1er Avent (3/12 - lect. thom. ép.)

Homélie du 1er dimanche de l’Avent (3 décembre 2023)

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Lecture thomiste de l’épître (Rm 13, 11-14).

Après avoir montré comment l’homme doit pratiquer la piété à l’égard de Dieu, en usant convenablement de ses dons et en rendant avec justice ce qui est dû au prochain, saint Paul montre ici comment conserver l’honnêteté des mœurs.

  1. Le temps est opportun

Saint Paul rappelle que nous devons observer les temps au sens de le connaître, en considérer la condition : « Chaque chose a son temps et son moment favorable » (Qo 8, 6, Vulg.). « Même la cigogne, dans le ciel, connaît la saison de ses migrations ; la tourterelle, l’hirondelle et la grue respectent le temps de leur venue ; mais mon peuple ne connaît pas l’ordre fixé par le Seigneur » (Jr 8, 7). Pour quoi faire ? « Sortir de votre sommeil » (v. 11).

  1. Sommeil du péché

Ce sommeil ne se réfère ni au repos de notre corps, ni au sommeil métaphorique de la mort (1 Th 4, 13) ni à celui de la contemplation de Dieu, anticipant la paix éternelle (cf. Ps 4, 9). Non, saint Paul parle ici du sommeil du péché : « sans savoir, sans comprendre, ils vont au milieu des ténèbres » (Ps 81, 5). « Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d’en parler (…) Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ép 5, 12-14). Cela s’applique encore à la négligence dans les bonnes œuvres : « Combien de temps vas-tu rester couché, paresseux ? Quand vas-tu émerger de ton sommeil ? » (Pr 6, 9). Tout ce temps de la vie présente ressemble à la nuit, à cause des ténèbres de l’ignorance qui s’y appesantissent (Jb 37, 19). Durant cette nuit s’éveille notre désir de Dieu : « mon âme, la nuit, te désire » (Is 26, 9). Son opposé, le jour, est alors l’état de grâce, à cause de la lumière du sens spirituel qui brille dans les justes mais pas sur les pécheurs « la lumière de la justice ne nous a pas éclairés et le soleil ne s’est pas levé sur nous » (Sg 5, 6). Ce jour évoque la béatitude future où les saints sont éclairés par Dieu en personne : « le jour, tu n’auras plus le soleil comme lumière, et la clarté de la lune ne t’illuminera plus : le Seigneur sera pour toi lumière éternelle, ton Dieu sera ta splendeur » (Is 60, 19).

  1. Sommeil de l’humanité attendant son Sauveur dans la chair

Mais comme cet épître inaugure l’Avent, la nuit s’entend du temps précédant l’Incarnation de Jésus-Christ, parce qu’alors ce mystère n’était pas manifesté encore, mais placé dans une sorte d’obscurité uniquement éclairé par la parole prophétique « comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 P 1, 19). Tel un vigie, la sentinelle (Is 21, 11) voit plus loin comme le Christ cloué sur la Croix voit plus loin, déjà le Ciel. À l'approche de l’Incarnation, les oracles des prophètes devenaient plus fréquents, les hommes commencèrent à croire que l’avènement de Jésus-Christ devait avoir lieu : « Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler » (Is 56, 1). La loi, « tout cela n’est que l’ombre de ce qui devait venir, mais la réalité, c’est le Christ » (Col 2, 17). Et le temps de l’Incarnation est alors le jour comme il le dit : « il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour » (Jn 9, 4) avant que ne vienne notre jugement puisqu’au purgatoire, on ne peut plus œuvrer. C’est aussi le temps de la miséricorde, quand chacun commence à vouloir sortir de ses péchés passés. Le pécheur est alors plus près de son salut qu’au commencement, lorsqu’il n’avait qu’une foi informe : « approchez-vous de Dieu, et lui s’approchera de vous » (Jc 4, 8).

L’apôtre assigne la raison de ce qu’il a avancé « Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants » (v. 11). Par salut, il entend la vie éternelle (Is 51, 6). Or l’homme est d’abord dirigé vers ce salut par la foi (Mc 16, 16) puis il se rapproche de Dieu par les bonnes œuvres et par l’accroissement de la charité. Le rapprochement est double : d’abord temporel, quand les âmes saintes, avançant dans les œuvres de la justice, avancent davantage vers le terme de cette vie et leur récompense ; ensuite, d’un rapprochement de disposition ou de préparation : « celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces » (Mt 25, 10).

  1. L’humilité des œuvres

Saint Paul conclut en exhortant à la décence de la vie, qui indique l’éloignement du vice que nous condamnons en rejetant les œuvres des ténèbres. La nuit se retirant, ses œuvres doivent cesser. Elles manquent des lumières de la raison, qui doit briller sur les œuvres des hommes droits « le sage a les yeux où il faut ; le fou marche dans l’obscurité » (Qo 2, 14). Elles sont cachées dans la nuit : « l’œil de l’adultère guette le crépuscule » (Jb 24, 15), durant laquelle surviennent bien des excès comme ceux de la boisson (I Th 5, 7). Ces mauvaises œuvres conduisent en enfer, dans la géhenne de feu, « les ténèbres extérieures » (Mt 22, 13).

L’apôtre invite à acquérir les vertus, « armes de lumière » (v. 13) car ces armes de Dieu protègent des embûches de Satan (Ép 6, 11). Elles sont lumière par la raison qui les décore et perfectionne (Pr 4, 18) et parce que le fils de la lumière agissent au grand jour (Jn 3, 21) pour ne pas trébucher (Jn 11, 9-10). Le juste éclaire les autres en reflétant l’éclat divin comme un miroir bien poli (Mt 5, 16). Pendant le jour, on s’applique à bien se tenir, afin de paraître avec décence devant les autres.

  1. Les vices corrompant l’appétit concupiscible et l’irascible

L’intempérance porte aux plaisirs du toucher et de la bonne chère. Saint Paul condamne les excès de table incluant nourriture et boisson : « Ne sois pas de ceux qui s’enivrent et qui font bonne chère, car l’ivrogne et le glouton courent à la ruine ; ils se réveillent un jour vêtus de haillons » (Pr 23, 20). Cela conduit à une forme de débauche (Ép 5, 18) quand on dépasse ce qui convient à son état. Certes, le référentiel diffère selon l’état de vie, entre un roi (Es 2, 18) et un prêtre ! Cela peut devenir une idole : « leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre » (Ph 3, 19). La boisson conduit à l’ivrognerie qui fait franchir à l’homme les bornes de la raison : « Pour les hommes, le vin, c’est la vie, tant qu’on le boit avec modération. Qu’est-ce qu’une vie où manque le vin ? Il a été créé pour la joie de l’homme. Le vin est allégresse du cœur et joie de vivre pour qui le boit à son heure et avec mesure. Le vin est amertume de l’âme pour qui le boit avec excès au point de s’exalter et de perdre l’équilibre. L’ivresse décuple la fureur de l’insensé jusqu’au scandale, elle diminue sa force et lui attire des coups » (Sir 31, 27-30). Celui qui ne recherche qu’à s’enivrer avec des shots comme on le voit chez certains jeunes encourt un péché mortel. S’il est surpris par inadvertance, donc rarement, et devient un peu gris, c’est véniel.

D’autres sont intempérants du repos corporel, prolongeant indûment le juste repos, souvent d’ailleurs après les débauches et ivrogneries. C’est un péché mortel si l’on omet ce qu’on est dans l’obligation de faire, ou qu’on se laisse aller à quelque autre mal, comme la débauche sexuelle avec la désinhibition liée à la perte de contrôle de la raison. L’espère humaine se distingue de son genre animal par sa rationalité. Si l’homme ne suit pas la juste mesure que la raison lui indique, il n’est plus dans la tempérance et se rabaisse en-dessous des animaux qui eux, suivent simplement leur instinct équivalent à l’ordre voulu par Dieu. « N'imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas » (Ps 31, 9) ou « il ressemble au bétail qu'on abat » (Ps 48, 13). La force de la volupté sexuelle peut absorber totalement l’esprit, comme une obsession, même passagère, et faire ainsi déchoir l’homme de sa dignité humaine. Or, si des faiblesse passagères sont pardonnables, la société moderne l’érige en vice : « La fornication, et l’ivresse, et le vin, ont emporté leur cœur » (Os 4, 11). L’apôtre en vient « à pleurer sur bien des gens qui ont été autrefois dans le péché et qui ne se sont pas repentis de l’impureté, de l’inconduite et de la débauche qu’ils ont pratiquées » (2 Co 12, 21).

L’appétit sensible n’est pas le seul qui puisse être corrompu, aussi l’appétit irascible, lorsqu’il dit : « sans rivalité ». L’esprit contentieux ou querelleur s’exprime en action mais commence souvent en paroles par des injures. Elle peut finir par des procès à n’en plus finir quand on est procédurier : « gloire à l’homme qui évite un procès ! Tous les insensés s’y précipitent ! » (Pr 20, 3). Souvent cela s’enracine dans l’envie, la jalousie : « car là où il y a jalousie et esprit de contention, là est le trouble et toute action mauvaise » (Jc 3, 16, Vulg.).

  1. Se revêtir de lumière

Au contraire, revêtons-nous du Christ, déjà par le baptême (Ga 3, 27), puis en l’imitant : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité » (Ép 4, 24 ; cf. Col 3, 9-10). Parons-nous des sept vertus : « sept femmes saisiront un même homme » (cf. Is 4, 1). Quatre cardinales sont acquérables par l’effort humain (prudence, justice, force et tempérance) et trois théologales s’originent en Dieu et se rapportent à lui (foi, espérance et charité). C’est ainsi qu’un saint confesseur sera d’abord proclamé vénérable s’il a vécu au degré héroïque toute et chacune de ces vertus.

La beauté de la décence consiste à ce que l’homme ne préfère pas la chair à l’esprit, mais l’esprit à la chair. Bien sûr, ne la méprisons pas, puisque la chair est aussi un don de Dieu dont il faut prendre soin (Ép 5, 29), mais il ne faut pas la suivre « dans ses convoitises », ses désirs déréglés (Ga 5, 16).

 

Date de dernière mise à jour : 03/12/2023