Homélie du Saint-Nom de Jésus (02/01/2022)
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La liturgie étire ou contracte le temps. Une seule journée est célébrée toute une semaine ou octave, comme la Nativité de Notre Seigneur se concluant le 1er janvier, sa circoncision. Dans le vetus ordo ou ancien missel, les oraisons et textes sont répétés. D’autres fois au contraire, la liturgie contracte des événements regroupés en une seule fête (Épiphanie, baptême du Seigneur, noces de Cana), quitte à les redéployer ensuite. Raison pour laquelle le même évangile si bref (Lc 2, 21) est repris à la Circoncision et au Saint-Nom.
- Débat autour de la circoncision chez les premiers chrétiens
- Le Christ fut circoncis pour des raisons précises
Après le récit de la naissance du Sauveur, vient celui de la circoncision. Celui dont il a été dit : « un enfant nous est né; un fils nous a été donné » (Is 9, 5) s’assujettit à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi (Ga 4, 4-5). Le Christ se soumit à la circoncision pour prouver la vérité de sa chair contre les manichéens (qui rejettent le monde matériel) et les docétistes (prétendant qu’il ne serait venu sur terre qu’en apparence). Son corps n’était pas consubstantiel à la divinité (Apollinaire de Laodicée), ni qu’il l’aurait apporté du ciel (Valentin). La loi de la circoncision que Dieu avait autrefois instituée, devait préparer à sa venue et ôtait ainsi aux Juifs toute excuse, qui auraient rejeté un Christ incirconcis.
Jésus donna l’exemple de la vertu d’obéissance. En compatissant à leurs maux, il aidait à porter le fardeau de ceux qui succombaient sous le joug pesant de la loi (Mt 23, 4). Revêtu de la chair du péché, il se soumit au remède institué pour purifier alors du péché originel comme le baptême le fait sous le régime de la grâce. Cependant, jusqu’au Christ, les morts circoncis ne pouvaient entrer dans le royaume céleste mais attendaient dans le sein d’Abraham (Lc 16, 22, Vulg.), ou limbes des patriarches pour y jouir d’un doux repos en attendant le Paradis.
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- Le Christ n’est pas à imiter ici
Les Chrétiens ne suivent plus ce précepte donné à Abraham qui marquait dans la chair (Gn 17, 10-13) l’alliance avec Dieu. Ce second signe suivait l’arc-en-ciel de Noé joignant le ciel et la terre (Gn 9, 8-19) et précédait le don de la loi à Moïse (Ex 24, 7-8). Jésus, présenté au Temple, devait être racheté comme tout fils premier né. Par les prémices, les Hébreux offraient à Dieu dispensateur de tout bien tout ce qui venait en premier : la première gerbe de blé, le premier jour de l’année ou le fils premier-né. Depuis Abraham, un animal était sacrifié à la place de l’enfant (bélier pour Isaac). Le précieux sang divin salvateur fut répandu pour la première fois, avant la croix : « s’il n’y a pas de sang versé, il n’y a pas de pardon » (He 9, 22).
Les sectateurs d’Ébion (qui influença beaucoup les musulmans) et de Cérinthe (judéo-chrétien gnostique et docète) pensaient qu’il suffisait au disciple d’imiter le maître en se faisant circoncire. Mais Ébion ne voyait le Christ que comme un homme et non pas comme le Fils de Dieu lui-même descendu du ciel. Mais il ne faut pas propager ces figures ou antitypes mais bien la vérité seule, spirituelle, qu’ils manifestaient.
Morts avec le Christ sur sa croix, nous sommes ressuscités avec lui (Col 2, 12 et Rm 6, 4), nous avons été circoncis avec lui, et nous n’avons plus besoin d’en marquer la chair (Ga 5, 2 ; Ép 2, 11-22) car elle est spirituelle. Autrement, on reviendrait en arrière (Rm 2, 25-29). La circoncision se fait sur le sexe d’où provient la naissance corporelle mais le baptême montre que ce qui compte plus est la purification de l’âme. La chair du vieil homme se trouve détruite (Rm 6, 6) : « de toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 19-20).
- Le huitième jour
- Symbole de la résurrection
La circoncision se pratiquait le huitième jour, où le Christ ressuscita. Si le sabbat concluait le septénaire de la création par un jour du repos, le huitième jour marque la création nouvelle. Par archéologisme de mauvais aloi, des protestants (adventistes, baptistes du septième jour) ou charismatiques catholiques (chemin néocatéchuménal, Béatitudes) remettent trop en avant le sabbat dépassé par le Christ : « le Fils de l’homme est maître du sabbat » (Lc 6, 5).
La résurrection de Jésus-Christ figure la double résurrection du corps et de l’âme. Par sa circoncision, Jésus purifie dans cette vie notre nature de la souillure du vice et qu’au dernier jour elle sera délivrée de la corruption du tombeau. Le Seigneur est ressuscité le huitième jour après les six âges du monde (d’après S. Augustin : d’Adam au Déluge ; à Abraham (1813 av. J.-C) ; au roi David (1000 av. J.-C) ; à l’Exil à Babylone (587 av. J.-C.) ; à la mort du Christ (30 ap. J.-C.) et l’ère chrétienne. Le repos des âmes séparées figure le septième âge sabbatique avant que nous ne ressuscitions au huitième. Cela correspond aux âges de la vie : infans de 0 à 7 ans ; puer de 7 à 17 ans ; adulescens de 17 à 30 ans ; juvens ou matur de 30 à 45 ans ; senior de 45 à 60 ans ; senex de 60 à 80 ans ; grandis natu après 80 ans.
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- Le nom
Abram circoncis s’appela Abraham. Le Seigneur reçut aussi son nom : « On lui donna le nom de Jésus », donné par l’ange et non pas l’homme (Lc 2, 21). Jésus signifie Sauveur, car il est né pour le salut du monde. « Il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers » (Ph 2, 9-10).
Yéchouah est translittéré parfois en YHWH, autrefois Yahvé, voire Jéhovah. Jésus reprend les mêmes consonnes que Josué, successeur de Moïse qui fit entrer le peuple hébreu dans la Terre Promise. Après l’exil de 430 ans en Égypte, puis la libération par Moïse, les Juifs avaient erré quarante ans dans le désert pour arriver dans l’actuelle Jordanie, par l’Est, symbole du soleil levant, donc du Christ. Toutes les églises sont orientées étymologiquement. Ad Orientem montre que oriens/tis provient d’oriri, naître car là où naît le soleil, apparaît la vie, la résurrection. Josué traversa le Jourdain en séparant les eaux comme pour la traversée de la Mer Rouge (Js 3, 14-16 ; 4, 10-11 ; 18) là où le Christ fut baptisé par S. Jean. Mais la vraie patrie de tout homme doit être la patria, terre du Père (pater, patris). Seul le Christ nous fait pénétrer dans cette nouvelle Terre Promise qui est le royaume de Dieu le Père (Jn 8, 19 ; 14, 9).
L’imposition du nom est comme la prise de possession par Dieu de la personne qui vient de naître. Les élus se réjouissent d’être rendus participant de la gloire de ce nom car dans leur baptême, ils sont appelés « chrétiens » depuis Antioche (Ac 11, 26). Ils sont aussi appelés ‘sauvés’ du nom de Sauveur que Dieu leur a donné non seulement avant qu’ils fussent conçus par la foi dans le sein de l’Église, mais avant tous les siècles.