6e Épiphanie (19/11- lect. thom. ép.)

Homélie du 6e dimanche après l’Épiphanie transféré (19 novembre 2023)

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Lecture thomiste de l’épître (1 Th 1, 2-10)

  1. L’action de grâces
    1. Attitude eucharistique…

Saint Paul rend d’abord grâces. Une action de grâces doit être selon l’ordre, c’est-à-dire s’adresser à Dieu de qui vient tout bien : « les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières » (Jc 1, 17). Ce remerciement est chez lui continuel car les saints sont en permanence plongés dans le sein du Père et se réfère à tous. Mais l’action de grâce qui implicitement fait mémoire des bienfaits reçus (anamnèse), dans la logique biblique, s’articule avec la prière (épiclèse). L’Apôtre prie donc ensuite pour eux. Toutes les fois qu’il prie, il les a présents dans son souvenir, le représentant (en deux mots) au Père éternel : « car Dieu m’en est témoin (…) : je fais sans cesse mémoire de vous » (Rm 1, 9).

Il énonce les biens pour lesquels il rend grâce, à savoir les vertus théologales qui proviennent de Dieu et ont Dieu pour objet : « ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité » (1 Co 13, 13). Il place au premier rang « la foi [qui] est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1). « Sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu ; car, pour s’avancer vers lui, il faut croire qu’il existe et qu’il récompense ceux qui le cherchent » (He 11, 6). Mais la foi n’est pas qu’intérieure, elle s’exprime par des bonnes œuvres et le travail, sinon elle ne suffirait pas : « la foi sans les œuvres est morte » (Jc 2, 26). Ces bonnes œuvres expriment la charité fraternelle (1 Th 4, 9) et l’espérance qui fait supporter avec patience l’adversité : « ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière » (Rm 12, 12), ce qui relève aussi de la vertu de force ou courage possédée par Job, figure du Christ souffrant injustement : « nous proclamons heureux ceux qui tiennent bon. Vous avez entendu dire comment Job a tenu bon, et vous avez vu ce qu’à la fin le Seigneur a fait pour lui, car le Seigneur est tendre et miséricordieux » (Jc 5, 11). Le Seigneur Jésus-Christ est la source de notre espérance : « il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ » (1 P 1, 3) et nous mettons notre espérance en lui et non pas dans les hommes (cf. Mt 6, 1). Elle est comme « une ancre ferme et assurée » (He 6, 19), non pas arrimée au fond de la mer, mais au Ciel où nous voulons nous hisser par cette corde.

    1. … pour les bienfaits reçus

Saint Paul énumère les bienfaits reçus par les Thessaloniciens qu’il loue d’avoir ouvert leur cœur dévotement et promptement à sa prédication. Il les appelle « Frères chéris de Dieu », non seulement en tant que le sont par nature de créature rationnelle créée à son image, mais parce que Dieu les appelle spécialement aux biens éternels comme ses élus (car tous ne sont pas traités pareillement par celui qui a dit : « j’ai eu de l’amour pour Jacob mais je n’ai pas aimé Ésaü » (Ma 1, 2). Ils ne méritèrent pas cette élection mais furent gratuitement élus par Dieu. L’apôtre des gentils peut témoigner en avoir reçu une preuve certaine dans la prédication puisqu’ils reçurent la grâce d’entendre avec fruit la parole qui leur était annoncée. Il a donc prêché parmi eux avec succès, parce que sa prédication de l’Évangile ne consistait pas seulement dans des paroles recherchées, mais dans les effets (1 Co 4, 20), dans la force ou puissance de Dieu : « mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient » (1 Co 2, 4). Cela peut s’appliquer à la confirmation de sa prédication par Dieu ou à sa manière de prêcher. Premièrement, le sens serait alors que sa prédication fut confirmée par des miracles (finale de Mc 16, 20) : « le seigneur agissant avec eux, et confirmant sa parole par les miracles qui l’accompagnaient » et par le don du Saint Esprit (Ac 10, 44) : « Dieu joignait son témoignage par des signes, des prodiges, toutes sortes de miracles, et le partage des dons de l’Esprit Saint » (He 2, 4). Et Dieu n’est pas avare de ses dons du Saint-Esprit ni ne fait pas acception des personnes : autant dire que juifs et païens en reçoivent tout autant : « tous furent remplis d’Esprit Saint » (Ac 2, 4). Dans le second sens, saint Paul prêchait par la parole et par l’exemple, donc par ses vertus autant que par ses mots. Il invoque leur propre témoignage sur les dons célestes et vertus qu’il a manifestés parmi eux en se dévoilant totalement : « j’espère bien être aussi à découvert devant vos consciences » (2 Co 5, 11).

  1. L’expansion de l’amour
    1. Disciples du Christ…

Au verset 6, au point de l’imiter, il signifie qu’ils ont reçu non seulement sa prédication avec fruit mais encore sans s’en écarter malgré les tribulations. Ils l’ont imité dans les vertus, appliquant cette consigne donnée aux Philippiens par le même saint Paul : « Frères, ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons » (Ph 3, 17), lui, l’évangélisateur des nations païennes chez eux mais aussi envers les autres provinces. Lui-même n’avait d’autre modèle que le Christ. Finalement, le but n’est autre que d’être disciple du Christ au travers d’une chaîne de transmission car ce n’est pas même un saint qu’on doive imiter mais le seul Sauveur : « soyez donc mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Jésus-Christ » (1 Co 4, 16, Vulg.). L’une des vertus à acquérir est la patience à supporter la tribulations : « c’est pour vous que le Christ, lui aussi, a souffert ; il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces » (1 P 2, 21).

Si l’annonce de l’évangile ne va jamais sans persécution, y compris et surtout de l’intérieur même de l’Église, elle ne va pas sans la joie de l’Esprit-Saint d’être à sa place en accomplissant le commandement divin. Ne souffrent vraiment que ceux qui veulent suivre fidèlement le Christ, c’est même là pratiquement un signe de reconnaissance qu’ils soient sur la bonne voie : « quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus » (Ac 5, 41). Souffrir n’est jamais agréable mais savoir qu’on souffre pour une bonne raison le rend supportable, puisque c’est pour l’amour du Christ. Et sans le savoir on devient soi-même instrument, voire modèle pour les autres qu’on conduit vers le Christ.

« Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). D’autres contrées suivirent donc l’exemple des Thessaloniciens, ainsi la lumière de l’évangile se répandit-elle dans toute la Grèce continentale et les îles (Achaïe et Macédoine). Pour ceux qui ont connu leur foi, la sainteté de leur vie est venue leur donner une nouvelle force comme il s’en loua après aussi d’autres communautés : « la nouvelle de votre foi se répand dans le monde entier » (Rm 1, 8) : « votre zèle a stimulé la plupart d’entre eux » (2 Co 9, 2).

    1. … pour vivre de sa vie au Ciel

Puisqu’on juge un arbre à ses fruits, c’est bien sûr in fine la prédication de saint Paul qui fut fructueuse. « Qu’aux portes de la ville, ses œuvres disent sa louange ! » (Pr 31, 31). Ils louent donc dans les Thessaloniciens et sa prédication et leur conversion. Pourtant l’accueil ne fut qu’avec de grandes difficultés et au milieu des tribulations. Mais ils se convertirent avec facilité et perfection, c’est-à-dire de tout leur cœur (Jl 2, 12). Sans procrastiner, ils abandonnèrent leurs idoles muettes (1 Co 12, 2) pour adorer le vrai Dieu par un culte de latrie (on vénère les saints par un culte de doulie et on adore Dieu par un culte de latrie). Ce culte est pour le Dieu vivant (Dt 32, 40) : même le Christ mort est ressuscité. Non pas comme les empereurs morts qui étaient soi-disant divinisés par l’apothéose votée par le Sénat. Et ce Dieu vivant récompense ses serviteurs fidèles de la vie éternelle, puisqu’ils voient alors Dieu face à face. Ceux qui auront les reins ceints du tablier de service et seront trouvés fidèles ressusciteront pour le Paradis où leur corps sera conjoint à leur âme au retour du Christ : « celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8, 11), glorifiant ce même corps (Phil: 3. 21). Mais ceux qui n’auront pas cherché à suivre le Christ seront punis éternellement pour leur péché. Ils seront rejetés loin de Dieu par la colère de l’Agneau (Ap 6, 16).

Date de dernière mise à jour : 19/11/2023