SS. PIerre et Paul (29/06 - lect. thom. év.)

Homélie des SS. Pierre et Paul (29 juin 2025)

Lecture thomiste (Mt 16, 13-19)

Avant notre passage dans l’évangile selon Matthieu, le Seigneur a enseigné que la doctrine évangélique devait être gardée pure du levain des Juifs. Il montre ici l’éminence de cette doctrine, croyant en ses deux natures (ensuite en sa passion et son pouvoir judiciaire).

  1. L’opinion sur le Christ
    1. De la foule

Ne confondons pas avec Césarée maritime, port érigé en l’honneur d’Auguste où vivait Ponce Pilate, procurateur de Judée. Ici, Césarée de Philippe fut dédiée à Tibère par le tétrarque d’Iturée et Trachonitide. Là Pierre fut envoyé à Corneille (Ac 10, 1) pour symboliser l’ouverture de l’Église aux païens. Tout au nord d’Israël, au pied du mont Hermon du Liban, elle abrite l’une des sources du Jourdain ou Banyas, dérivé arabe de du culte au dieu Pan (mi-homme mi-bouc, il fait penser au diable, antique ennemi de l’Église). Dès l’origine, l’Église fut confrontée aux païens à convertir sans se être contaminée par leur idolâtrie.

Jésus interrogea ses disciples (« Lorsque le sage interroge, il enseigne », saint Jérôme) sur sa réputation. « Prends soin de ton nom, car il te survivra plus que mille monceaux d’or » (Si 41, 15). Que disait-on de lui, au risque de se méprendre ? « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (v. 13). Ceux qui connaissent la divinité sont appelés dieux (Ps 81, 6 repris par Jn 10, 34) et ceux qui connaissent l’humanité sont appelés hommes. Le Christ voulait être reconnu autre qu’un simple homme mais bien pour le Fils de Dieu (Mt 11, 29).

Si les Pharisiens blasphémaient le Christ, les foules l’appelaient prophète qu’on prenait pour saint Jean le Baptiste : « un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple » (Lc 7, 16) dont il avait l’autorité (Mt 7, 29) en prêchant la pénitence en des termes strictement identiques : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche » (Mt 3, 2 et 4, 17). Les prophéties annonçaient aussi le retour d’Élie : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable » (Ml 3, 23). Élie qui « surgit comme un feu, sa parole brûlait comme une torche » (Si 48, 1). Mais l’élévation de sa vie leur rappelait Jérémie, considéré par les étrangers et méprisé par les siens : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations » (Jr 1, 5).

    1. Des disciples (v. 15)

Le Christ est adepte du « cor ad cor loquitur » (le cœur parle au cœur) de saint John Henry Newman. Il veut savoir ce que disent ses apôtres dont la foi est examinée. La plus grande proximité, familiarité du Christ fait que les douze devraient mieux le connaître. À qui il a été donné davantage on réclamera davantage (Lc 12, 48) car ils avaient vu les miracles. Par ce moyen, ils pouvaient mériter en confessant leur foi. « C’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut » (Rm 10, 10).

Pierre répondit pour lui et les autres et sa foi portait sur la nature humaine du Christ qu’il désigne comme l’Oint : « tu es le Christ ». L’onction avec l’huile du Saint-Esprit ne lui convient pas selon sa divinité, car elle en procède, mais selon son humanité. Saint Pierre considère l’humanité du Christ autrement que les foules. Prophètes comme Élisée (1 R 19, 16), rois comme Saül (1 Sm 10, 1) et prêtres comme Aaron et ses fils (Lv 8, 12-13) étaient tous oints. Le Christ rassemble ces trois fonctions comme prédit.

  • Roi : « voici venir des jours – oracle du Seigneur–, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice » (Jr 23, 5)
  • Prêtre : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melchisédech » (Ps 109, 4).
  • Prophète : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez » (Dt 18, 15).

Mais confessant plus loin que son humanité, il exprima la substance divine du Christ partagée avec le Père dans l’Esprit-Saint, en ajoutant : « Tu es le Fils de Dieu vivant », au sens métaphysique et pas allégorique. Les Juifs considéraient Jésus blasphémateur : « nous voulons te lapider (…) pour un blasphème : tu n’es qu’un homme, et tu te fais Dieu » (Jn 10, 33). Loin de l’apothéose des empereurs romains, organisée à leur mort par le Sénat (cf. Bérénice de Racine), étant Dieu, source de la vie (Jn 14, 6), le Christ nous la partage.

  1. La réponse du Christ
    1. L’approbation

« Heureux es-tu, Simon fils de Jean ». Bar Yonas signifie fils de la colombe comme l’Esprit Saint qui inspire cette confession. Mais d’autres tel Nathanaël (Jn 1, 49) avaient confessé que Jésus était bien le Fils de Dieu avant lui. Pourquoi Pierre est-il appelé bienheureux, et non les autres ? Plus qu’une adoption (cf. les Ariens plus tard), saint Pierre confessa le premier le Fils par nature, « consubstantiel au Père ».

Jésus le récompensa d’une manière spéciale : à une connaissance en répond une autre. La béatitude est dans la connaissance : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). Mais la connaissance est double. Par la raison naturelle elle est douteuse, l’autre, surnaturelle, dépasse la raison mais satisfait l’intelligence : « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » (cf. Is 64, 4). La « chair et le sang » (cf. Ga 1, 16 Vulg) signifient la tradition des Juifs qui ne fut pas consultée face à une révélation directe de Dieu. Au-delà de la chair et du sang du Christ, par le Père éternel, Pierre discerna qu’il était lui consubstantiel, donc divin (Lc 10, 22).

    1. La récompense

Pierre confessa l’humanité et la divinité de Jésus Christ et reçut en récompense un nom et un pouvoir. Le Seigneur était venu dans le monde fonder son Église : « Moi, dans Sion, je pose une pierre, une pierre à toute épreuve, choisie pour être une pierre d’angle, une véritable pierre de fondement » (Is 28, 16). Jacob avait placé une pierre sous sa tête sur laquelle il avait répandu l’huile (Gn 28, 18). Cette pierre est le Christ et en vertu de cette onction, tous les baptisés sont appelés chrétiens.

Le nom promis par Jésus dès le début (Jn 1, 42) s’explique alors. La pierre est placée à la base comme fondation et donne une solidité à la maison bâtie sur le roc (Mt 7, 24-25) qu’est Dieu, el Shaddaï (le Rocher) (Gn 28, 3 ; 35, 11 ; 49, 25). Le Christ est appelé la Pierre ou le rocher (1 Co 3, 11 ; 10, 4) et est le seul vrai fondement. Le Christ l’est par lui-même et Pierre pour autant qu’il confesse le Christ, comme son vicaire : « vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même » (Ép 2, 20, cf. Ap 21, 12-14).

Si cette maison peut être assiégée, elle ne peut être abattue. « Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 1, 19). Les portes de l’enfer évoquent les hérétiques, tyrans, démons et péchés. L’Église romaine n’a pas été corrompue par l’hérésie comme Constantinople : « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras convertis, affermis tes frères » (Lc 22, 32).

Le Christ fit un second don, selon son humanité, à Pierre, son vicaire : que son Église sur terre fasse entrer les hommes au ciel : « Ayant l’assurance voulue pour l’accès des saints par le sang du Christ » (He 10, 19), tel un portier céleste (ostiarius, premier ordre mineur) :  « avec assurance  nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus » (He 10, 19). La clef ferme ou ouvre la porte du Ciel, déjà ouverte (Ap 4, 1). Mais celui qui doit y entrer et serait lié doit être délié. Le péché empêche d’y pénétrer : « rien de souillé n’y entrera jamais, ni personne qui pratique abomination ou mensonge, mais seulement ceux qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau » (Ap 21, 27). La Passion ôta cet obstacle (d’où le futur « je te donnerai »), lavant nos péchés « dans son sang » (Ap 1, 5).

Le ministère spécial de la confession consiste à pardonner les péchés des pénitents. Le prêtre possède une puissance spirituelle instrumentale (d’où la fonction de ministre) par laquelle il remet les péchés (rémission) ou délie. Pourquoi lie-t-il ? Le ministre de Dieu dépend de l’acte du Seigneur. Le prêtre lie et délie ministériellement selon que le Seigneur lie et délie. Dieu délie en infusant la grâce ; il lie en ne l’infusant pas. Le prêtre délie en administrant le sacrement, mais lie en ne l’administrant pas. Il peut lier encore par l’excommunication (qu’absout la formule traditionnelle d’absolution). Le Seigneur a donné immédiatement à Pierre ce pouvoir, transmis aux autres : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20, 23). L’évêque, indépendamment de l’ordination, délie ce pouvoir au nouveau prêtre, raison pour laquelle il porte l’étole croisée.

Date de dernière mise à jour : 29/06/2025