2e Carême (25/02 - lect. thom. ép.)

Homélie du 2e dimanche de Carême (25 février 2024)

Pour écouter l'homélie, cliquez ici

Lecture thomiste de l’épître (1 Th 4, 1-7)

Saint Paul a loué les fidèles de Thessalonique de leur constance dans les tribulations et du bien qu’ils ont fait et leur recommande de continuer à bien agir.

  1. Recommandation générale : être saints
    1. L’Évangile transmis intégralement

L’apôtre commence par une recommandation générale. Voyant le bien qu’ils avaient fait par le passé, saint Paul les presse d’abord d’intercéder pour faire advenir la paix : « appelez le bonheur sur Jérusalem : ‘Paix à ceux qui t'aiment !’ » (Ps 121, 6). Puis il les conjure, par Jésus-Christ, car ils étaient parfaits. L’apôtre leur avait appris comment marcher dans la voie commune de la justice, en pratiquant les commandements. « J’ai couru dans la voie de vos commandements » (Ps 118, 32, Vulg.). Ils peuvent aller plus loin dans la voie des conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance. Si tout le monde n’émet pas ces vœux, tout chrétien doit vivre suivant leur esprit, selon son propre état de vie (la pureté dans le mariage sera bien sûr différente de celle d’un célibataire). Et les Chrétiens doivent faire de bonnes œuvres. « Il a su plaire à Dieu, et Dieu l’a aimé » (Sg 4, 10). On plait à Dieu en marchant suivant la lumière, c’est-à-dire avec une intention droite. Saint Paul veut que ses disciples de Thessalonique demeurent fidèles à la première et saine doctrine, sans s’en écarter en rien : « si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (Ga 1, 8).

Bien qu’ils fussent déjà bons, en observant les préceptes et les conseils, ils avanceront et feront des progrès : « Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en abondance » (2 Co 9, 8). La charité, en effet, est si étendue car venant de Dieu, qu’il reste toujours quelque point où l’on puisse progresser encore. « Car ces préceptes sont une lampe, l’enseignement, une lumière : instruction et discipline sont un chemin de vie » (Pr 6, 23).

L’apôtre ne fait rien d’autre que transmettre des préceptes qu’il a lui-même reçus. Il n’est pas le législateur, qui reste Dieu. « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis » (1 Co 11, 23), ce qui est le propre de la Tradition qui signifie en latin la transmission d’une orthodoxie et orthopraxie ou droite doctrine et rectitude morale. Ceux qui pensent mal vivent généralement mal pour justifier leurs dévoiements. Mais penser droitement n’augure pas systématiquement d’une vie pure car nous menons tous un combat spirituel pour rester dignes de notre nom de fidèles du Christ. Cela n’empêche pas les prêtres qui dénoncent vraiment le mal de demeurer faibles et pécheurs, sans doute aussi pour être compatissants avec leurs pénitents : « Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple » (He 5, 2-3).

    1. Opter pour répondre à l’appel du Bon Dieu implique de choisir

« La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté » (v. 3). La sainteté suppose la pureté et la persévérance. Tous les préceptes de Dieu portent les hommes à ces deux buts : se montrer fermes dans le bien et rester purs de tout mal. Rappelons que la volonté divine est toujours d’abord positive et seulement en conséquence implique des renoncements. On l’oublie sans cesse. Classiquement l’une des tactiques du démon est de nous faire envisager Dieu sous l’angle inverse, comme un père fouettard, empêcheur de jouir en rond. Or, Dieu est d’abord dans le don et non pas dans l’interdit : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : ‘Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin’? » (Gn 3, 1). Alors que « le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : ‘Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin’ » (Gn 2, 16-17). Il est généreux mais doit imposer des limites car le seul qui n’ait pas de limites, c’est lui. Il faut donc choisir.

Or, choisir Dieu, aussi loin se trouverait-on de lui pour commencer, signifie s’éloigner de ce qui lui est opposé, le péché. La mortification ici-bas consiste à faire mourir en nous toutes les semences de mort, ce qui nous est compté comme mérite. Sinon cette séparation se fera sans mérite au purgatoire. Aucun péché ne subsiste en présence de Dieu, puisque Satan n’a aucune prise sur lui (Jn 14, 30). Séparer c’est l’acte de création (Gn 1, 4.6.7.14.18), purifier ou séparer du mal est l’acte de recréation, voilà le sens profond de la consécration ou sainteté. « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2).

Même si vous n’exprimez pas de critique sur la façon de vivre du monde, soumis à Satan, dont il est le prince (cf. Jn 12, 31), vous serez persécutés car en vivant autrement, vous serez un reproche vivant. Car le courant dominant veut impérativement qu’on le suive, l’approuve. Il ne faut pas se distinguer. Certains préfèrent faire profil bas, le drame de la dhimmitude du respect humain. « À qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins assis sur les places, qui en interpellent d’autres en disant : ‘Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des lamentations, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine’ » (Mt 11, 16-17). Quoi qu’on fasse, on aura tort car nous serons en décalage avec ce monde : qu’on soit strict jeûneur comme saint Jean-Baptiste ou qu’on préfère l’esprit à la lettre comme le Christ. Le monde pécheur n’est pas seulement incontinent, ce qui ne serait pas le plus grave, mais intempérant car il se justifie et cherche à entraîner les autres à sa suite comme la queue du dragon entraîna ses démons en enfer, soit un tiers des anciens anges (Ap 12, 4). Le cardinal Ladaria plaisantait en disant qu’aujourd’hui, les seuls qui voudraient encore se marier à l’Église semblent être les divorcés ou les homosexuels et ceux qui voudraient se faire ordonner les femmes. Parce qu’il faut faire comme tout le monde, l’Église est sommé de suivre la mode du moment, d’être dans le vent, ambition de feuille morte (Gustave Thibon). Le péché n’est donc plus nommé ni dénoncé par la plupart des hommes d’Église.

  1. Recommandation spéciale : se détacher des plaisirs terrestres

Saint Paul, lui, nomme spécifiquement le péché. Il reprend les habitants de Thessalonique sur certains désordres : chez quelques-uns des vices charnels, de la curiosité (v. 9), et enfin une tristesse excessive au sujet des morts (v. 13) mais notre extrait s’arrête au premier point. Il leur enjoint donc de s'abstenir de désirs immodérés des choses charnelles tant du sexe que de l’appât du gain ou esprit de lucre. Luxure et avarice sont associées même si la délectation des bien est plus souvent d’ordre intérieur et spirituel.

Le péché mortel de luxure peut revêtir plusieurs formes suivant qu’il se porte sur une personne mariée (adultère) ou non (concubinage ou papillonage sexuel). « Que le mariage soit honoré de tous, que l’union conjugale ne soit pas profanée, car les débauchés et les adultères seront jugés par Dieu » (Rm 13, 4). Mais même quand on est soi-même marié, on peut aussi avoir une relation inadéquate à son légitime conjoint si on ne le respecte pas dans sa vérité sexuelle et féconde mais qu’on le réifie (chosifie) en objet de son propre plaisir. « Veille sur toi, mon fils pour te garder de toute fornication » (Tb 4, 12 ou 13 Vulg.). L’expression de vase renvoie soit à l’épouse (1 P 3, 7, Vulg. « un vase plus faible »), soit à son propre corps, fragile comme un vase d’argile (2 Co 4, 7) et qui doit pourtant devenir vase de miséricorde et non plus de colère (Rm 9, 21-23, Vulg.), des vases d’élection (Rm 9, 15, Vulg.) comme saint Paul.

Si l’on mettait ne serait-ce que la moitié de l’énergie investie à rechercher les plaisirs terrestres dans la recherche du Ciel, que n’aurions-nous déjà progressé ! Certains s’accaparent des biens des autres en circonvenant. « Or n’est-ce pas les riches qui vous oppriment, et vous traînent devant les tribunaux ? » (Jc 2, 6). Quelquefois ces riches se parent de la dignité des hommes politiques. Ils se servent alors au lieu de servir pour prendre indûment ce qui devrait rester au peuple et financer les péchés comme l’avortement, l’euthanasie, la contraception, la promotion de l’idéologie du genre et de l’immigration, l’assistanat. Eux qui ne sont déjà pas à plaindre veulent toujours plus : « comme une cage remplie d’oiseaux, leur maison est remplie de rapines : c’est ainsi qu’ils ont grandi et se sont enrichis » (Jr 5, 27).

Dieu vengera au sens étymologique de jugera. Or, nul n’entrera dans le royaume de Dieu s’il n’a commis ces péchés-là sans se repentir ces péchés (Ga 5, 21). Dieu appelle chacun à le suivre par l’élection puis donne la grâce pour pratiquer la vertu opposée : « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour » (Ép 1, 4). « Ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire » (Rm 8, 30).

Date de dernière mise à jour : 04/03/2024