Vigile pascale (08/04 - Exultet)

Homélie de la vigile de Pâques (08/04/2023)

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Commentaire de l’Exultet pascal

  1. Les ministres de l’annonce, anges et prêtres serviteurs de votre joie (2 Co 1, 24)
    1. La vue

Dans toute liturgie interviennent les deux principales dimensions de l’Église : militante sur Terre et triomphante au Ciel. Le but de la religion est d’unir l’homme à Dieu et Dieu nous a donné des aides, les saints anges. Ce qui se passe ici-bas reflète symboliquement ce qui se passe dans l’au-delà bienheureux. Raison pour laquelle la liturgie implique généralement les anges qui sont mentionnés de nombreuse fois. Dans l’oraison concluant l’Asperges me : « daignez envoyer du ciel votre saint Ange pour qu’il garde et soutienne, protège, visite et défende tous ceux qui sont rassemblés dans ce lieu ». Le confiteor invoque le peseur des âmes S. Michel. Le Gloria rappelle l’annonce de Noël aux bergers par ces purs esprits. La prière du Munda cor avant la proclamation de l’évangile se réfère à la cautérisation des lèvres (Is 6, 5-7) par le séraphin saisissant un charbon brûlant sur l’autel de l’encens divin. La bénédiction de l’encens symbolise cette prière qui monte vers Dieu par leur entremise : « Par l’intercession de l’archange saint Michel qui se tient à la droite de l’autel de l’encens, et par l’intercession de tous les élus, que le Seigneur daigne bénir cet encens et le recevoir comme un parfum agréable ». Enfin à la consécration, « nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, faites porter ces offrandes par les mains de votre saint ange, là-haut, sur votre autel, en présence de votre divine Majesté ».

Les anges sont des êtres de lumière. Ils furent créés le premier jour, en même temps que la lumière. Le Paradis est un lieu de clarté nimbé de gloire (clarescere en latin signifie glorifier) comme pour la Transfiguration qui nous en donne un aperçu. Toutes les apparitions manifestent une telle lumière ou clarté. Parfois, elle constitue un miracle (la danse du soleil à Fátima le 13 octobre 1917 ; le rayon de soleil illuminant la chapelle des apparitions à L’Isle-Bouchard le 14 décembre 1947, à rebours de toute l’astronomie et architecture). La vigile programmée dans la soirée indique cette victoire sur les ténèbres du péché, de la mort, de Satan, tout comme l’orientation de l’église qui nous fait passer de l’ouest (mort) à l’est (naissance du soleil).

    1. L’ouie

Les anges, eux, voient déjà Dieu dans sa gloire et entonnent des chants de gloire dont le Sanctus ou trisaghion (Is 6, 3 ; Ap 4, 8). La lumière divine s’accompagne généralement du son parfois terrifiant de la trompette. La trompette (tuba) signale souvent des théophanies sur la sainte montagne (Ex 19-20) et de la victoire que Dieu accorde sur les ennemis d’Israël comme pour faire tomber les murs de Jéricho sous Josué (Jos 6, 5) ou Gédéon contre les Amalécites (Jg 7, 18). Elle marque le triomphe royal pour un avènement comme pour Absalom et Salomon, fils de David (2 Sm 15, 10 ; 1 R 1, 34 ; cf. 2 R 9, 13 pour Jéhu). C’est aussi un signe de ralliement face à la dispersion, d’appel du Seigneur (Is 27, 13 ; Joël 2, 1), voire d’alerte pour parer le danger (Ez 33, 4-6). Elle est enfin l’annonce du retour de Dieu parmi les hommes durant la parousie (Ap 1, 10 ; 4, 1 ; 8, 6) et est bien l’instrument des sept anges de l’Apocalypse qui font l’œuvre de Dieu par le retour de la Création vers son Créateur.

Or l’Église est le rassemblement de tous les baptisés même si bien sûr ne seront pas sauvés tous ceux qui ne sont pas vraiment croyants suivant la foi droite (orthodoxie) mise en œuvre (orthopraxie). La Résurrection annonce le triomphe final de la justice, ce qui réjouis notre Mère l’Église. L’Exultet est le pendant pascal de ‘l’Annuntio vobis des anges à Noël car la joie de la Nativité est surpassée encore par l’accomplissement de la mission qui expliquait l’Incarnation du Fils de Dieu. Mais les mystères du Christ passent par l’Incarnation continuée par les ministres ordonnés, qui sont les indispensables canaux de la grâce malgré leur indignité. Et par l’Exultet, le diacre ou le prêtre font œuvre angélique : transmettre un message de joie. Pourquoi revêt-il la forme d’une préface eucharistique ? Certes, il n’y aura pas de consécration des espèces eucharistiques mais sans doute l’annonce que l’humanité par la Résurrection du Fils peut être divinisée, consacrée à Dieu au sens propre, ne plus appartenir qu’à lui quand elle est admise au Paradis.

  1. L’annonce du triomphe final
    1. Le nouvel Adam

Toute prière biblique sans exception est composée de deux parties : l’anamnèse et l’épiclèse. Pour avoir l’audace d’implorer l’action de Dieu dans nos vies, on fait d’abord mémoire des hauts-faits de Dieu dans l’histoire du salut et de ses promesses du Père. Ainsi nous prouvons que se réalisent toujours les prophéties en paroles ou en actes. Le but de l’Incarnation est immédiatement rappelé : le Christ, nouvel Adam, s’est fait homme pour racheter la faute du premier Adam. Lui qui fut chassé du jardin d’Éden peut enfin pénétrer dans le jardin de délices non du Paradis terrestre mais céleste en cette nuit car c’est durant la nuit que Jésus fut arrêté dans un autre jardin à Gethsémani et qu’il mourut dans le jardin du Golgotha où était la tombe d’Adam (lieu de son crâne).

Par les soufflets reçus sur ses joues et les chutes sur le chemin de croix, Jésus le défiguré physiquement rétablit la forme défigurée moralement du premier Adam qui avait failli. Il la restaure à son image. Son dos flagellé et oppressé par le poids de la Croix à porter éloigne le fardeau et joug des péchés des hommes qui pesait sur le dos d’Adam. Les mains du Christ solidement clouées au bois rachetèrent les mains d’Adam qui s’étaient tendues vers le fruit défendu pendant d’un autre bois. En écartant les bras, le Fils était l’image du Père qui veut enserrer le fils prodigue qui était perdu et qui maintenant était retrouvé (Lc 15, 11-32). Adam était endormi quand Dieu sortit de son côté Ève, qui fit entrer la mort pour l’humanité. Le Christ s’endormit du sommeil de la mort sur la croix et de son côté sortit l’Église qui rachète l’humanité. Elle est symbolisée par l’eau et le sang des sacrements du baptême et de l’Eucharistie. La lance qui perça le côté du Christ détourne le javelot de feu qui empêchait Adam de pénétrer au paradis terrestre. La lance de S. Longin est la clé du Sacré-Cœur transpercé qui ouvre la voie du Paradis. Oui, la dette d’Adam est payée et même payée au prix fort car tout a un prix et la descendance d’Adam dont nous sommes fut rachetée par le sacrifice sanglant du seul innocent que la Terre air porté avec sa douce Mère, la nouvelle Ève.

    1. Le sacrifice du Fils pour racheter les esclaves

Le sang de l’Agneau était placé sur les linteaux des portes des Hébreux pour qu’ils n’eussent pas à subir le châtiment de la mort du Fils premier-né par l’ange exterminateur (Ex 12, 21-30, cf. Ap 9, 11 avec « l’ange de l’abîme ; il se nomme en hébreu Abaddôn et en grec Apollyôn (c’est-à-dire : Destructeur) »). Mais Dieu, s’il épargna les aînés des Hébreux au contraire de ceux d’Égypte, hommes et bétails, n’épargna pas son propre Fils, aîné d’une multitude de fils adoptifs (Rm 8, 29). Le maître donna sa vie pour les esclaves. Ce fils qui est « la porte des brebis » (Jn 7, 8) bien plus que celle ainsi dénommé à Jérusalem (Jn 5, 2) par où passaient les animaux du sacrifice. Jésus est « l'Agneau véritable ». Si la lumière de la nuée conduisait le peuple hébreu à sa sortie d’Égypte, dans son exode, le Christ conduit plus sûrement encore dans la véritable patrie où règne le Père éternel.

Cette nuit de Pâques célèbre la vie. Le Fils de Dieu, qui ne pouvait mourir, se fit homme pour connaître la mort et en briser les chaînes. Par sa Résurrection, il nous promet qu’elle n’aura pas le dernier mot dans nos vies. Notre âme pourra connaître la gloire éternelle et voir Dieu dans sa Très Sainte Trinité. Notre corps aussi ressuscitera à la fin des temps quand le Fils de Dieu reviendra sur la Terre pour juger les vivants et les morts. « À quoi nous servirait-il de naître sans le bonheur d'être sauvés ? (…) Heureuse faute (Felix culpa) d'Adam qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur ! Ô bienheureuse faute qui nous valu pareil Rédempteur ! ».

Durant tout le temps pascal jusqu’à l’Ascension, le symbole de la présence du Christ ressuscité sera le cierge pascal. « Quand on en transmet la flamme, sa clarté ne diminue pas ». La Trinité elle-même peut-être comparée au brasier d’un feu ardent qui n’est pas diminué par la distinction des trois personnes comme une bûche sortie d’un feu ne porte pas un tiers de feu mais simplement du feu. Celui-ci n’est pas augmenté quand on pense l’unicité de la substance qu’est leur amour comme les trois bûches rassemblées ne font pas un triple feu. La lumière divine est venue parmi les hommes grâce à l’obéissance de la Très Sainte Vierge Marie, stella maris, étoile de la mer car « elle est comparée très justement à un astre ; car, de même qu’un astre envoie son rayon sans aucune altération de lui-même, de même la Vierge a enfanté son fils en gardant sa virginité. Le rayon n’enlève rien à la clarté de l’astre qui l’émet ; de même la naissance de son fils n’a rien diminué de l’intégrité de la Vierge » (S. Bernard, Homélie II – Sur les gloires de la Vierge mère – Missus Est – 17). Cette lumière de la foi est communiquée à nos âmes et siège dans notre intelligence. Elle triomphe « Même la ténèbre pour toi n'est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière ! » (Ps 138, 12). Le sacrifice du soir (Ps 140, 2) est réellement accompli sur la Croix car le Christ meut à 15h (quand Pessah tombait un vendredi à 12h30 pour Min’ha jusqu’à 15h30 pour les agneaux pascaux) car la seule vraie prière qui monte à Dieu comme l’encens est celle du Fils mort pour l’amour de nous car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13).

Date de dernière mise à jour : 08/04/2023