13e Pentecôte (27/08 - lect. thom. ép.)

Homélie du 13e dimanche après la Pentecôte (27 août 2023)

Pour écouter l'homélie, cliquez ici

Lecture thomiste de l’épître (Ga 3, 16-22)

  1. La foi d’Abraham

Pour souligner la certitude des promesses faites à Abraham, saint Paul les compare à un testament de Dieu, à quelque chose d’assuré car elles disposent de l’héritage à donner à Abraham et à sa race. « 430 ans » (Ex 12, 40 ; Ac 7, 6) avant la Loi donnée à Moïse, Dieu avait fait des promesses « à Abraham et à sa race ». À Abraham en faveur de qui elles devaient être accomplies, et à sa race par qui elles devaient l’être. Les promesses sont au pluriel, ce qui impliquait soit plusieurs bienfaits, soit la réitération de la même bénédiction d’accéder à la béatitude éternelle fréquemment promise : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 3) ; « Puis il le fit sortir et lui dit : ‘Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux…’. Et il déclara : ‘Telle sera ta descendance !’ » (Gn 15, 5) repris par « je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer » (Gn 22, 17).

Mais si la race pourrait s’entendre comme une dynastie, celle de tous les descendants abrahamiques, le singulier n’en désigne qu’un seul, Jésus-Christ. Bien qu’il se fût fait, par amour pour nous, malédiction en se soumettant à la crucifixion supportée à notre place (Ga 3, 13), Jésus-Christ est  celui par qui et en qui tous pourront être bénis. Il est, en effet, le seul et l’unique, qui ne soit pas soumis à la malédiction de la faute : « tous, ils sont dévoyés ; tous ensemble, pervertis : pas un homme de bien, pas même un seul ! » (Ps 13, 5) ; « les impies tomberont dans leur piège ; seul, moi, je passerai » (Ps 140, 10). « Entre mille hommes, j’en ai trouvé un seul » (Qo 7, 29), à savoir le Fils du Père éternel qui prit notre nature humaine mais entièrement exempte de péché.

Cette promesse est une alliance (Jr 31, 31) confirmée par Dieu par serment lors du sacrifice d’Isaac : « Il déclara : ‘Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique’ » (Gn 22, 16). C’est comme un échange, une substitution d’otage garant : parce qu’Abraham a offert Isaac, sauvé in extremis, Dieu offrira son Fils unique sur le bois de la Croix. Il n’est pas possible de donner garantie plus haute que Dieu, Créateur et souverain juge. « Dieu s’est ainsi engagé doublement de façon irrévocable, et il est impossible que Dieu ait menti » (He 6, 18), ce qui nous rappelle l’acte de foi : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous enseignez par votre Sainte Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper ».

Les promesses faites aux Patriarches furent confirmées par Jésus-Christ « car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères » (Rm 15, 8). « Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur ‘oui’ dans sa personne » (2 Co 1, 20). L’alliance n’est pas annulée par la loi donnée bien postérieurement à Moïse. Ce qui adviendrait si la race promise à Abraham ne suffisait pas pour communiquer la bénédiction promise aux nations. L’héritage, soit la bénédiction, ne vient pas par la loi : « car c’est à cela que vous avez été appelés, afin de recevoir en héritage cette bénédiction » (P 3, 9).

  1. Une loi inutile ?
  1. Raisons de la loi mosaïque

Après avoir établi par l’autorité de l’Écriture et par la coutume des hommes, que la Loi n’a pu justifier, saint Paul soulève deux difficultés. Premièrement, si la Loi ne pouvait justifier, serait-elle complètement inutile ? Sinon, à quoi fut-elle été utile ? L’ancienne Loi fut donnée pour quatre motifs, correspondant à autant de conséquences du péché : la malice, la faiblesse, la convoitise et l’ignorance (saint Bède).

La loi fut d’abord donnée pour réprimer la malice. Prohibant le péché et prescrivant des peines pour les transgresseurs, elle en détournait les hommes (I Tite, I, 9) : « une loi ne vise pas l’homme juste, mais les sans-loi » (1 Tm 1, 9). En effet l’homme bien disposé est porté de lui-même à faire le bien; il suffit pour lui d’un avertissement paternel, si bien qu’il n’a pas besoin de la loi. « Quand des païens qui n’ont pas la loi pratiquent spontanément ce que prescrit la loi, eux qui n’ont pas la loi sont à eux-mêmes leur propre loi. Ils montrent ainsi que la façon d’agir prescrite par la loi est inscrite dans leur cœur, et leur conscience en témoigne » (Rm 2, 14-15). La loi, par la puissance coercitive ne vaut que pour les mal disposés.

La loi fut donnée pour faire sentir la faiblesse. Les hommes présumaient d’eux-mêmes, quant à leur savoir et pouvoir. Au temps de la loi de nature, Dieu les laissa sans enseigner la loi écrite, pendant lequel ils tombèrent dans de telles erreurs, que leur orgueil fut convaincu de l’impuissance de leur savoir. Ils croyaient avoir la ressource pour tout accomplir : « tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons » (Ex 24, 7). Mais la loi leur a surtout fait connaître leurs transgressions (Rm 3, 20) sans pouvoir y porter remède car ne donnant pas le secours de la grâce. L’homme sous la loi expérimentait son infirmité. La convoitise s’était aussi enflammée par l’attrait du fruit défendu en sorte que le péché s’était encore aggravé par la violation de la loi écrite. Dieu le permit pour que l’homme reconnaissant son imperfection, eût recours à la grâce du Médiateur Jésus-Christ.

La loi était intermédiaire entre la loi naturelle et la loi nouvelle de la grâce qui libère de toute une pesante série de prescriptions impraticables totalement comme le reconnut saint Pierre : « pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? » (Ac 15, 10). Enfin, la loi remédiait à l’ignorance et figurait la grâce à venir : « La loi de Moïse ne présente que l’ébauche des biens à venir, et non pas l’expression même des réalités » (He 10, 1). Elles vinrent en Jésus-Christ par lequel sont bénis toutes les Nations, lui qui fut annoncé par le Baptiste : « tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean » (Mt 11, 13).

  1. Les ministres de la loi

Saint Paul évoque ensuite les ministres de la Loi. Les anges sont les messagers de Dieu : « Vous qui aviez reçu la loi sur ordre des anges » (Ac 7, 53). Lesquels s’adressèrent aux prophètes Moïse et Aaron (Ml 2, 7). La loi nouvelle, évangélique, ne fut plus donnée par des intermédiaire mais directement enseignée de l’intérieur, parlant au cœur dans l’Esprit, par le Fils du Père éternel, lequel est plus grand que les anges (He 1, 4 ss : « il est devenu bien supérieur aux anges… »). Jésus-Christ est bien législateur comme le Seigneur même sur le Sinaï : « à sa droite brillait pour eux le feu de la loi ! » (Dt 33, 2). Mais il est d’un genre nouveau, finalement plus exigeant encore, par le sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43-44). Jésus a pris la place de Moïse (Dt 5, 5) qu’il surpasse largement. Il est l’unique médiateur (1 Tm 2, 5) et pourvoyeur de la grâce. Il ne passe plus par des prophètes : « À bien des reprises, et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes » (He 1, 1-2).

Un médiateur fait le lien entre deux parties. Jésus-Christ établit un pont (pontifex) entre Dieu et l’homme car il est substantiellement vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père et à nous. S’il n’était que l’un ou l’autre, il ne pourrait être intermédiaire. Certains pourraient objecter qu’étant impossible d’être médiateur par rapport à soi-même, il existerait d’autres dieux. Le v. 20 rappelle la foi au Dieu unique (Dt 6, 4 et Ep 4, 6) mais qui partage cette unique substance en trois personnes. Jésus-Christ n’est pas médiateur que des Juifs mais de tous. Il suffit pour réconcilier tous les hommes à Dieu parce que lui-même est Dieu : « puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu : il rendra justes en vertu de la foi ceux qui ont reçu la circoncision, et aussi, au moyen de la foi, ceux qui ne l’ont pas reçue » (Rm 3, 30 ; cf. 2 Co 5, 19 : « c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui »). Il fait d’ailleurs de ces deux groupes, Juifs et Gentils, une seule race élue. « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ep 2, 14). Il fit cesser les observances de la loi pour les uns et détruisit pour les autres l’idolâtrie.

  1. La loi serait-elle nuisible à la grâce ?

Enfin, saint Paul aborda la seconde difficulté. Si la loi fut établie à cause des transgressions, agirait-elle contre les promesses de Dieu ? Ce que Dieu a annoncé devoir faire par la race promise, l’opère-t-il par un autre moyen ? « Absolument pas ! » (v. 21) : « Ainsi, la loi est sainte ; le commandement est saint, juste et bon » (Rm 7, 12). La loi n’est pas opposée aux promesses de Dieu mais les sert.

Bien que la loi eût été portée à cause de la transgression, elle ne contredit pas les promesses de Dieu, puisqu’elle est incapable d’arrêter la transgression même. Si elle pouvait l’arrêter, elle s’opposerait aux promesses de Dieu, puisqu’on obtiendrait la justice par un autre moyen que celui que Dieu a promis : par la loi et non par la foi. « Mais le juste vivra par sa foi » (Ha 2, 4, Vulg.) ; « cette justice de Dieu, donnée par la foi en Jésus Christ » (Rm 3, 22). Mais la loi ne donne ni la vie de grâce ni l’éternelle béatitude et ne rend donc pas vaine la foi. La loi ne justifie pas car « la lettre tue » (2 Co 3, 6). En réalité, la loi, non seulement n’est pas opposée à la grâce, mais lui vient même en aide parce qu’elle fait connaître le péché (Rm 3, 20) et l’infirmité humaine en-dehors de la grâce que la loi ne donnait pas. Comme la connaissance de la maladie et l’impuissance du malade portent singulièrement à recourir au médecin, de même la connaissance du péché et celle de la faiblesse du pécheur portent à recourir à Jésus-Christ.

« L’Écriture a tout enfermé sous la domination du péché » (v. 22) car elle a montré aux Juifs les péchés qu’ils commettaient (Rm 7, 7) et leur a donné occasion de commettre le péché d’incrédulité (Rm 11, 32) pour qu’ils eussent recours à la grâce et qu’ils crussent tous en Jésus-Christ.

Date de dernière mise à jour : 27/08/2023