Homélie du 12e dimanche après la Pentecôte (31 août 2025)
Lecture thomiste de l’épître (2 Co 3, 4-9)
Saint Paul ne recherchait pas sa propre gloire mais attribue au contraire à Dieu tout le bien qu’il a en lui et qu’il fait. Une recommandation est inutile car cette lettre, c’est la communauté des croyants de Corinthe, qui est pour la gloire du Christ. L’apôtre ne parle pas de lui-même mais trouve son assurance en Christ qui agit à travers lui.
- Confiance dans le Christ
Le Christ donne cette assurance puisqu’il nous donne accès au Père (Rm 5, 2), nous unissant à Dieu : « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance » (Jr 17, 7). Quoi que Paul fasse, il attribue tout à Dieu. « Non que nous soyons capables d’avoir une pensée par nous-mêmes comme de nous-mêmes, mais c’est Dieu qui nous en rend capables » (v. 5). Une œuvre se réalise en plusieurs étapes : la conception s’assimile à l’inspiration née de l’intelligence, il faut y adhérer par la volonté, comparer ensuite les moyens, enfin l’accomplir. Dieu agit à toutes ces étapes : « celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement » (Ph 1, 6).
L’hérésie pélagienne prétend que le commencement d’une bonne œuvre viendrait de nous, seul son achèvement serait de Dieu, or « dans toutes nos œuvres, toi-même agis pour nous » (Is 26, 12). Toutefois, sauvegardons le libre-arbitre attaqué par Luther, car nous collaborons avec la grâce : « par nous-mêmes, comme venant de nous ». Je peux bien faire quelque chose, mais ce que je fais ne vient pas de moi, mais de Dieu, qui accorde le pouvoir même de faire tout en nous. Aristote recherchait déjà la cause dans notre action, remontant jusqu’à l’élément premier, la résolution qui vient de Dieu. Toute inspiration vient de Dieu et vouloir le bien et commencer à croire aussi : « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? » (1 Co 4, 7).
- Glorification du ministère de la Nouvelle Alliance
- Le ministre
Saint Paul montre le don divin des ministres de la Nouvelle Alliance (v. 6) : « on vous nomme ministres de notre Dieu » (Is 61, 6). Les apôtres sont les précurseurs des évêques, et les prêtres leurs collaborateurs. Dans cette fonction, ils sont assimilés aux anges : « tu prends les vents pour messagers, pour serviteurs, les flammes des éclairs » (Ps. 103, 4). Mais Dieu n’a pas seulement fait de nous des ministres, il nous a « rendus capables de l’être ». Dieu donne à tout être le moyen d’atteindre la perfection de sa nature. Puisqu’il établit des ministres de la Nouvelle Alliance, il leur donne l’aptitude à exercer leur office. Le fameux changement ontologique de l’ordination relève métaphysiquement d’une puissance obédientielle. Uniquement quand il administre les sacrements, et non pas sa prédication ni sa vie personnelle, le ministre est totalement mu par le Christ car il agit in persona Christi, notamment à la transsubstantiation, permettant docilement l’action divine directe comme un miraculé.
- La nouvelle alliance
La nouvelle alliance est « fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ». Jérémie et les prophètes avaient vu cette forme plus spirituelle et profonde : « Voici venir des jours – oracle du Seigneur –, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle (…). Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple » (Jr 31, 31-33). L’ancienne alliance était écrite par des lettres sur les peaux mortes d’un livre aspergé de sang (He 9, 19), la nouvelle s’inscrit par l’Esprit Saint dans les entrailles de la miséricorde de Dieu (« per viscera misericordiæ suæ », Lc 1, 78, Vulg.), amour de Dieu répandu dans nos cœurs (Rm 5, 5) qui vivifie (Rm 8, 2) en faisant naître la charité, plénitude de la loi.
« La lettre tue » par occasion, car « la Loi fait seulement connaître le péché » (Rm 3, 20). La loi nous donne cette connaissance mais ne réprime pas la concupiscence, voire l’augmente par l’attrait du fruit défendu. Elle ajoute même la transgression car pécher contre une loi à la fois écrite et naturelle est plus grave que contre une loi naturelle non-écrite. « Je n’aurais pas connu le péché s’il n’y avait pas eu la Loi ; en effet, j’aurais ignoré la convoitise si la Loi n’avait pas dit : ‘Tu ne convoiteras pas’. Se servant de ce commandement, le péché a saisi l’occasion : il a produit en moi toutes sortes de convoitises. Sans la Loi, en effet, le péché est chose morte, et moi, jadis, sans la Loi, je vivais ; mais quand le commandement est venu, le péché est devenu vivant » (Rm 7, 7-9).
L’ancienne loi n’est pas mauvaise, défendant le mal. Mais elle est imparfaite parce qu’elle n’écarte pas la cause du mal. Privée de l’esprit, elle fut une occasion de mort. Il fallait donner une loi de l’esprit qui, faisant naître la charité dans le coeur, donne la vie (Jn 6, 63).
- Un ministère plus élevé qu’autrefois
Le ministère de la Nouvelle Alliance prime sur celui de l’Ancienne. Moïse monta sur le Sinaï (Ex 24) et son visage rayonnait quand il en redescendit (Ex 34, 30.35. Souvent représenté avec des cornes (cf. Michelange à Saint-Pierre-aux-liens) en raison d’une confusion de saint Jérôme traduisant ‘karen’, cornu, au lieu de ‘karan’, rayonnant (même si rabbi Rachi de Troyes, au XIe s. rapprochait de même) ou d’une corruption de copiste au VIIIe s. lisant ‘cornatus’ au lieu de ‘coronatus’, couronné. Les Juifs ne pouvaient soutenir la vision du visage resplendissant de Moïse. Si un être inférieur possède quelque gloire, son supérieur doit en posséder bien davantage. Puisque l’ancienne alliance fut entourée d’une telle gloire que les fils d’Israël ne pouvaient fixer la face de Moïse, la nouvelle alliance est infiniment plus glorieuse.
Paul prouve son infériorité par trois arguments. D’abord son effet, la mort plutôt que la vie. Ensuite sa transmission sur des tables de pierre au lieu des cœurs de chair gravés par l’Esprit. Enfin l’ancienne alliance ne donne aucune assurance parce que la loi ne conduit personne à la perfection au contraire de la nouvelle. Son « rayonnement passager » (v. 13) contraste donc fortement le salut qui est éternel : « Les cieux se dissiperont comme la fumée, la terre s’usera comme un vêtement, et ses habitants tomberont comme des mouches. Mais mon salut est pour toujours, ma justice ne sera jamais abattue » (Is 51, 6).
La nouvelle alliance est un ministère de justice, qui justifie en donnant la vie intérieure et la justice est plus glorieuse que la condamnation par occasion. La pleine gloire seule revient aux ministres de la nouvelle alliance qui transmettent la grâce nécessaire au salut pour vivre pleinement des vertus : « aux sages, la gloire en partage » (Prov 3, 35).