2e Avent (10/12 - lect. thom. ép.)

Homélie du 2nd dimanche de l’Avent (10 décembre 2023)

Pour écouter l'homélie, cliquez ici

Lecture thomiste de l’épître (Rm 15, 4-13)

  1. L’Écriture donne des leçons d’espérance

« Tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire » (v. 4). Si, dans la Tradition, on parle souvent de la doctrine, c’est que l’enseignement (docere) de la foi explique toutes les saintes Écritures. Elles ne furent composées par des écrivains bibliques sous l’inspiration de l’Esprit-Saint que dans le but de nous proposer d’imiter l’exemple de Jésus-Christ : « Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice » (2 Tm 3, 16).

« Afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance » (v. 4). La Bible donne des exemples de la patience des saints à supporter les épreuves : « Vous avez entendu dire comment Job a tenu bon, et vous avez vu ce qu’à la fin le Seigneur a fait pour lui, car le Seigneur est tendre et miséricordieux » (Jc 5, 11). Car Dieu finit toujours par consoler, même si « vos consolations ont réjoui mon cœur à proportion du grand nombre des douleurs qui ont pénétré mon âme » (Ps 93, 19, Vulg.). Si les souffrances du Christ à imiter relèvent bien de la patience, c’est pour obtenir la gloire après (1 P 1, 11). Le fruit que nous devons donc en retirer est l’espérance car l’expérience de nos frères aînés dans la foi nous donne de quoi tenir car nous nous appliquons les mêmes leçons et épreuves qu’ils traversèrent en premier (cf. charnière « et nunc » entre anamnèse-épiclèse des prières bibliques). « Quand même il me tuerait, je ne laisserai pas d’espérer en lui ! » (Jb 13, 15).

D’ailleurs, le Christ, la tête de notre corps mystique étant au Ciel depuis l’Ascension, nous savons par l’espérance que nous l’y suivrons si nous ne nous laissons pas détacher de ce même corps. De même que lorsque la tête est sortie du sein de la mère, le reste du corps suit nécessairement. Mais cette imitation ne peut survenir par les seules forces humaines : « Qu’est-ce que l’homme, pour pouvoir suivre le Roi qui l’a créé ? » (Qo 2, 12, Vulg.). C’est donc de Dieu que nous devons tout attendre, en particulier ces dons parfaits (Jc 1, 17). Et cette patience (v. 5) dans les épreuves, en l’implorant par la prière : « Vous êtes, Seigneur, ma patience » (Ps 70, 5, Vulg.), et la consolation : « béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort » (2 Co 1, 3).

  1. L’unité dans la vraie foi
  1. Juifs et païens….

Il convient donc d’avoir les uns les autres les mêmes dispositions (2 Co 13, 11). La vraie concorde et partant la vraie paix ne peut venir d’une complicité, d’un consentement au péché, mais n’advient que « selon Jésus-Christ » : « c’est lui, le Christ, qui est notre paix » (Ép 2, 14). Cela implique une même foi vivifiée par la charité. Cette foi doit être le socle commun, partagée par tous dans leur intelligence, aimée d’un même cœur et proclamée d’une même bouche (v. 6) : « ayez tous un même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions » (1 Co 1, 10). Or, c’est ce qui fait tellement défaut aujourd’hui. L’hérésie, le schisme font toujours le lit de la diffusion de l’islam par exemple qui est si simpliste. Même l’Arménie paie malheureusement pour elle le choix d’une déviance monophysite. Cette unité dans la profession de foi est essentielle et c’est elle qui glorifie Dieu. Autrefois, les religions à mystères comme le culte de Déméter à Éleusis réunissaient des participants masqués qui se reconnaissaient en brisant un vase dont ils excipaient d’un tesson pour prouver qu’ils avaient assisté à la précédente réunion. Ce geste de mettre ensemble les ostraka s’appelle symbolein et donc la commune profession de foi doit constituer le vase d’élection des croyants. Au contraire le diable se jette en travers ou diabolein de cette œuvre d’unité par la division.

Nous ne formons tous qu’un même corps et chacun doit soutenir les autres (v. 7). Outre que c’est un acte de charité, il faut aussi conforter la foi des autres : « Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans critiquer ses raisonnements » (Rm 14, 1). Là encore, l’exemple vient d’en-haut, du Christ, par sa protection et sollicitude, réalisant la prophétie : « voici mon serviteur que je soutiens » (Is 42, 1) car il ne voulait en perdre aucun de ceux que le Père lui avait donnés (Jn 18, 9), pour l’honneur et la gloire de Dieu le Père. Qu’il est triste de voir le saint Père et certains évêques suiveurs pour être du côté du manche, scandaliser la foi des croyants au lieu de la confirmer. Mais ce n’est pas un fait donné tel quel, car cela ne pourra advenir que lorsque le pape aura lui-même avancé dans le chemin de sa propre conversion (Lc 22, 32, cf. trad. grecque et russe : « ты некогда, обратившись, утверди братьев твоих »).

Cette unité dans la foi inclut tant les Juifs que les Gentils. Pour les enfants d’Abraham d’abord, « le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères » (v. 8) car Dieu est fidèle, contrairement aux hommes qui le trahissent sans cesse. S’il est l’auteur de la foi de tous (He 12, 2), il ne fut « envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15, 24). Dieu est vérité envers les Juifs et réalisa donc toutes les promesses faites aux patriarches (cf. Lc 1, 60, 2 Co 1, 20) et toutes les prophéties, mais de manière que l’homme n’aurait jamais soupçonnée. Quant aux païens (v. 9), qui n’étaient pas les destinataires directs, encore qu’ils fussent souvent plus réceptifs déjà du temps de Jésus, ils reçurent la foi par les amis de l’époux, par ses apôtres et disciples : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19).

Le Christ leur a donc aussi témoigné sa miséricorde qui remplit toute la terre (Ps 32, 5, Vulg.), particulièrement aux craignant-Dieu (Lc 1, 50). Si deux attributs différents dominent plutôt pour chacun des peuples appelés à l’unité dans la foi, toutefois puisque « toutes les voies du Seigneur ne sont que miséricorde et vérité » (Ps 24, 10), ne les opposons pas trop strictement. Saint Paul, juif, a lui-même éprouvé cette miséricorde divine (1 Tm 1, 13) et dès le début, Dieu avait le dessein d’associer les païens à la promesse de salut : « ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile » (Ép 3, 5-6).

  1. ….appelés à la même promesse

En effet, bien que les Gentils n’eussent pas reçu la vocation à la foi de Jésus-Christ, toutefois elle n’arriva pas à l’improviste, étant prophétisée. Saint Paul cite quatre passages. Le premier contient les actions de grâces du Christ à son Père pour la conversion des Gentils opérée par lui : « tu me places à la tête des nations. Un peuple d’inconnus m’est asservi (…). Tu me délivres de tous mes ennemis (…), aussi, je te rendrai grâce parmi les peuples, Seigneur » (Ps 17, 44.49-50). Finalement, le païen Ponce Pilate avait essayé de le sauver et renoncé par lâcheté devant les insinuations juives d’encourager la sédition par rapport à l’empereur Tibère. Le second passage exprime l’union des Gentils et des Juifs (v. 10 citant Is 66, 10) : « en ce temps-là vous n’aviez pas le Christ, vous n’aviez pas droit de cité avec Israël, vous étiez étrangers aux alliances et à la promesse, vous n’aviez pas d’espérance et, dans le monde, vous étiez sans Dieu. Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ » (Ép 2, 12). Ces autres brebis rejoindront l’unique bercail « il y aura un seul troupeau et un seul pasteur » (Jn 10, 16). Le troisième passage témoigne de l’amour des Gentils pour Dieu (v. 11)  : « Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays ! » (Ps 116, 1) rappelle « du levant au couchant du soleil, mon nom est grand parmi les nations » (Ml 1, 11). Sa grandeur dépasse la capacité de louange, non seulement d’un peuple, mais de tous (Sir 43, 33, Vulg.). Le quatrième passage exprime le respect des Gentils pour Jésus-Christ (v. 12) évoquant la racine ou tige de Jessé (Is 11, 10) qui soumettra au vrai culte toutes les nations, ce qui n’était pas advenu jusqu’alors : « Demande, et je te donne en héritage les nations, pour domaine la terre tout entière » (Ps 2, 8).

Saint Paul exprime finalement une prière (v. 13) d’espérance par le Christ qu’elles obtiendront l’héritage de la gloire céleste (1 P 1, 3). Que Dieu qui a mis en nous cette espérance et en lequel il faut espérer nous « remplisse de toute joie et de paix » (v. 14) par laquelle nous gardons la paix en nous-mêmes, envers Dieu et à l’égard du prochain. Paix et joie sont les fruits de la charité (Ga 5, 22) qui rend agissante la foi (Ga 5, 6) sinon elle serait informe car « la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 17). Ainsi, « l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5) car c’est l’Esprit reçu en abondance (2 Co 9, 8) dans chaque sacrement qui nous donne ses vertus de foi, espérance et charité pour que nous débordions de cette grâce envers les autres, sans limites autres que celles voulues par Dieu. Semons abondamment et Dieu fera le reste.

Date de dernière mise à jour : 10/12/2023