendit, son visage rayonnait (Ex 34, 30.35)[1]. Les Juifs ne pouvaient donc soutenir la vision du visage resplendissant de Moïse. Saint Paul procède par similitude et tire sa preuve de l’être inférieur. Il est certain en effet que, si un être inférieur possède quelque gloire, ce qui lui est supérieur doit en posséder bien davantage. Or l’ancienne alliance est inférieure à la nouvelle. Puisqu’elle a été entourée d’une telle gloire que les fils d’Israël ne pouvaient tenir leurs regards fixés sur la face de Moïse, il semble que la nouvelle alliance doive avoir une gloire infiniment plus grande.

Il prouve qu’elle était inférieure par trois arguments. Quant à son effet, car elle est une alliance de mort ou « ministère de mort » et la nouvelle une alliance de vie. Quant à son mode de transmission, soit sur des tables de pierre, soit par l’Esprit sur des cœurs de chair. Quant à sa perfection. La gloire de l’ancienne alliance ne donne aucune assurance parce que la loi ne conduit personne à la perfection au contraire de la nouvelle. On peut ainsi contraster le « rayonnement passager » (v. 13) au salut qui est éternel : « Les cieux se dissiperont comme la fumée, la terre s’usera comme un vêtement, et ses habitants tomberont comme des mouches. Mais mon salut est pour toujours, ma justice ne sera jamais abattue » (Is 51, 6).

La justice doit être plus glorieuse que la condamnation. Or la nouvelle alliance est un ministère de justice, qui justifie en donnant la vie intérieure. L’ancienne alliance est un ministère de condamnation par occasion. La pleine gloire ne peut donc revenir qu’aux ministres de la nouvelle alliance qui transmettent la grâce nécessaire pour être sauvé et vivre pleinement des vertus : « aux sages, la gloire en partage » (Prov 3, 35).

 

[1] Qu’il soit précisé qu’on représentait souvent Moïse cornu (comme chez Michel-Ange à Saint-Pierre-aux-liens) en raison d’une confusion provenant peut-être d’une erreur de saint Jérôme pour traduire ‘karen’, cornu, au lieu de ‘karan’, rayonnant (même si des commentateurs comme rabbi Rachi de Troyes, au XIe s. proposait ce même rapprochement) ou d’une corruption de copiste de la Vulgate au VIIIe s. avait mis ‘cornatus’, cornu, au lieu de ‘coronatus’, couronné.

Date de dernière mise à jour : 20/08/2023