Chandeleur (04/02 - organisme spir.)

Homélie du dimanche solennité de la Chandeleur (4 février 2024)

Pour écouter l'homélie, cliquez ici

 

L’organisme spirituel

Pour pouvoir progresser dans la vie spirituelle, il n’est pas inutile de rappeler comment Dieu nous a formé l’âme et la manière d’en faire bon usage.

  1. Structure de l’âme

Il convient de bien distinguer dans notre âme ce qui est sa nature même et ce qui est un don de Dieu, tout gratuit, autrement dit distinguer la nature et la surnature. La partie sensitive ou sensible de l’âme nous est commune avec les animaux. Elle comporte les sens externes ou cinq sens (vision, audition, goût, toucher, odorat), et les sens internes au nombre de quatre. Le sens commun, au-dessus des organes les englobe en distinguant et synthétisant les perceptions des cinq sens externes (une couleur d’une odeur). L’imagination est comme un trésor des formes reçues par les sens. L’estimative perçoit les représentations autres que reçues par les sens, en fonction de leur aspect nuisible ou bénéfique. La mémoire, enfin, en conserve la trace. Puis vient l’appétit sensible, d’où dérivent les onze passions ou émotions presque toujours par paires : l’amour et la haine, le désir et l’aversion, la joie et la tristesse, l’espoir et le désespoir, l’audace et la crainte, enfin la colère.

Au-dessus de la partie sensible, notre âme comporte une partie intellectuelle qui nous est commune à l’ange. L’intelligence connaît l’être, le réel intelligible des vérités nécessaires universelles, au niveau des principes auquel l’animal ne parviendra jamais car il se limite au contingent singulier, tel qu’il survient ici ou là. L’intelligence connaît le bien d’une façon universelle, et non pas seulement le bien délectable ou utile, mais le bien honnête et raisonnable (par exemple, plutôt mourir que trahir). Il s’ensuit que la volonté peut aimer ce bien et le vouloir et l’accomplir. Les deux facultés supérieures de l’âme, intelligence et volonté peuvent se développer beaucoup chez l’homme de génie, mais sans lui faire connaître la vie intime de Dieu comme Einstein.

La grâce sanctifiante, elle, nous fait vivre dans un ordre supérieur même aux anges car elle est comme une greffe divine reçue en l’essence même de notre âme pour en surélever la vitalité et lui faire porter non plus seulement des fruits naturels, mais des fruits surnaturels, des actes méritoires qui nous ouvrent la vie éternelle. Cela va bien au-delà d’un miracle aussi grand qu’une résurrection des corps (l’ami de Jésus, Lazare, frère de Marthe et Marie de Béthanie). En effet, son corps est ramené surnaturellement à une vie naturelle et mourut donc de nouveau tandis que la grâce sanctifiante ressuscite une âme pour une vie essentiellement surnaturelle. Plus que surnaturel, les théologiens désignent donc un miracle comme préternaturel (en-dehors des lois normales de la nature).

  1. Les vertus et des dons de l’Esprit-Saint
  1. Tableau général

Les vertus et les dons forment un ensemble cohérent où ils se répondent l’un l’autre.

7 vertus

7 dons

7 béatitudes

7 fruits

S’oppose à

Foi

Intelligence (saisir et pénétrer la vérité)

Pureté de cœur

Certitude et joie (volonté)

Hébétude

Charité

Sagesse (juger sûrement des choses divines)

Paix

Joie

Sottise

Espérance

Science (juger sûrement des choses créées) et crainte

Pauvreté en esprit

Modestie, continence, pureté

Prudence

Conseil (application aux actions particulières)

Miséricorde

Bonté et bénignité

Précipitation

Justice

Piété

Douceur

Mansuétude

Force

Force

Soif de justice

Patience

Longanimité

Tempérance

Crainte

Pauvreté en esprit

Modestie, continence, pureté

Ignorance

  1. Vertus théologales

Les vertus théologales sont des vertus infuses (donc venant de Dieu) qui ont pour objet Dieu lui-même, notre fin dernière surnaturelle. Au contraire, les vertus morales infusent ont pour objet les moyens surnaturels proportionnés aux fins dernières. Ainsi, la prudence dirige nos actes dans ce sens, la religion nous fait rendre à Dieu le culte qui lui est dû, la justice nous fait rendre à chacun ce que nous lui devons. La force et la tempérance règlent notre sensibilité pour l’empêcher de s’égarer et la faire concourir à sa manière à notre marche vers Dieu.

La foi infuse nous fait croire tout ce que Dieu a révélé parce qu’il est la vérité même. Elle est comme un moyen, comme un sens spirituel supérieur qui nous permet d’entendre une harmonie divine inaccessible à tout autre moyen de connaître. Il y a une différence immense entre l’étude historique de l’Évangile et des miracles qui le confirment et l’acte surnaturel de foi par lequel nous croyons à l’Évangile comme parole de Dieu. La foi est un don de Dieu (Éph 2, 8) et fonde la justification. Elle nous fait connaître la fin surnaturelle vers laquelle nous tendons. Même le commencement de la foi dépend de la grâce, contrairement à ce que pensaient les semi-pélagiens. Elle est au-delà du don de prophétie qui ne fait qu’annoncer un futur contingent d’ordre naturel comme la fin d’une guerre.

Nous pourrions connaître par la seule raison l’autorité de Dieu, auteur de la nature et même du miracle sensible. Mais nous ne pouvons pas, par la seule raison, adhérer à l’autorité de Dieu, auteur de la grâce. C’est à ce titre que Dieu intervient quand il nous révèle les mystères essentiellement surnaturels de la Trinité, de l’Incarnation, de la Rédemption, de l’Eucharistie, de la vie éternelle. L’hérésie pélagienne croyait que la grâce et les vertus infuses n’étaient pas absolument nécessaires au salut, mais seulement pour accomplir plus facilement les actes de la vie chrétienne, ce qui est faux. Par exemple, la foi acquise existe bien chez les démons qui ont perdu la foi infuse, mais ils croient, comme à contrecœur, à cause de l’évidence des miracles et autres signes de la révélation. Entre l’incrédule qui étudie l’évangile et le croyant, il y a une différence semblable à celle qui existe entre deux auditeurs d’une symphonie de Beethoven, lorsque l’un des deux a le sens musical et l’autre pas. Tous deux entendent toutes les notes de la symphonie, mais un seul saisit le sens et l’âme de la symphonie. De même seul le croyant adhérera surnaturellement à l’Évangile, même s’il était illettré. « Celui qui met sa foi dans le Fils de Dieu possède en lui-même ce témoignage » (1 Jn 5, 10). Lacordaire disait que quand nous croyons, une lumière intime et surhumaine, une certitude suprême nous affecte directement comme un phénomène translumineux. Un converti vous dira qu’il pouvait avoir lu, raisonné, voulu croire mais n’était pas arrivé jusqu’à ce qu’il y ait une conviction finale d’une nature totalement différente, comme une évidence, ainsi qu’il s’est passé à Emmaüs pour les deux disciples.

Par cette audition supérieure, l’homme est guidé vers l’éternité, il se porte de plus en plus vers le sommet d’où provient cette harmonie. Pour tendre effectivement vers ce but surnaturel et y arriver, l’homme a reçu comme deux ailes : l’espérance et la charité. Comme notre intelligence sans la lumière infuse de la foi ne peut connaître notre fin surnaturelle, ainsi notre volonté ne peut y tendre sans que ses forces soient augmentées. Par l’espérance, nous désirons posséder Dieu et nous nous appuyons sur le secours qu’il nous a promis. La charité, quant à elle, nous fait aimer Dieu pour lui-même et plus que nous à cause de son infinie bonté, plus aimable en soi que tous les bienfaits qui nous viennent d’elle (progresser dans la vie spirituelle fera toujours chercher le Dieu des consolations plutôt que les consolations de Dieu). Tout comme un ami qui nous a aimés le premier, la charité ordonne à lui les actes de toutes les autres vertus qu’elle vivifie et rend méritoires.

Si un homme pèche mortellement, il perd la grâce sanctifiante et la charité puisqu’il se détourne de Dieu, cesse de l’aimer plus que lui-même. La miséricorde divine lui conserve pourtant la foi infuse et l’espérance infuse tant qu’il n’a pas péché mortellement contre ces vertus-là. Il conserve encore la lumière qui indique la route à suivre et peut encore se confier à l’infinie miséricorde pour lui redemander la grâce de la conversion et l’absolution. Mais la charité durera éternellement lorsque la foi aura disparu, pour faire place à la vision et lorsqu’à l’espérance succédera la possession inamissible de Dieu clairement connu. Raison pour laquelle saint Paul déclare : « ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité » (1 Co 13, 13). Au Ciel il n’y aura plus ni foi ni espérance mais la charité commencée ici-bas y sera perfectionnée.

Date de dernière mise à jour : 04/02/2024