Homélie du 4e dimanche après Pâques (28 avril 2024)
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Les fonctions de l’Esprit-Saint (Jn 16, 5-14)
L’évangile montre que le retour de Jésus vers le Père, terme de sa mission terrestre, pose difficulté aux disciples. Pourtant l’Ascension de Jésus est une condition nécessaire, sine qua non, pour que l’Esprit-Saint Paraclet descende sur ces disciples, envoyé par le Fils et le Père. Or le but ultime est justement ce don de l’Esprit-Saint. Les disciples doivent aller jusque-là mais ils sont tristes, se sentent seuls. Le mutisme du Christ peut leur donner l’impression fausse que leur relation avec le Christ aurait été coupée.
Si le contexte est avant la mort du Christ, la liturgie le déplace après la résurrection. La situation tragique des disciples entre le crucifiement et la Résurrection projette une lumière nouvelle sur la situation des communautés chrétiennes qui vivent après Pâques. Peut-être croyaient-elles à un retour glorieux imminent du Christ tout en étant confrontées au refus persistant de la foi et à la persécution. Le don du Paraclet s’interprète dans ce contexte judiciaire. S’il se traduit par avocat ou défenseur, il agit dans une première partie de cet évangile plutôt comme un procureur qui conduit à la vérité tout entière.
- Établir la culpabilité
Le Paraclet s’inscrit dans le cadre d’un procès, différent du contexte apocalyptique où l’accusateur est le diable et le Paraclet notre défenseur (« l’accusateur de nos frères est rejeté, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu »). Ici, l’Esprit-Saint défend les justes en montrant que la faute vient des méchants.
Helegkein signifie ‘établir la culpabilité’ plus que ‘confondre’ ou ‘convaincre de culpabilité’ comme si le monde était présent et pouvait se défendre comme dans un procès normal. Là, l’Esprit-Saint établit la culpabilité du monde auprès des disciples en l’absence du monde. Il n’y a pas de rapport direct entre Dieu et le monde puisqu’il refuse l’Esprit Saint. Mais Jésus explique les choses aux disciples qui, eux, acceptent cet Esprit Saint.
Ce procès dépasse ce seul extrait. La première partie de l’évangile selon S. Jean est un immense procès fait par Dieu contre ceux qui n’acceptent pas la révélation, contre les Juifs, le premier peuple. Il élargit à toute personne rebelle à la parole de Dieu. Il s’agit moins de les perdre que de les convertir. Dans ce contexte d’un grand procès s’inscrit un procès de réhabilitation du Christ. Cette culpabilité établie va être déclinée de trois manières.
- En matière de péchés
« En matière de péchés, ils ne croient pas en moi ». Ne pas croire au Christ Jésus est le péché fondamental. En Jn 8, Jésus mettait au défi de le convaincre du moindre péché. Le péché mortel rompt la relation de la créature avec Dieu. Or, le Christ est relation subsistante, il est Dieu. Il ne peut pas être détaché de Dieu et ne peut mal faire. Impossible de trouver en lui quoi que ce soit de mauvais car le Fils est entièrement soumis au Père qu’il honorait parfaitement. Le Paraclet montre que le Christ est le Fils de Dieu et proclame que ceux qui disqualifiait cette relation particulière du Fils à son Père résistaient à Dieu puisque résister à Jésus, c’est résister au Père qui L’envoie. Il établit donc leur culpabilité.
- En matière de justice
La deuxième manière est en matière de justice. Plus que la droiture morale, elle rend à l’un des deux plaignants le bénéfice de la justice qui reconnaît officiellement qu’il avait raison. Jésus a toujours été juste. Lui rendre justice est une récompense. Il remonte auprès du Père qui l’avait envoyé et retrouve sa place. Il est vainqueur de ce procès et se revêt du manteau de justice (Is 61, 10). L’existence de Jésus ne s’achève pas sur la honte de la croix mais dans la glorification de l’Ascension puisqu’il est remonté auprès du Père.
- En matière de jugement
La troisième manière (v. 11) est en matière de jugement contre le démon, prince de ce monde. Il est prononcé par Dieu lui-même avec un passif divin au parfait. Il ne se réfère donc pas à un moment précis dans l’histoire. Il a été jugé. Il est jugé de manière permanente et définitive. Jésus parle du démon mais celui-ci entraine dans sa chute quantité d’âmes. Suivant la saine doctrine, le jugement de Dieu est sans appel pour les damnés envoyés en enfer contrairement aux tenants de l’apocatastase, hérésie qui prétend qu’au retour du Christ une ultime chance serait laissée aux gens de se déterminer finalement pour le bien.
- Guider vers la vérité
- L’Esprit-Saint est Dieu
L’Esprit-Saint, pneuma en grec, est un neutre. Pourtant, l’évangéliste emploie ekeinos, ‘celui-là’ au masculin. Cette faute d’accord signifie que l’Esprit-Saint est Dieu comme le professe le Credo : « il est Seigneur et il donne la vie ». L’Esprit-Saint est le souffle qui fait participer les disciples à la gloire de Jésus. Lui qui fut toujours bienheureux n’éprouve plus la souffrance portée sur la croix. L’Esprit-Saint veut nous faire participer à cette glorification et à la vérité qu’est le Christ du fait qu’il est le Fils envoyé par le Père.
L’Esprit saint est l’interprète autorisé de Jésus. Un interprète intervient comme médiateur pour rendre accessible ce qu’on ne peut pas comprendre dans une langue étrangère. L’Esprit-Saint fait passer de l’audition auriculaire des contemporains de Jésus à l’audition du cœur. Il fait pénétrer la parole du Christ dans la vie même des croyants de toutes les générations. De ce fait, progresse la compréhension de la vérité par les disciples dont nous faisons partie.
- L’Esprit-Saint conduit vers la Vérité toute entière
« L’Esprit saint conduit vers la vérité toute entière » (Ps 24, 5, LXX), ce qui revient à suivre le bon chemin. L’Esprit saint qui, à la Pentecôte, prend la forme de langues de feu descendant sur le front des disciples pour les guider, était préfiguré par la colonne de feu conduisant les Hébreux dans le désert sur le bon chemin vers la Patrie qu’est le Père.
Avec la mort de Jésus, se clôt le discours terrestre de Dieu. Mais avec l’Esprit saint s’ouvre une compréhension plus totalisante des éléments de la vie du Christ qui agissait tant par la parole que par l’action. L’Esprit saint relie le tout comme il est le lien d’amour entre le Père et le Fils dans la Très Sainte Trinité. Comprendre consiste souvent à connecter entre eux deux éléments que nous connaissions mais qui étaient restés indépendants alors que leur relation les éclaire d’un jour nouveau. L’Esprit saint illumine intérieurement avec la lumière même de Jésus glorifié. Il ne se contente pas de revisiter les actes du Christ incompris qui prennent un jour nouveau dans nos vies. Il nous communique aussi le présent de Jésus, glorifié auprès du Père et nous y fait participer dans la prière, même si joie et tristesse sont concomitantes.