9e Pentecôte (10/08 - lect. thom. év.)

Homélie du 9e dimanche après la Pentecôte (10 août 2025)

Lecture thomiste de Lc 19, 41-47

  1. Jésus pleure sur Jérusalem
    1. Jésus vit la béatitude des larmes face à l’aveuglement de la synagogue

Pleurer est à la fois signe de tristesse, passion face à un mal présent, mais aussi béatitude car les affligés d’ici-bas seront récompensés au Ciel. Le Christ assuma toutes les béatitudes comme « Bienheureux les doux » en disant « je suis doux et humble de coeur » (Mt 11, 29). Ici, pleurant sur la ville sainte, il a compassion de ses habitants s’aveuglant sur leur ruine proche. Le miséricordieux sait que le châtiment de l’infidélité tombera. Il n’est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir en s’étourdissant dans les plaisirs sensibles qui n’apportent pas la vraie paix qui ne vient que de Dieu.

Scribes et pharisiens scrutaient pourtant la Sainte-Écriture mais n’en saisissaient pas le sens véritable car un voile leur en cachait le sens profond révélé par le seul Jésus : « Mais leurs pensées se sont endurcies. Jusqu’à ce jour, en effet, le même voile demeure quand on lit l’Ancien Testament ; il n’est pas retiré car c’est dans le Christ qu’il disparaît ; et aujourd’hui encore, quand les fils d’Israël lisent les livres de Moïse, un voile couvre leur cœur. Quand on se convertit au Seigneur, le voile est enlevé » (2 Co 3, 13-16). D’où les classiques sculptures d’Ecclesia et Synagoga où le peuple juif est personnifié la tête voilée, parfois reliée à Léa, aînée de Laban, première femme de Jacob qui préférait Rachel, sa cadette : « Les yeux de Léa étaient délicats, tandis que Rachel avait belle allure et beau visage » (Gn 29, 16-17).

Le Christ prophétise les deux guerres juives (cf. Flavius Josèphe). Les Romains de Titus et d’Hadrien détruisirent de la carte Jérusalem en 70 et 135 (révolte de Bar Kochba). Ælia Capitolina fut interdite aux Juifs et la vieille ville actuelle centrée autour du Saint-Sépulcre, pourtant en-dehors des portes de l’ancienne Cité de David, comme translatée.

    1. Un sort identique de perdition réservé aux mauvais chrétiens

Mais tout chrétien apostasiant la vraie foi ou ne se convertissant pas, se place dans une situation pire encore que le peuple de la première alliance qui n’a pas reconnu le Messie. Si les mauvais connaissaient la condamnation qui les menace, ils mêleraient leurs larmes à celles de Jésus. L’âme coupable met son bonheur dans les biens de la terre, refusant de regarder l’avenir dont la vue pourrait troubler sa joie présente par une politique de l’autruche.

Jérusalem symbolise l’âme assiégée par ses ennemis, étymologiquement obsédée (ob-sedere : faire le siège autour de) par les esprits impurs, l’un des niveaux des manifestations diaboliques (avec la vexation, infestation, possession). Dans ce dur combat, l’âme doit endurer jusqu’au bout sinon : « Mais le juste, s’il se détourne de sa justice et fait le mal en imitant toutes les abominations du méchant, il le ferait et il vivrait ? Toute la justice qu’il avait pratiquée, on ne s’en souviendra plus : à cause de son infidélité et de son péché, il mourra ! » (Ez 18, 24). L’agonie est typiquement l’un des moments du plus rude combat, raison pour laquelle on invoque les patrons de la bonne mort comme saint Christophe, saint Joseph et la TS Vierge Marie « maintenant et à l’heure de notre mort ». Qu’à la pesée de notre âme avec la balance de saint Michel comme sur les tympans romans, nous n’entendions pas  comme le roi de Babylone Balthasar : « Mené, Mené, Teqèl, Ou-Pharsine » (Dn 5, 25) : « Teqèl (c’est-à-dire “pesé”) : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger » (Dn 5, 27) en bonnes œuvres.

Les démons représentent à ces âmes obsédées les iniquités commises et la triste perspective de leur damnation. Environnées d’ennemis , elles semblent privées d’issue pour leur échapper, ne pouvant plus faire le bien négligé quand c’était possible. Mais Dieu visite l’âme mauvaise continuellement en rappelant ses préceptes, par des châtiments ou miracles, pour faire entendre la vérité qu’elle voulait ignorer afin que, repentante ou vaincue par ses bienfaits, elle rougisse du mal commis. Ainsi saint Remi enjoignit à Clovis, le fier Sicambre : « brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé ». Si elle refuse de reconnaître le jour où Dieu l’a visitée, elle est livrée à ses ennemis, au jour de l’éternelle damnation.

  1. Jésus, chassant les vendeurs du temple, accomplit un geste prophétique
    1. Pas de trafic avec les choses de Dieu

Après avoir prophétisé les malheurs de Jérusalem, Jésus entra dans Temple pour en chasser les marchands, montrant que la ruine du peuple a pour cause la conduite coupable des prêtres. La simonie est dérivée de Simon le magicien (Ac 8, 18-19) qui voulait acquérir de saint Pierre le pouvoir de confirmer dans l’Esprit-Saint. Elle désigne la vente d’un sacrement, d’une charge ecclésiastique, avec une contrepartie souvent monétaire. Elle dévoie le ministère sacerdotal en trafic sacrilège car un prêtre devrait être désintéressé. Saint Augustin critiqua beaucoup les pasteurs qui se nourrissent sur le troupeau, se servant au lieu de servir, faisant de l’Église un tremplin pour leur avancement. Pour autant, le Christ prêcha tous les jours au Temple, ne se lassant pas d’appeler à la conversion. Doctrine et œuvre sont les deux moyens de reconnaître la vérité chrétienne dans le Christ.

    1. Adorer Dieu en esprit et en vérité

Les marchands du Temple vendaient les animaux des sacrifices prescrits par la loi, donc légitimement. Mais le Christ posa un geste prophétique comme Osée épousant la prostituée Gomer (Os 1-3), Ezéchiel se couchant sur la brique et consommant une nourriture souillée (Ez 4, 1-17), Jérémie faisant pourrir la ceinture de lin (Jér 13, 1-9). Le Christ accomplit la loi en en révélant le sens profond, au-delà des pratiques rituelles de l’ancienne alliance car Dieu veut être adoré en esprit et en vérité (Jn 4, 23) dans le nouveau Temple qu’est le corps du Fils (Jn 2, 19-21), en tout lieu où est célébré le sacrifice eucharistique de la messe. La colombe ou l’Esprit-Saint ne peut être accaparé par simonie : « Simon, voyant que l’Esprit était donné par l’imposition des mains des Apôtres, leur offrit de l’argent en disant : ‘Donnez-moi ce pouvoir, à moi aussi, pour que tous ceux à qui j’imposerai les mains reçoivent l’Esprit Saint’ ». L’Esprit doit être donné : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement » (Mt 10, 8).

Le trafic s’entend aussi de la vérité éternelle lorsqu’on « prend les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » (cf. Michel Audiard) en les plumant de l’intégrité du dépôt de la foi que même un pape ne peut changer. Une telle confusion doctrinale, morale, liturgique, canonique règne que se réalise déjà la malédiction « Malheureux, ces gens qui déclarent bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres » (Is 5, 20). « Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (2 Tim 4, 3-4). Tenons-nous en mordicus à ce que l’Église a enseigné, toujours et partout, n’en déplaise aux hiérarques courant après l’approbation du monde !

Date de dernière mise à jour : 25/08/2025