Trinité (26/05 - lect. thom. ép.)

Homélie du dimanche de la T.S. Trinité (26 mai 2024)

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Lecture thomiste de l’épître (Rm 11, 33-36)

Saint Paul pousse un cri d’admiration devant la grandeur de Dieu autour de deux points principaux : l’excellence de sa sagesse, sans commune mesure avec la sagesse humaine.

  1. L’excellence de la sagesse divine

Saint Paul admire d’abord l’excellence de la divine sagesse quant à sa profondeur : « Prétends-tu sonder la profondeur de Dieu, atteindre la perfection du Puissant ? » (Jb 11, 7). Cette profondeur recouvre premièrement l’objet de sa connaissance qui n’est autre que lui-même. Dieu se connaît alors que bien des hommes sont un mystère pour eux-mêmes tant ils s’illusionnent et se fourvoient. La sagesse incréée dit : « J’ai dressé ma tente dans les hauteurs du ciel » (Sir 24, 4). Deuxièmement, le mode de connaissance puisque c’est en lui-même qu’il connaît toute chose par le lien existentiel qui relie tout étant à l’Être en-soi : « des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ; du ciel, il regarde la terre » (Ps 101, 20). Troisièmement, cette connaissance est plus sûre et précise qu’aucune autre, souvent partielle, car Dieu sonde les reins et les cœurs : « les yeux du Seigneur sont mille fois plus lumineux que le soleil : ils observent tous les chemins des hommes et pénètrent les plus secrets recoins » (Sir 23, 19).

Il admire ensuite la sagesse divine quant à sa plénitude comparée à des trésors. Premièrement par la multitude des choses connues car « Seigneur, vous savez tout » (Jn 21, 17) « en qui se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col 2, 3). Deuxièmement, par la facilité de sa connaissance, puisque d’un regard Dieu embrasse tout, sans travail et sans difficulté : « pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes » (He 4, 13). Troisièmement, Dieu communique à tous libéralement sa connaissance, la faisant rayonner jusqu’aux extrémités de la terre pour toute créature qui accepte de mener une vie mystique d’intimité avec lui : « si l’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, lui qui donne à tous sans réserve et sans faire de reproches : elle lui sera donnée » (Jc 1, 5).

Enfin, l’apôtre admire la divine grandeur quant à sa perfection. Car Dieu a la science des choses divines : « en Dieu sagesse et puissance, à lui conseil et intelligence » (Jb 12, 13) et des choses créées : « celui qui sait tout en connaît le chemin, il l’a découvert par son intelligence. Il a pour toujours aménagé la terre » (Ba 3, 32).

  1. Incompréhensible car elle dépasse notre propre sagesse
  1. Comparaison avec les hommes

Comparée à notre intelligence, l’excellence de la divine sagesse la rend incompréhensible. Si la sagesse juge et dispose, l’homme ne peut saisir dans leur ensemble la raison des divins jugements, puisqu’ils sont cachés en lui : « vos jugements, le grand abîme ! » (Ps 35, 6). « Ses voies sont impénétrables » car la science humaine n’épuise pas celle par laquelle Dieu opère dans la nature : « Par la mer passait votre chemin, vos sentiers, par les eaux profondes ; et nul n’en connaît la trace » (Ps 76, 20), « Quel chemin mène à la demeure de la lumière ? » (Jb 38, 19).

Saint Paul cite deux passages scripturaires de l’Ancien Testament : en disant « qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? » (v. 34), il pense au prophète Isaïe : « qui a mesuré l’esprit du Seigneur ? Qui l’a conseillé pour l’instruire ? » (Is 40, 13) et par « qui lui a donné en premier et mériterait de recevoir en retour ? » (v. 35), il se réfère à Job : « Qui m’a donné d’avance, que je doive le payer de retour ? » (Jb 41, 3).

La pensée dirige son jugement et la marche de ses desseins que personne ne connaît si cela ne lui est révélé : « Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? » (Sg 9, 17) et « personne ne connaît ce qu’il y a en Dieu, sinon l’Esprit de Dieu » (1 Co 2, 11). La profondeur de la sagesse divine vient de ce qu’il est premier principe, commencement de toute chose. Par conséquent, il ne procède d’aucun autre mais les autres émanent de lui. Plus rien n’est plus haut que lui, personne ne le conseille (cf. Jr 23, 18) car seul celui qui hésite pour agir requiert un conseil. « Comme tu conseilles qui n’a pas de sagesse et dispenses largement le savoir-faire ! » (Jb 26, 3). L’homme ne peut donner à Dieu que ce qu’il a reçu de lui : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? » (1 Co 4, 7).

  1. Trois prépositions pour les trois personnes divines

Saint Paul montre la grandeur de Dieu, en qui sont renfermées toutes choses. Il montre d’abord en lui la causalité. Puisque « c’est de lui, par lui et en lui que sont toutes choses », rien ne peut exister qu’autant que Dieu le veut. La première des trois prépositions, ‘de’ exprime le principe du mouvement, en désignant l’agent, l’objet matériel et celui de qui procède le mouvement comme si nous disions qu’une lame est faite par l’ouvrier en fer et d’une matière informe. La Création ne provient d’une matière préexistante mais est ex nihilo : « Nous sommes nés de rien » (Sg 2, 2, Vulg.) et « l’homme vient au monde par la femme, et tout cela vient de Dieu » (1 Col 11, 12). Mais on ne dit pas qu’elles sont de lui, mais qu’elles viennent de lui car ‘de’ peut désigner une cause de même substance que l’effet (le fils est du père car il lui est consubstantiel) alors que les créatures ne le lui sont pas.

La seconde préposition ‘par désigne la cause qui produit l’effet, non pas comme un producteur communique sa forme à la manière du feu qui échauffe par sa chaleur mais comme l’acte d’un agent supérieur, quand nous disons que l’homme produit par la vertu de Dieu. C’est dans ce sens que tout existe par Dieu. En effet, Dieu est premier agent, par la puissance duquel agissent tous les autres et sa sagesse qui est son essence divine, est la forme par laquelle Dieu a fait toutes choses. Par ailleurs, si l’ouvrier a fait la lame par le marteau, on veut dire que la lame se fait par le travail de l’ouvrier au moyen d’un marteau. ‘Par’ désigne alors l’autorité comme dans ‘le prince agit par le bailli’ ou la cause comme dans ‘le bailli agit par le prince’. C’est ainsi que le Père fait tout par son Fils (Jn 1, 3) parce que le Fils reçoit du Père la puissance d’opérer, ni comme cause instrumentale, dépendante ou différente, mais principale, égale : « il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement » (Jn 5, 19).

La troisième préposition ‘en’ désigne aussi la cause. Comme Dieu n’est pas la cause matérielle des choses, il ne peut d’abord pas s’agir de la cause matérielle (‘l’âme est dans le corps’, ‘la forme est dans la matière’). Mais cela pourrait s’entendre de la cause efficiente qui peut disposer les effets qu’elle produit. Toutes choses sont en Dieu, en tant qu’elles sont sous sa puissance et à sa disposition : « il tient en main les profondeurs de la terre, et les sommets des montagnes sont à lui » (Ps 94, 4) et « c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28). Enfin, la cause finale, en tant que Dieu est la bonté qui conserve : « tout subsiste en lui » (Col 1, 17). Cependant, ‘tout’ n’implique que ce qui a une existence réelle et non pas le péché qui est privation d’être, car le mal est la privation du bien attendu : « le péché n’est rien, et néant devient l’homme qui pèche » (saint Augustin).

En résumé, tout est de Lui, Dieu, comme du premier pouvoir qui opère ; tout est par Lui, en tant qu’il fait tout par sa sagesse; tout est en Lui comme dans la bonté qui conserve. Ces trois attributs de la puissance, sagesse et bonté sont communs aux trois Personnes. Toutefois la puissance, qui a le caractère de principe ou origine, est spécialement attribuée au Père, principe de toute divinité ; la sagesse, au Verbe ou Sagesse engendrée procédant du Père par l’intellect ; la bonté, au Saint Esprit, qui procède du Père par la volonté ou amour, dont l’objet est la bonté. Autrement dit, ‘de lui’, c’est-à-dire du Père; ‘par lui’ du Fils et ‘en lui’, le Saint Esprit.

Il est donc logique que lui reviennent alors l’honneur, le respect et la soumission de toute créature : « Si donc je suis père, où est l’honneur qui m’est dû ? Et si je suis maître, où est le respect qui m’est dû ? » (Mal 1, 6). La gloire vient du fait qu’il ne reçoit rien de personne (ni conseil ni don) au contraire des hommes qui ne doivent pas être ingrats pour sa bonté : « si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4, 7). Enfin « dans les siècles des siècles » évoque l’éternité car la gloire de Dieu n’est pas passagère comme celle de l’homme, « Toute sa gloire est comme la fleur des champs » (Is 40, 6 cité par 1 P 1, 24). Si siècle désigne la durée des choses incorruptibles, ‘siècles des siècles’ évoque au-delà l’éternité de Dieu elle-même. Bien qu’une et simple, le pluriel renvoie à la multitude et diversité des siècles qu’elle contient. Le ‘Amen’ confirme qu’il en est vraiment ainsi.

Date de dernière mise à jour : 26/05/2024