Sacré-Cœur (18/06 - 7 dons ES : conseil)

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Les sept dons de l’Esprit-Saint : le conseil

Le troisième don de l’Esprit-Saint conseil est le conseil « par lequel, dans les doutes et les incertitudes de la vie humaine, nous connaissons ce qui contribue le plus à la gloire de Dieu, à notre salut et à celui du prochain » (catéchisme de S. Pie X n°951). Les saintes Écritures l’évoquent par : « N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophétie ; mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le ; gardez-vous de toute espèce de mal » (1 Th 5, 19-22).

      1. Le conseil chez saint Thomas d’Aquin
  1. La vertu de prudence

Le don de conseil perfectionne la vertu de prudence ou droite règle des choses à faire (recta ratio agibilium). Saint Thomas définit huit éléments constitutifs de la prudence (II-II, 48) dont cinq relèvent de la puissance intellectuelle (cognitive), de la délibération. La précipitation ou témérité s’y oppose en agissant par impétuosité de la volonté ou des passions, sautant des étapes nécessaires (l’agent descend de la raison à l’action sans passer par les cinq étapes). Cette attitude relève de l’orgueil refusant de se plier à la règle d’un autre (II-II, 53, 3 et ad 3).

    • La prudence touche la connaissance :
      • des choses passées par la mémoire. Les actions du quotidien sont contingentes, n’ont pas de nécessité. Les règles prudentielles ne valent que dans la plupart des cas (ut in pluribus). Plusieurs souvenirs forment utilement l’expérience, qui permet de bien délibérer (II-II, 49, 1).
      • des choses présentes : l’intelligence estime droitement les premiers principes de la loi naturelle appliqués à une fin particulière (II-II, 49, 2) car on agit toujours dans un but.
    • La prudence touche l’acquisition de la connaissance :
      • la docilité ou se laisser enseigner s’impose du fait qu’un homme ne peut acquérir seul suffisamment d’expériences pour couvrir la variété des possibilités s’offrant à lui. Il doit capitaliser sur celles des autres (II-II, 49, 3).
      • la sagacité (eustochia sive solertia) estime le juste milieu par soi-même (II-II, 49, 4). Le vice opposé est la négligence qui refuse de choisir (nec eligens) les moyens adaptés (II-II, 54, 2).
    • La prudence use de la connaissance. La raison, à partir des premiers principes fournis par l’intellect, intime pénétration de la Vérité, tire des conséquences pour guider son action (déductibilité ou syllogisme pratique) (II-II, 48). Elle juge de ce qui a été délibéré. Le contraire est l’inconsidération, ou inapplication, qui néglige dans son jugement ce qu’il a délibéré droitement (II-II, 53, 4).
  • Trois éléments relèvent du commandement. Son contraire est l’inconstance.
    • La prévoyance (providentia) ordonne une chose comme appropriée à la fin. Les choses contingentes sont futures car passé et présent relèvent du nécessaire. Elles doivent être prévues suivant le modèle de la prévoyance divine (II-II, 49, 6). L’homme, par sa nature rationnelle, participe de qualités divines, dont la Providence (cf. II-II, 10, 12). Il exerce sa liberté responsable, étant en quelque sorte sa propre providence (contre le quiétisme).
    • La circonspection tient compte des circonstances (II-II, 49, 7) : outre l’objet, la bonté de l’action implique d’autres facteurs (I-II, 18, 4).
    • La précaution évite le risque que ne se mêlent des éléments faux (II-II, 49, 8).

En résumé, la prudence dispose la raison pratique à discerner, en toute circonstance, notre véritable bien (CEC 1835).

  1. Dieu aide à diriger nos actions et perfectionne la prudence (II-II, 52)

Dieu meut chaque créature selon son propre mode d’être. Doué de raison, l’homme est poussé à l’action par sa recherche rationnelle : le conseil. Si la prudence dirige l’homme selon la raison, elle ne peut comprendre les événements singuliers et contingents, car « les pensées des mortels sont timides, et incertaines nos prévoyances » (Sg 9,14). L’homme doit donc être dirigé par Dieu qui comprend tout, comme on demanderait le conseil d’hommes plus sages. Le conseil donne une capacité de discernement de ce qu’il convient de faire.

La raison éternelle, règle suprême de l’agir, perfectionne ainsi la prudence. L’Esprit-Saint, principe moteur plus élevé, secourt ce principe inférieur de mouvement. « Tout être qui meut en étant mû lui-même, meut du fait qu’il est mû. Aussi l’âme humaine, du fait qu’elle est dirigée par le Saint-Esprit, devient capable de se diriger, elle-même et les autres » (II-II, 52, 2, ad 3).

      1. Le conseil et ses conséquences
  1. Don de conseil et béatitude : demeure-t-il dans la patrie céleste ?

Ce don de conseil n’agit pas uniquement ici-bas. Ce principe de mouvement ne cesse pas lorsque ce qui est mu est parvenu au terme, contrairement à la maison, une fois construite, qui ne continue pas d’être bâtie par le bâtisseur. En effet, le moteur cause non seulement le mouvement, mais aussi la forme à laquelle le mouvement était ordonné, comme le soleil continue d’éclairer l’air après que celui-ci a reçu la lumière. Dieu cause ainsi chez les bienheureux la connaissance des actions à faire, non en leur apprenant ce qu’ils ignoraient, mais en maintenant en eux la connaissance de ces actions.

Mais Dieu ne meut pas de la même manière les âmes au Paradis et sur Terre. Pour les viatores, pèlerins d’ici-bas, la motion divine qui dirige leurs actions apaise l’anxiété du doute d’abord éprouvée. Les bienheureux, anges ou hommes, ne connaissent pas ce qui n’appartient pas à l’essence de la béatitude mais seulement le gouvernement providentiel du monde, à savoir le ministère des anges et les prières des saints. Pour eux, le conseil est une simple conversion à Dieu en le consultant sur les réalités d’ici-bas, à la manière des anges. Le don de conseil existe chez les bienheureux en tant que Dieu leur continue la connaissance de ce qu’ils savent et en tant qu’ils reçoivent de Dieu la lumière sur ce qu’ils ignorent relativement à leur action.

  1. Correspondance avec la béatitude de la miséricorde, et ses fruits

Le conseil concerne ce qui est utile à la fin. Or « la piété est utile à tout » (1 Tm 4, 8). La cinquième béatitude « bienheureux les miséricordieux » correspond au don de conseil (II-II, 52, 4). Pour saint Augustin : « le conseil convient aux miséricordieux ; car le seul remède qui nous délivre de si grands maux est de remettre aux autres et de pardonner ».

Le don de conseil nous dirige en toute action ordonnée à la vie éternelle, qu’elle soit nécessaire au salut ou non, incluant les préceptes ou les conseils évangéliques tels que la pauvreté (Mt 19,21, II-II, 52, 4, ad 2). La miséricorde relève du précepte (« Celui-là subira un jugement sans miséricorde, qui n’a pas fait miséricorde », Jc 2,13) mais correspond bien à ce don, sachant que chacune des œuvres de miséricorde n’est pas nécessaire au salut.

Aucun fruit ne répond au don de conseil en Ga 5, 22-23 car le fruit vient en dernier. Or, dans la vie pratique, l’ultime n’est pas dans la connaissance mais dans l’opération. Aucun fruit ne se rapporte à la connaissance pratique mais seulement aux opérations qu’elle dirige, dont la bonté et la bénignité, correspondant à la miséricorde.

Conclusion

Comme créatures rationnelles, nous devons comprendre pour agir correctement. La prudence permet d’agir droitement au niveau humain. Mais Dieu ne donne jamais moins dans la surnature (la vie de grâce) que dans la nature. Pour les choses concernant les réalités éternelles (la gloire de Dieu, notre salut, celui des autres), il nous éclaire par le don de conseil pour discerner ce qu’il convient de faire ou pas. En effet, nos connaissances sont toujours partielles, tant sur les choses que sur les gens. Nous avons donc besoin d’être guidés par l’Esprit-Saint face à toutes ces incertitudes. Comme lorsque le prudent s’adresse à un sage expérimenté, Dieu est consulté pour nous éclairer car lui seul sonde les reins et les cœurs (Ps 7, 10 ; 26, 2 ; 139, 23 ; Jér 17, 10 ; Rm 8, 27 ; Ap 2, 23). Le don de conseil nous fait voir comment plaire à Dieu, accompagner nos frères vers Dieu et supplée à nos hésitations. L’Esprit souffle ce qu’il faut faire.