Homélie du 11e dimanche après la Pentecôte (24 août 2025)
Lecture thomiste de Mc 7, 31-37
- Le Messie se fait reconnaître en guérissant un sourd-muet de Décapole
- Contexte biblique et géographique
Le Seigneur ne voulait pas rester plus parmi les Gentils, pour éviter de donner occasion aux Juifs de l’accuser de transgresser la Loi en se mêlant aux idolâtres. Il quitta les confins de Tyr où il avait délivré la fille possédée de la syro-phénicienne qui insistait comme le petit chien guettant les miettes de la table. Il s’approcha du lac de Tibériade où il passa un long temps durant les trois années d’évangélisation (Capharnaüm, Tibériade). Le littoral oriental était divisé entre la Gaulanitide/Trachonitide de Philippe (Syrie : Bethsaïde, Gergesa, Gadara) et la Décapole (Jordanie : Hippos). Jésus y guérit un sourd-muet, infirmité considérée comme relevant du démon (cf. Mt 9, 32-34 ; Mt 12, 22-28).
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- La guérison, signe du salut
Lui qui pouvait le guérir d’une seule parole, mit ses doigts dans les oreilles de cet infirme pour montrer que ce corps uni à la divinité avait une puissance toute divine. Par le péché d’Adam, la nature humaine avait été condamnée à de nombreuses infirmités et l’homme était profondément blessé dans ses membres et dans ses sens. Jésus-Christ possédait la nature humaine rétablie dans sa perfection. Il ouvrit les oreilles avec ses doigts et rendit l’usage de la parole par sa salive, prouvant que tous les membres de son corps sacré étaient saints et divins.
Il leva les yeux au ciel en tant qu’homme, il guérit en tant que Dieu d’une parole à la puissance toute divine. De là, les muets doivent attendre la parole, les sourds l’ouïe, et les malades leur guérison. S’il gémit, ce n’était pas pour obtenir ce qu’il demandait au Père, avec lequel il exauce lui-même les prières, mais pour enseigner d’implorer avec des gémissements la miséricorde divine pour nos péchés ou ceux des autres. Il exprimait aussi sa compassion pour notre nature en voyant la profonde misère dans laquelle le genre humain était tombé. ‘Ephphetha’ = ‘ouvrez-vous’ s’applique plus aux oreilles à ouvrir pour qu’elles pussent entendre, tandis qu’il fallait faire tomber les liens de la langue captive pour recouvrer la parole, d’où l’assimilation aux liens démoniaques.
Ces signes accomplissent la prophétie d’Isaïe : « Les sourds, en ce jour-là, entendront les paroles du livre. Quant aux aveugles, sortant de l’obscurité et des ténèbres, leurs yeux verront » (Is 29, 18) à laquelle Jésus renvoie les envoyés de Jean-Baptiste venir vérifier s’il était bien le Messie : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle » (Mt 11, 4-5). Gestes et paroles sont repris dans le baptême qui donne l’adoption divine et fait des hommes les cohéritiers du Père, au même titre que le Christ (Rm 8, 17).
- Seigneur, ouvrez mes lèvres et ma bouche publiera votre louange
- Le bien ne fait pas de bruit
Le miracle n’intervint pas publiquement. Jésus mena ce sourd-muet hors de la foule pour enseigner à fuir vaine gloire et orgueil car rien n’attire davantage que l’humilité et la modestie la grâce de faire des miracles. Il défendit de publier ce miracle, pour ne pas exciter avant le temps marqué chez les Juifs l’envie de le tuer. Mais une ville située sur une montagne aperçue de tous côtés ne peut rester cachée (Mt 5, 14), et l’humilité est toujours suivie de la gloire (Pr 15, 33) : « plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient ». Lorsque nous faisons quelque bien à l’un de nos frères, ne recherchons pas applaudissements ou louanges. Au contraire, quand nous recevons un bienfait, louons nos bienfaiteurs, même malgré leur volonté, pour leur rendre justice. « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 1-4).
Jésus connaissant les intentions des hommes, savait qu’ils publieraient d’autant plus ce miracle qu’il le leur défendait. Alors pourquoi cette défense ? Pour enseigner aux négligents avec quel zèle et empressement ils doivent publier ses bienfaits quand il leur en fait un devoir, puisque ceux-là mêmes à qui il défend d’en parler ne pouvaient garder le silence.
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- L’homme doit louer Dieu avec les anges
Ce sourd-muet symbolise l’homme qui n’écoute pas la parole de Dieu, ni ne l’annonce aux autres. Ceux qui ont appris à entendre et à parler ce langage divin depuis longtemps doivent s’empresser d’amener ces infirmes au Seigneur pour qu’il les guérisse. Le doigt de Dieu utilisé pour la guérison auriculaire signifie les dons de l’Esprit saint qui rendent les oreilles capables de s’ouvrir aux hymnes, cantiques et psaumes de l’office divin, lequel commence chaque jour par « Seigneur, ouvrez mes lèvres et ma bouche publiera votre louange ». Le Seigneur délie la langue pour qu’elle fasse entendre la bonne parole sans crainte ni des menaces, ni des supplices. La salive est la divine sagesse qui ouvre les lèvres du genre humain qui doit professer le Credo, comme au baptême.
Le Christ ne retient pas jalousement (Ph 2, 6) sa filiation divine mais veut l’étendre à tous les hommes de bonne volonté pour tout partager ce qu’il a reçu de notre commun Père. Le chrétien participe déjà ici-bas de la fonction de louange qu’ont les anges du Ciel.