8e Pentecôte (23/07 - 7 dons ES: piété)

Pour écouter l'homélie, cliquez ici

Les sept dons de l’Esprit-Saint : la piété

La piété est le sixième don de l’Esprit-Saint « par lequel nous vénérons et nous aimons Dieu et les saints, et nous avons des sentiments de miséricorde et de bienveillance envers le prochain pour l’amour de Dieu » (catéchisme de S. Pie X, n°954).

      1. Vertus de religion et piété chez saint Thomas d’Aquin
  1. La vertu de religion rend principalement honneur à Dieu

La religion dépend de la vertu cardinale de justice qui rend à chacun son dû (« ius suum unicuique », II-II, 58, 1). Elle honore Dieu, notre créateur et Père. Religio a trois étymologies possibles. ‘L’homme religieux (…) relit (re-legere) ce qui concerne le culte divin’ (saint Isidore) car il y revient fréquemment dans son coeur : ‘En toutes tes démarches pense à lui’ (Pr 3, 6). Mais la religion ‘réélit’ (re-eligere), rechoisit Dieu comme bien suprême délaissé par nos négligences. Enfin la religion ‘relie’ (religare) car elle est ‘notre lien au Dieu unique et tout-puissant’ (saint Augustin). « La religion est ordonnée à Dieu. Car c’est à lui que nous devons nous attacher avant tout, comme au principe indéfectible ; lui aussi que, sans relâche, notre choix doit rechercher comme notre fin ultime ; lui encore que nous avons négligé et perdu par le péché, et que nous devons recouvrer en croyant, et en témoignant de notre foi » (II-II, 81, 1).

On doit le faire non pas comme un esclave craignant la punition autrement, mais volontairement (II-II, 81, 2, ad 2). Ce culte et cette révérence lui sont dus car il « est le principe premier de la création et du gouvernement du monde. Lui-même nous dit : ‘Si je suis Père, où est l’honneur qui m’est dû ?’ (Mal 1,6). Car il appartient au père de donner la vie et de gouverner » (II-II, 81, 3). L’honneur provient de l’excellence. Chez Dieu, sa transcendance infinie l’élève au-dessus de tout (II-II, 81, 4). Nous l’honorons pour sa gloire, mais notre louange ne lui apporte rien. Mais elle nous est aussi utile car faire le bien qui convient nous perfectionne (II-II, 81, 6, ad 2).

On rend ce culte à Dieu intérieurement et extérieurement. « Révérer Dieu et l’honorer, c’est en fait lui assujettir notre esprit, qui trouve en cela sa perfection. Toute chose en effet trouve sa perfection dans la soumission à ce qui lui est supérieur (…). Mais pour rejoindre Dieu, l’esprit humain a besoin d’être guidé par le sensible car, écrit l’Apôtre (Rm 1, 20) : ‘C’est par le moyen des choses créées qu’apparaissent au regard de l’intelligence les choses invisibles’. C’est pourquoi le culte divin requiert nécessairement l’usage de réalités corporelles, comme de signes capables d’éveiller en l’âme humaine les actes spirituels par lesquels on s’unit à Dieu. Ainsi la religion a des actes intérieurs qui sont principaux et qui d’eux-mêmes lui appartiennent. Mais elle y ajoute, à titre secondaire, des actes extérieurs ordonnés aux actes intérieurs » (II-II, 81, 7). Le culte extérieur et public est essentiel. Faire brûler un cierge dans une église privatim est bon mais ne suffit ni ne remplace le culte public en assistant à la messe les dimanches et fêtes d’obligation.

  1. La vertu de religion n’est pas théologale

La vertu de religion concerne en propre ce qui est offert à Dieu, le culte matériel. Mais nos actes cultuels ne l’atteignent pas complètement en lui-même comme la foi et la charité le font. Saint Thomas distingue croire Dieu (credere Deum) et croire à Dieu (credere Deo) : l’un permettant l’autre. Soit le moyen d’atteindre Dieu par les sacrifices, les vœux, l’adoration ; soit la fin pour laquelle on pose ces mêmes actes. La religion n’est pas une vertu théologale, dont l’objet est Dieu comme fin ultime, mais une vertu morale sur des moyens ordonnés à la fin (II-II, 81, 5). Toute vertu cardinale consiste dans le juste milieu qui évite l’excès autant que le défaut (le courageux n’est ni lâche ni téméraire). Aussi convient-il d’éviter un excès de religion, y compris dans la liturgie (II-II, 81, 5, ad 3). Seule la charité, en tant que vertu théologale, ne connaît pas d’excès.

  1. La vertu de religion concerne aussi le prochain : vers la vertu de piété

La religion implique directement notre rapport à Dieu par l’adoration, le sacrifice. Mais indirectement, par des vertus annexes, d’autres actes concernent le prochain (II-II, 81, 1, ad 1) : « La religion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves, se garder de toute souillure du monde » (Jc 1, 27). La piété, après Dieu, s’étend aux parents et à la patrie. Du moins quand les parents assument dignement leur rôle, sans refuser aux enfants ce qui leur est dû : les nourrir, aimer, éduquer, y compris dans la foi. Car la piété revêt une dimension de reconnaissance ou gratitude : nous avons reçu des bienfaits et nous rendons la pareille (II-II, 101, 1). Comme le don de science donne un juste regard sur les créatures, y compris si les liens de parenté s’avéraient un obstacle dans la foi, tout s’équilibre harmonieusement (II-II, 101, 4).

      1. Le don de piété dans la théologie de saint Thomas d’Aquin
  1. La piété honore Dieu comme un Père et tous les siens

La piété rend au père charnel ses devoirs et un culte. Or, l’Esprit-Saint nous pousse à un amour filial envers Dieu : « Vous avez reçu l’Esprit des enfants d’adoption en qui nous crions : Abba, Père » (Rm 8,15). Le don de piété nous fait rendre un culte à Dieu comme à notre Père (II-II, 121, 1). La vertu de religion lui est inférieure car elle honore Dieu comme créateur et Seigneur (II-II, 121, 1, ad 2). Comme la piété inclut les membres de sa famille, ces obligations envers Dieu incluent les saints et membres de l’Église militante (II-II, 81, 1, ad 2). Jusqu’au jugement dernier, les saints sont miséricordieux pour nous. Après, ils se rendront mutuellement honneur puisque l’acte principal sera d’honorer Dieu comme Père (II-II, 121, 1, ad 3).

  1. « Heureux les doux, car ils posséderont la terre »

Pour accorder les béatitudes aux dons, saint Augustin suivit leur ordre inverse (la première béatitude selon saint Matthieu au dernier des dons selon Isaïe) et la deuxième ‘Bienheureux les doux’ va avec le don de piété, etc... Parmi les fruits, bonté et bénignité sont directement attribuées à la piété mais la mansuétude indirectement car elle supprime ce qui empêcherait la piété.

Conclusion

La piété tempère la crainte et nous fait oser nous adresser à Dieu, « Pater Noster », Père modèle (pas comme ceux qui sont violents, abuseurs). Les musulmans craignent Dieu mais ne l’aiment pas comme Père comme car ils exagèrent sa transcendance absolue. Jésus nous a donné une Mère au Ciel, une créature, plus proche, mais parfaite car toute à Dieu. Recourons à la Vierge Marie qui nous donnera au Père éternel s’il devait trop nous impressionner.

Date de dernière mise à jour : 28/07/2023