Trinité (04/06 - dons Esprit Saint : sagesse)

Les sept dons de l’Esprit-Saint – la sagesse

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Après la Pentecôte, méditons les sept dons de l’Esprit Saint. L’Esprit de Dieu, don par excellence (Jn 4, 10) apporte sept dons : « un rameau sortira de la souche de Jessé (…). Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur » (Is 11, 2) auxquels fut ajouté le don de piété. Un septénaire symbolise mieux la perfection divine (sept sacrements, sept degrés de l’ordre) au contraire du 6 du diable qui veut s’égaler à Dieu sans y parvenir jamais (Ap 13, 18).

  1. Le don de la sagesse dans les Saintes Écritures

La sagesse est un don précieux illustré par le roi Salomon, 2nd fils du roi David et de Bethsabée (970-931 av. J.C.). Il inaugura son règne au sanctuaire de Gabaôn où se trouvait la Tente du Rendez-Vous : « La nuit même, Dieu se montra à Salomon et lui dit : ‘Demande ce que je dois te donner’. Salomon répondit à Dieu : ‘Tu as témoigné une grande bienveillance à David mon père et tu m’as établi roi à sa place (…). Donne-moi donc à présent sagesse et savoir pour agir en chef à la tête de ce peuple, car qui pourrait gouverner un peuple aussi grand que le tien ?’ Dieu dit à Salomon : ‘Puisque tel est ton désir, puisque tu n’as demandé ni richesse, ni trésors, ni gloire, ni la vie de tes ennemis, puisque tu n’as pas même demandé de longs jours, mais sagesse et savoir pour gouverner mon peuple dont je t’ai établi roi, la sagesse et le savoir te sont donnés. Je te donne aussi richesse, trésors et gloire comme n’en eut aucun des rois qui t’ont précédé et comme n’en auront point ceux qui viendront après toi’ » (2 Chron 1, 7-12 ; 1 R 3, 5-14).

Immédiatement après Salomon en fit bon usage pour son fameux jugement (1 R 3, 16-28) qui inspira même le communiste est-allemand Berthold Brecht dans le Cercle de craie caucasien ! http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/06/Frauenberg_030.jpg/800px-Frauenberg_030.jpgUn différend opposait deux prostituées ayant chacune mis au monde un enfant, mais dont l’un était mort étouffé par sa mère durant son sommeil et qui avait échangé le cadavre contre le fils de l’autre. Elles se disputèrent alors l’enfant survivant. Pour régler le désaccord, Salomon réclama une épée et ordonna : « Partagez l’enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l’autre moitié à la seconde ». L’une des femmes déclara qu’elle préférait renoncer à l’enfant plutôt que de le voir sacrifié alors que l’autre s’accommodait, par malignité, de cette solution, ainsi aucune d’entre elle n’aurait l’enfant. À cette réaction de sacrifice, Salomon reconnut la vraie mère, et il lui fit remettre le nourrisson.

  1. La sagesse chez S. Thomas d’Aquin
    1. Une rectitude du jugement suivant les raisons divines (II-II, 45, 1-2)

Selon Aristote, le sage considère, dans l’absolu, la cause la plus élevée par laquelle on peut juger de tout avec certitude et d’après laquelle il faut tout ordonner soit la cause première, qui est Dieu. Cette grâce se distingue de la sagesse comme vertu intellectuelle acquise par l’effort humain de la raison. La sagesse juge bien des choses divines par connaturalité avec le divin donnée par la charité. Elle lui donne une saveur (sapida scientia,science savoureuse’ est pour S. Isidore de Séville l’étymologie de sapientia). Elle permet un jugement conforme à la vérité divine qui présuppose la foi, car « chacun juge bien ce qu’il connaît » (Aristote).

L’intelligence exerce deux activités : elle perçoit et juge. Le don d’intelligence est ordonné à la première de ces activités.  Le don de sagesse est ordonné à la seconde, selon les valeurs divines, tandis que le don de science concerne les valeurs humaines. Les sept dons de l’Esprit-Saint sont interconnectés. La sagesse n’est pas que contemplative comme la sagesse humaine mais pratique comme au jugement de Salomon. La sagesse « consiste à voir avec les yeux de Dieu, à entendre avec les oreilles de Dieu, à aimer avec le cœur de Dieu, à juger les choses avec le jugement de Dieu » (catéchèse du pape François du 9 avril 2014).

La sagesse peut être donnée à un confirmé pour pénétrer des mystères plus profonds et les manifester aux autres par l’enseignement (in conspiciendis) ou pour diriger des choses humaines suivant les règles divines, non seulement pour se gouverner eux-mêmes mais aussi les autres en direction spirituelle (in consulendis) (II-II, 45, 3).

    1. « Heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu »

Ce don correspond à la septième béatitude (II-II, 45, 6) : « la sagesse convient aux pacifiques en qui l’on ne trouve aucun mouvement rebelle, mais l’obéissance à la raison » (S. Augustin). Du point de vue du mérite, les pacifiques font la paix, en eux ou chez les autres, en ramenant les choses à l’ordre qui convient. Du point de vue de la récompense, la filiation divine signifie qu’ils participent d’une similitude avec le Fils unique selon la nature divine (Rm 8, 29), lui qui est la Sagesse engendrée. Participation du don de sagesse, l’homme devient fils de Dieu.

« La sagesse d’en-haut est premièrement pure, ensuite pacifique, discrète, compréhensive, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bonnes œuvres, sans partialité, sans hypocrisie » (Jc 3, 17). La sagesse, en réglant les actes humains selon le plan divin, éloigne d’abord des maux contraires car « la crainte est le commencement de la sagesse » (timor Domini, initium sapientiæ, Ps 111, 10 ; Sir 1, 16). La sagesse évite la corruption du mal (pure), fait garder la mesure en tout, autant que possible (discrète). Elle rend attentif aux conseils des autres, pour ce qui nous dépasse (compréhensive). Elle ramène tout à l’ordre qui convient, procurant la paix. Pour que l’homme soit en paix avec les autres, il doit d’abord ne pas s’opposer au bien des autres (conciliante), compatir par son affection (pleine de miséricorde) et subvenir aux déficiences d’autrui par son action (féconde en bonnes œuvres). Enfin, il s’efforce de corriger les péchés avec charité sans chercher à apaiser sa haine (sans partialité ni hypocrisie).

Conclusion :

« La sagesse est un don par lequel, élevant notre esprit au-dessus des choses terrestres et fragiles, nous contemplons les choses éternelles, c’est-à-dire la Vérité qui est Dieu, en qui nous nous complaisons et que nous aimons comme notre souverain Bien » (catéchisme de S. Pie X, n°919). La Sagesse fait expérimenter le goût du divin: « goûtez/savourez les choses d’en haut, non pas celles sur la Terre » (Col 3, 2). Savoir juger les choses humaines sous le regard de Dieu, c’est vivre de Dieu qui habite en nous par l’Esprit Saint, nous complaisant en sa présence. Lorsqu’on passe du temps avec un ami, sa manière de penser, de s’exprimer déteint sur nous. La sagesse revient à goûter Dieu, se contenter de lui, pour voir et aimer avec lui. Implorons la Vierge Marie, trône de la Sagesse (Sedes Sapientiæ), mère tenant sur ses genoux le Fils, LA Sagesse incarnée, pour qu’elle intercède auprès de Dieu afin que nous recevions ce don si précieux.