3e Avent (17/12 - lect. thom. ép.)

Homélie du 3e dimanche de l’Avent (17 décembre 2024)

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Lecture thomiste de l’épître (Ph 4, 4-7)

Saint Paul engage les fidèles de Philippe à progresser, à avancer vers le mieux, en disposant leurs âmes à trois choses : la joie, le repos et la paix.

  1. La joie spirituelle

L’apôtre définit d’abord les quatre conditions de notre joie puis la cause. Quiconque veut avancer dans le bien, doit goûter la joie spirituelle pour y trouver le carburant nécessaire au progrès spirituel car il faut être motivée par la fin, Dieu, pour avancer sur un chemin ardu. Dieu purifie l’âme des commençants puis illumine les progressants, avant de s’unir à eux. Mais au-delà de ces étapes, il donne au débutant des consolations, ce qui est très plaisant. Il se retire ensuite sensiblement pour la purifier par la nuit des sens, de l’intelligence.

La vraie joie doit être légitime, c’est-à-dire provenir du bien propre de l’homme, qui n’est pas quelque chose de créé, mais Dieu même : « pour moi, il est bon d’être proche de Dieu » (Ps 72, 28). La joie est donc surnaturelle : « la joie du Seigneur est votre rempart ! » (Né 8, 10). La joie est continuelle : « soyez toujours dans la joie » (1 Th 5, 16) car elle n’est pas interrompue par le péché. Si elle est quelquefois interrompue par une tristesse passagère, elle est imparfaite car la joie parfaite se préoccupe peu de ce qui doit peu durer. Elle est abondante car procède de Dieu. On se réjouit ainsi qu’il se soit mis à notre portée par l’Incarnation comme le dirent les anges aux bergers de la visite du Très-Haut : « voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple » (Lc 2, 10). Si on est juste, on se réjouit d’accomplir des actions justes, vertueuses : « l’exercice du droit est une joie pour le juste » (Pr 21, 15). Mais on se délecte aussi dans la contemplation qui doit nourrir cette action : « partager sa vie ne cause pas de peine, seulement plaisir et joie » (Sg 8, 16). Puis après la joie de notre bien propre, nous pouvons encore nous réjouir du bien des autres, et au-delà de la joie présente toujours imparfaite, de celle, parfaite, qui nous attend au Ciel. Enfin elle est modérée, de peur qu’elle ne se dégrade en voluptés comme la joie du monde aboutissant souvent à la vie dissolue. Car comme pour la paix, « ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne », cette joie (Jn 14, 27). D’où la modération ou modestie qui oriente vers les choses saintes (Ju 16, 24, Vulg.) autrement, « celui qui passe le temps à boire du vin avec plaisir, laissera des marques de sa honte » (Pr 12, 11, Vulg.). Ainsi nous ne scandalisons personne.

La cause de la joie chrétienne est la proximité du Christ qui s’est fait notre ami. Le Seigneur nous est proche de plusieurs manières. D’abord par la présence de sa majesté : « Dieu a faits [les peuples] pour qu’ils le cherchent et, si possible, l’atteignent et le trouvent, lui qui, en fait, n’est pas loin de chacun de nous » (Ac 17, 27). Ensuite, il s’est fait proche de nous, Emmanuel, par l’Incarnation et la Rédemption : « vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ » (Ép 2, 13). Si nous sommes en état de grâce, il nous est proche parce qu’il habite en nous : « approchez-vous de Dieu, et lui s’approchera de vous » (Jc 4, 8). Il exauce ceux qui lui sont chers, les élus, par sa clémence : « il est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité » (Ps 144, 18).

  1. Le repos spirituel

Saint Paul nous enjoint de nous inquiéter de rien, c’est-à-dire que notre âme doit être tranquille. Trop de sollicitude (ou soucis excessifs) ne sert de rien car on doit tout attendre du Seigneur, faisant vraiment confiance en la Divine Providence : « Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? » (Mt 6, 25). Entendons-nous bien. L’homme créé par Dieu à son image, est donc intelligent afin de pourvoir par lui-même à ses propres besoins, soit être, mais en partie seulement, sa propre providence. Faisons donc notre devoir d’état en évitant toute négligence pour vivre honnêtement. Toutefois, si l’on en devient anxieux, craignant de manquer, on perd l’espérance en Dieu de recevoir du Seigneur ce qui nous est nécessaire. Recourons plutôt à Dieu, par la prière de demande : « déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il prend soin de vous » (1 P 5, 7).

Mais pour une bonne prière, élevons notre âme vers Dieu en reconnaissant humblement que nous ne sommes rien et attendons filialement tout de celui qui s’est penché paternellement vers nous : « La prière du pauvre traverse les nuées (…). Il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui » (Sir 35, 21). Elle est donc confiante en sa miséricorde car nous sommes conscients de n’avoir que des mains vides, sans aucun mérite en propre : « si nous déposons nos supplications devant toi, ce n’est pas au titre de nos œuvres de justice, mais de ta grande miséricorde » (Dn 9, 18). La supplication est comme une protestation sacrée par la grâce et la sainteté de Dieu, c’est donc l’acte de celui qui s’humilie (cf. Pr 18, 23, Vulg.). Le suppliant ne doit pas être ingrat car celui qui n’a pas su rendre grâce pour les bienfaits déjà reçus est indigne d’en recevoir d’autres : « rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 18). La prière doit oser demander clairement ce qu’elle souhaite obtenir : « demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira » (Mt 7, 7). Ces quatre conditions se retrouvent dans toute prière de l’Église qui, d’abord, invoque Dieu, puis rappelle ses bienfaits (anamnèse), après demande quelque grâce (épiclèse), enfin supplie le médiateur « par notre Seigneur Jésus-Christ, etc... ».

Pourquoi faut-il « faire connaître à Dieu [n]os demandes » ? Dieu ne les connaîtrait-il pas déjà ? Connaître peut signifier être approuvées de Dieu car nos prières doivent paraître devant lui dignes et saintes, montant comme l’encens (Ps 140, 2). Nous devons les connaître ou présenter à Dieu non pour être loués des autres mais dans le secret d’une présence assidue, intime, secrète à Dieu (Mt 6, 6). Elles doivent être présentées à Dieu par le ministère des anges qui intercèdent pour nous (cf. Ap 8, 4).

  1. La paix de Dieu

L’âme est ainsi disposée à la paix que saint Paul souhaite sous forme de prière. La paix, selon saint Augustin, est la tranquillité de l’ordre, car la perturbation de l’ordre est la destruction de la paix. Or cette tranquillité de l’ordre s’entend de différentes manières. Si l’on considère le principe de l’ordre, on remonte à Dieu qui établit toute chose. De ces hauteurs où elle habite, la paix dérive, d’abord et plus parfaitement, sur les saints du Paradis dans lesquels il ne se trouve aucune perturbation, ni de la faute ni de la peine, comme sur la Jérusalem céleste pour laquelle Dieu dit : « voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66, 12). Et ici-bas, plus on est élevé dans la sainteté, moins l’âme éprouve de perturbation de l’esprit : « grande est la paix de qui aime ta loi ; jamais il ne trébuche » (Ps 118, 165).

Cette paix de Dieu surpasse tout sens créé car Dieu est une lumière inaccessible (1 Tm 6, 16) qui dépasse toute notre science (Jb 36, 26), même celle des anges qui n’auraient jamais conçu l’Incarnation (qui choqua d’ailleurs les démons, raison probable de leur rébellion). Et ici-bas, elle est au-dessus de tout sentiment humain de ceux qui n’ont pas la grâce, comme la manne cachée réservée aux élus vainqueurs (Ap 2, 17). Que cette paix garde nos cœurs ou nos affections, afin que nous ne soyons nullement détournés du bien en quoi que ce soit : « par-dessus tout, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie » (Prov 4, 23). Mais aussi que nous gardions nos pensées, donc notre intelligence sans nous écarter en rien de la vérité qu’est le Christ car c’est par sa charité que nos affections sont préservées du mal, et par sa foi que notre intelligence se maintient dans la vérité.

Date de dernière mise à jour : 17/12/2023