1er Avent (30/11 - imposture orthodoxe)

Homélie du 1er dimanche de l’Avent (30 novembre 2025)

L’imposture orthodoxe

Le 30 novembre est fêté saint André, frère de saint Paul et comme saint patron du patriarche dit œcuménique de Constantinople, méditons l’imposture de leur attitude si peu fraternelle.

L’Église de Constantinople n’est pas apostolique

L’Église catholique devrait suivre la vérité historique et non agir par souci diplomatique. Un œcuménisme mal compris a acquiescé au mythe orthodoxe des Églises sœurs de Rome et Constantinople, comme si elles devaient partager la primauté. L’erreur est répétée lors des échanges à la saint Pierre (29 juin) du Phanar, siège du patriarcat, vers Rome et à la saint André (30 novembre) du Vatican vers Istambul.

« Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18). Les fouilles archéologiques sous la basilique Saint-Pierre débutées en 1939 retrouvèrent la tombe et les reliques du prince des apôtres, indéniablement institué par le Christ pierre angulaire de l’Église une, sainte catholique…et apostolique. Face à la place éminente, voire encombrante occupée par saint Pierre, les orthodoxes, envieux, surnommèrent saint André le ‘premier appelé’ (protoclétos) voire le ‘premier apôtre’ au sens chronologique. Saint Jean n’était-il pourtant pas avec lui ce jour-là (Jn 1, 35-42) ? L’Église d’Éphèse qu’il fonda prétendit-elle pour autant diriger le monde ? Et Mc 1, 16-18 ne nomme-t-il pas les deux frères pêcheurs abandonnant ensemble leurs filets pour suivre Jésus ? Qu’en est-il de cette prétention de Constantinople à s’ériger en siège de saint André pour chercher vainement à égaler le siège de Pierre ?

Tout d’abord, Constantinople n’ayant été inaugurée que le 11 mai 330, si saint André passa par là, tout au plus connut-il la cité de Byzance, colonie mégarienne fondée en 658 av. J.C. Rien ne prouve qu’il y fonda une église. D’ailleurs ses reliques ne furent apportées qu’en 357 ap. J.C. de Patras à Constantinople. Pour qu’une église soit apostolique, encore aurait-il fallu qu’un siège épiscopal y fût ensuite occupé de manière continue. La liste d’une vingtaine d’évêques succédant à Stachys (Rm 16, 9) prétendument institué par saint André est tirée de l’apocryphe catalogue patriarcal d’un pseudo-Dorothée de Tyr, fable tardive (476-525). Des évêques délégués par la métropole Héraclée en Thrace pour s’occuper de Byzance remontent à 215 avec Philadelphe mais le premier vrai évêque local sans discontinuité fut saint Métrophane (v. 306 – 4 juin 314) alors que Rome avait déjà vu mourir son vingt-neuvième pape.

Une prééminence toute mondaine

En réalité, comme aujourd’hui dans l’Église catholique, un chef de micro-État souhaite voir conféré le titre d’archevêque au titulaire du siège de sa capitale (Monaco, Luxembourg et Vaduz, au Liechtenstein), alors qu’il ne dirige pas en métropolitain de province ecclésiastique, les empereurs byzantins voulurent pour la nouvelle capitale un titre prestigieux. Les conciles qu’ils convoquèrent lui inventèrent alors celui de patriarche, étendu à cinq sièges d’une Pentarchie : Rome, Alexandrie, Antioche (en 325), Constantinople (381) et Jérusalem (451). Suivant le 3e canon du concile de Constantinople (381) : « L’évêque de Constantinople doit avoir la primauté d’honneur après l’évêque de Rome, car cette ville est la nouvelle Rome ».

Comme si l’honneur du pouvoir religieux devait s’aligner sur l’importance politique civile. On n’aurait pas omis la prétendue fondation par saint André si elle avait été connue à l’époque ! Alors que Constantinople avait raflé la juridiction sur 6 provinces européennes, le 28e canon de Chalcédoine (451) renchérit avec 22 provinces orientales : « Les Pères ont accordé́ avec raison au siège de l’ancienne Rome les privilèges dont elle jouit parce que cette ville était la ville régnante. Par le même motif, les 150 évêques ont jugé que la nouvelle Rome, honorée de l’empire et du sénat et jouissant des mêmes privilèges que l’ancienne ville impériale, doit avoir les mêmes avantages dans l’ordre ecclésiastique et être la seconde après elle ». Hormis ce complexe d’infériorité de Constantinople, aucune motivation théologique n’apparaissait. Face à une primauté de Pierre relevant du droit divin ne s’élevaient que des considérations humaines que jamais ne partagèrent d’autres villes impériales comme Milan, Ravenne ou Trêves.

Le 22 mai 452, le pape saint Léon le Grand écrivant à l’empereur Marcien (450-457) sur l’archevêque Anatole de Constantinople renchérit : « Nous souhaitons que la ville de Constantinople ait sa [propre] gloire et que, Dieu la protégeant par sa droite, elle jouisse longtemps du pouvoir impérial de Votre Clémence. Toutefois, les réalités de ce monde sont une choses et les réalités de Dieu en sont une autre. Et aucune construction ne saurait être stable en-dehors de la pierre que le Christ a instituée. Celui qui convoite ce qui est à autrui perd ce qui est sien. Qu’il lui suffise [à Anatole] d’avoir obtenu l’épiscopat d’une si grande ville, par l’aide de Votre Piété et l’assentiment de ma faveur. Une ville royale qui ne peut se faire siège apostolique n’est pas pour autant méprisée. Et qu’en aucune façon elle n’espère étendre ce pouvoir par ce qui offenserait les autres ».

Jusqu’au bout de la logique : la division continue

De saint Pierre à 1903, le P. Simon Vailhé repéra 259 pontificats pour autant de papes (dont Célestin V démissionnant en 1294) mais 311 patriarcats pour 237 titulaires. Un patriarche sur deux ne mourut pas sur son trône et même presque qu’un sur quatre sous les Ottomans. Mais parmi les démissionnaires ou déposés, 50 furent réinstallés, avec un record de sept fois pour Cyrille Ier au début XVIIe s. L’ambition des clercs grecs et la cupidité ottomane expliquent ces revirements incessants qui vendaient à l’encan le siège patriarcal. De la mort de Constantin à la fin de l’iconoclasme (337-843), donc bien avant l’officiel grand schisme de 1054, le patriarcat de Constantinople vécut 248 ans sur 506, soit la moitié, dans le schisme avec Rome et/ou l’hérésie car l’empereur (basileus) était souvent hétérodoxe. 19 patriarches hérétiques notoires furent condamnés par les conciles pourtant tous orientaux, sans compter 8 autres qui n’obtinrent pas la communion du pape pour n’avoir pas condamné leurs prédécesseurs.

Prolongeant cette logique toute mondaine, le même argument se retourne contre Constantinople qui, pressée de supplanter Rome, fut à son tour déclassée par Moscou, ‘la troisième Rome’. Aujourd’hui, le siège du pouvoir du monde orthodoxe est bien entre les mains du chef de l’État russe. Le patriarcat dit œcuménique ne gouverne plus qu’environ 3.000 chrétiens grecs orthodoxes de Turquie, plus ceux des territoires grecs ottomans jusqu’en 1913 (Crète, îles d’Égée) ou italiens jusqu’en 1946 (Rhodes et le Dodécanèse), soit 3,2 M° de fidèles, plus la diaspora (0,5 M°).

Cette collusion avec le pouvoir politique, péché originel de l’orthodoxie, la mine. Bien que fondée par le patriarche Philarète ou Fiodor Romanov en 1613, la dynastie russe sous Pierre Ier supprima en 1700 le patriarcat de Moscou, remplacé par le saint-synode (1721). Ce fut Lénine qui le rétablit en 1917 ! V. Poutine voulut réintégrer au forceps en 2007 l’Église russe blanche en exil, qui avait choisi le patriarcat de Constantinople quand celui de Moscou relevait des communistes. Mais le patriarcat dit œcuménique de Constantinople inventa encore l’autocéphalie ou indépendance religieuse maximale dans le choix de son chef, proto-hiérarque. Au point que le patriarcat de Moscou fut très irrité lorsque son collègue constantinopolitain accorda l’autocéphalie à l’Église d’Ukraine en octobre 2018, d’où la rupture de communion.

Rendons grâce d’avoir l’unité catholique, aussi fragile soit-elle plutôt que la constante désunion des orthodoxes qui se manifesta encore au dernier grand concile panorthodoxe de Crète en 2016. Sur 14 églises autocéphales, 10 seulement furent représentées (les églises d’Antioche, Russie, Géorgie et Bulgarie refusèrent d’y participer) si bien que sur les 850 évêques orthodoxes seulement 167 évêques étaient présents (19,6%). On est loin des 87,3% de présents, pourtant beaucoup plus éloignés soit 2 540 pères conciliaires présents à la session d’ouverture du second concile du Vatican (sur 2 908 convoqués, outre tous les évêques, de nombreux supérieurs d'ordres religieux masculins).

Date de dernière mise à jour : 07/12/2025