Dimanche de la Passion (17/03 - lect. thom. ép.)

Homélie du dimanche de la Passion (17 mars 2024)

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Lecture thomiste de l’épître (He 9, 11-15)

Saint Paul après avoir expliqué le sens mystique du premier tabernacle, parle du second, qui représente le Nouveau Testament.

  1. Le second tabernacle
  1. Le Christ, souverain prêtre a pénétré le vrai Saint des Saints

Quel était celui qui y entrait dans le premier tabernacle ? Le Grand Prêtre, seul. Celui qui entre désormais, c’est le Christ, grand pontife : « en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence » (He 4, 14) et le prince des prêtres car « chef des pasteurs » (1 P 5, 4). Les biens promis dans l’Ancien Testament étaient des biens temporels : « si vous consentez à m’obéir, les bonnes choses du pays, vous les mangerez » (Is 1, 19). Mais le Christ est le pontife des biens futurs, ceux du Ciel : « réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les Cieux ! » (Mt 5, 12, cf. Ps 64, 5). Les anciens biens figuraient simplement les biens promis par le Christ : la Terre de la Promesse symbolisait la vraie patrie des Juifs en tant qu’ils étaient appelés à reposer auprès du Père (pater, patris). Tout pontife fait un pont (pons, -tis et facere), donc est médiateur. Notre pontife est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tm 2, 5), bien plus grand (cf. Lc 11, 31-32) que Moïse ne fut (Dt 5, 5). Jésus est remonté auprès de son Père, a pénétré à l’Ascension avec sa nature humaine le Ciel où il siège à ses côtés, comme dans la vision de saint Étienne : « voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 55) d’où il intercède pour nous (He 7, 25 ; Rm 8, 34).

Quelle était la condition et la dignité du lieu où il entrait ? Le Saint des Saints. Là où Jésus a pénétré est plus grand car parfait, immuable : « tes yeux verront Jérusalem : c’est une résidence sûre, la tente qu’on ne déplacera plus, dont les piquets ne seront jamais arrachés, dont aucune corde ne sera rompue » (Is 33, 20). Tabernacle signifie tente, ici demeure céleste : « Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? Qui habitera ta sainte montagne ? » (Ps 14, 1). Cette tente abrite la gloire éternelle à laquelle tous sont appelés par grâce, comme dans un havre de paix, un bon port où rester attaché en toute sécurité pour toujours : « mon peuple habitera un séjour de paix, des demeures protégées, des lieux sûrs de repos » (Is 32, 18). Ce tabernacle est plus parfait, parce que là cessera toute imperfection : « quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé » (1 Co 13, 10). De plus, il est acheiropoïète, non fait de main d’homme contrairement au premier, mais œuvre de la main de Dieu (cf. Ex 15, 17, He 11, 10) : « si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre, est détruit, nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes » (2 Co 5, 1).

Ce tabernacle s’entend aussi du corps du Christ, dans lequel il a combattu le démon. Ce tabernacle est beaucoup plus grand, « car en lui, dans son propre corps, habite toute la plénitude de la divinité » (Co 2, 9) et parfait car sans péché : « il a dressé sa tente [habité] parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). Il n’est pas créé et surtout pas de main d’homme, car conçu sans le concours d’un homme (cf. Dn 2, 45 et la pierre qui devait bouleverser le royaume d’iniquité).

  1. Le Christ offert en sacrifice unique d’expiation

Comment entrait le grand prêtre ? En portant le sang des victimes. Il n’entrait pas sans le sang des veaux et des boucs (Lv 16, 15). Le Christ, au contraire, ne sous-traite plus au sang étranger d’animaux mais sacrifie le sien (v. 12) : « car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Le pluriel ne signifie pas qu’on aurait immolé plusieurs bêtes en même temps, mais au cours des années. Le bouc figure la chair du péché (cf Rm 8, 3), le veau, sa force.

À quelle époque entrait-il ? Une fois l’année seulement auparavant, mais le Christ entre dans son tabernacle sans distinction de temps. Tout avec le Christ est unique, comme un éternel présent de son sacrifice : « le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois » (1 P 3, 18, cf. Rm 6, 10). Il demeure toujours dans le tabernacle du ciel.

Pourquoi entrait-il ? Pour l’expiation du péché. Jésus offrait pour les ignorances du peuple, et non les siennes propres car il n’en avait pas. Son sang est autrement excellent que celui des premières victimes car il nous a acquis une rédemption éternelle, donc il nous a rachetés pour toujours : « par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 14). Dieu veut notre salut : « il veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 4) et « je ne prends plaisir à la mort de personne – oracle du Seigneur Dieu : convertissez-vous, et vous vivrez » (Ez 18, 32). Et les pères aussi voulaient être rachetés.

  1. La valeur de ce sang rédempteur

Saint Paul utilise un argument a minori. Si le sang des animaux sans raison produisait ce qui est moindre, combien le sang du Christ ne produira-t-il pas ce qui est plus grand. La loi ancienne prévoyait deux sortes de purification. La première avait lieu au jour des expiations (Lv 16, 29) pour purifier le péché, on en a parlé. La seconde effaçait l’irrégularité légale (Nb 19, 2). Dieu ordonna à Moïse d’amener à Eléazar une vache rouge, dans la force de l’âge et sans tache, n’ayant pas porté le joug, afin de l’immoler devant le peuple. Trempant son doigt dans son sang, il en fit sept fois l’aspersion vers la porte du tabernacle, puis il la brûla tout entier (peau, chair, excréments) en jetant dans le feu de l’hysope, du bois de cèdre et de l’écarlate teinte deux fois. Un homme pur recueillait ensuite les cendres et les jetaient hors du camp dans un lieu très pur où il les mélangeait à l’eau. Celui qui était impur, par exemple pour avoir touché un cadavre, recevait avec l’hysope l’aspersion de cette eau le troisième et le septième jour pour être purifié de l’irrégularité légale qui, selon la chair, l’éloignait comme impur du culte divin. Ces pratiques cependant n’enlevaient pas le péché.

Si le sang et la cendre produisent ces effets, que ne pourra le sang du Christ ? Celui qui le donne est le Christ « Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21). Le Christ a versé son sang par un mouvement et une inspiration du Saint Esprit, par l’amour de Dieu et du prochain. Or, l’Esprit de Dieu purifie : « quand le Seigneur aura lavé la souillure des filles de Sion, purifié Jérusalem du sang répandu, en y faisant passer l’esprit du jugement, un esprit ardent » (Is 4, 4, Vulg.). « Comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu, comme un parfum d’agréable odeur » (Ep 5, 2). La condition du Christ est d’être immaculé, plus blanc que l’agneau mâle sans tache (Ex 12, 5). En effet, « de l’impur, que peut-il sortir de pur ? » (Sir 34, 4). Le prêtre impur pourrait-il donc purifier ? Il ne le peut pas par sa propre vertu mais il le fait s’il agit par la vertu du sang de Jésus-Christ, cause première (ex opere operato). Si le sang des animaux ne purifiait que d’une tache extérieure, contractée au contact d’un cadavre, le sang du Christ purifie, par la foi, intérieurement la conscience (Ac 15, 9) de tous ses péchés qui avaient chassé Dieu de l’âme dont la vie se maintient par l’union que produit la charité. Le sang du Christ purifie pour rendre un culte spirituel au Dieu vivant (Jn 14, 6). Il est donc très convenable que celui qui le sert soit aussi vivant pour servir Dieu dignement.

  1. Les deux testaments

« Voici venir des jours – oracle du Seigneur –, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle » (Jr 31, 31) et « voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). Dans tout testament est promis un bien et quelque chose confirme l’alliance. Dans le Nouveau Testament, les biens du ciel spirituels sont promis et cette promesse est confirmée par la mort de Jésus-Christ. Il s’agit bien d’élection, car ce don de l’accès à la vie éternelle (1 Th 2, 12) n’est pas mérité par les œuvres, pourtant nécessaires, mais par la vocation de Dieu : « ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire » (Rm 8, 30).

Cet héritage promis est la gloire éternelle : « béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. Cet héritage vous est réservé dans les cieux » (1 P 1, 3-4). Cet héritage n’est autre que Dieu lui-même, il ne lui est pas extérieur : « Le Seigneur est la part qui m’est échue en héritage, tu es celui qui me rendra mon héritage » (Ps 15, 5, Vulg.). Mais pour atteindre cet héritage, il faut que le testataire meure. Cette rédemption ne pouvait advenir sous l’Ancien Testament. Même les justes de l’ancienne alliance patientèrent aux limbes des patriarches car seule la mort du Christ ouvrit la porte de la vie. Personne en effet, n’est entré dans les cieux avant la mort du Christ : « par le sang de ton alliance, je fais sortir tes captifs de la citerne sans eau » (Za 9, 11, cf. Joseph jeté au désert dans la fosse). De même, ils n’ont obtenu rémission de la souillure du péché non par la vertu des sacrements du premier Testament, mais dans la foi du Christ. Ainsi le Nouveau Testament l’emporte-t-il en excellence sur l’Ancien, ce qui a été confirmé par la mort de Jésus-Christ qui remet les péchés et accomplit les promesses.

Date de dernière mise à jour : 17/03/2024