19e Pentecôte (08/10 - lect. thom. ép.)

Homélie du 19e dimanche après la Pentecôte (8 octobre 2023)

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`Lecture thomiste de l’épître (Ép 4, 23-28)

  1. Le renouvellement spirituel

L’esprit (v. 23) pourrait s’entendre de trois manières : soit l’Esprit Saint : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3, 16), soit la faculté raisonnable de l’âme : « Car les tendances de la chair s’opposent à l’esprit » (Ga 5, 17) ou au contraire l’esprit fantasque : « Le prophète devient fou, l’homme inspiré délire » (Os 9, 7). Pour nous renouveler, l’Esprit Saint qui habite dans nos âmes intervient pour y développer l’adoption filiale : « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Ga 4, 6). Comme la Sagesse avait créé, l’Esprit Saint nous recrée : « Tu envoies ton esprit [souffle] : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre » (Ps 103, 30). Certes la troisième personne divine intervient chez la créature dans l’intelligence et la volonté. C’est cette première faculté supérieure ou raison qui nous distingue des animaux (différence spécifique) avec lesquels nous partageons le genre et la volonté, à la manière de la circoncision spirituelle « qui réalise l’entier dépouillement de votre corps de chair » (Col 2, 11). Bien des gens se comportent comme des animaux sans raison (bruta animalia) qui poursuivent les désirs de la chair, soit d’ici-bas.

Si nous avons besoin d’un renouveau intérieur, c’est que nous avons été corrompus par le péché originel hérité d’Adam. Ce renouvellement s’opère, pour notre âme, dans le temps présent et, pour notre corps, dans le temps à venir, quand ce corps corruptible sera revêtu de l’incorruptibilité, et ce corps mortel de l’immortalité (1 Co 15, 53), à la Résurrection finale. Si nous ne renouvelons pas notre âme par une vie droite suivant la raison, jamais notre corps ne sera renouvelé. De même qu’Adam par qui le péché est entré dans tous les hommes fut en toutes choses le premier principe de vétusté, de même le premier principe du renouvellement et de nouveauté est Jésus-Christ, car « de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie » (1 Co 15, 22), faisant de nous une « nouvelle créature » (Ga 6, 15).

Ce renouvellement fait que l’homme nouveau est « créé selon Dieu » (v. 24). L’esprit ou intelligence dans notre âme, a été créé par Dieu dans la justice originelle mais est recréé d’une création nouvelle dans la justice : « il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ép 2, 10). Et l’homme nouveau est Jésus-Christ, dont la nature humaine a été formée dans le sein de la Vierge sans le concours d’une semence humaine, mais par le Saint-Esprit, dans la justice, par rapport aux hommes, et la sainteté, par rapport à Dieu. Le but est que la sainteté soit dans le coeur, la vérité sur les lèvres, et la justice dans les œuvres.

  1. Condamnation des péchés intérieurs
  1. Ne pas mentir

Après la recommandation générale de se revêtir de l’homme nouveau, l’apôtre donne des préceptes spéciaux, interdisant d’abord les péchés intérieurs qui corrompent l’âme, ensuite extérieurs qui souillent la chair (Ép 5, 3), lesquels consistent soit dans un désordre personnel, soit touchant aux autres (v. 29 hors de notre extrait). Il condamne d’abord le péché pervertissant le jugement de la raison.

Saint Paul détourne d’un vice du vieil homme. Pour se revêtir de l’homme nouveau, il défend de mentir parce que ce péché de parole corrompt à l’égard de la raison la vérité car « tu extermines les menteurs » (Ps 5, 7). Le rapport juste à autrui implique que « chacun dira la vérité à son prochain » (Za 8, 16) car « nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part » (Rm 12, 5).

  1. Le péché portant au désordre l’appétit irascible : la colère

Saint Paul parle de la colère (v. 26). Elle est mauvaise quand elle tend d’une manière désordonnée à la vengeance contre la justice. Mais elle est bonne, quand elle tend à une vengeance légitime, comme il faut, quand il faut. Vengeance doit être compris dans le sens latin de ‘vindicta’ qui est plutôt de rendre la justice qui est protégée et même affranchit. S’il arrive qu’un mouvement de colère s’élève, ce qui est humain, ne vous laissez pas aller en y consentant jusqu’à l’effet car « tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement » (Mt 5, 22 ; ). Ne persistez pas dans la colère conçue, mais déposez-la avant que le soleil ne se couche, car bien que le premier mouvement soit excusable, à raison de notre fragilité, s’y arrêter n’est pas permis.

Une bonne colère au contraire commande impérativement de s’élever contre nos propres péchés. Car l’homme peut se venger ou se rendre justice en tant que pécheur par la pénitence. Il ne faut alors jamais y surseoir mais le jour même, tâcher de se corriger et demander pardon. Il faut ainsi se garder de pécher à l’avenir en commettant de semblables fautes, contre lesquelles il vous faudrait de nouveau vous irriter. Mais de même qu’on se met en colère contre soi-même pour ses propres fautes, ainsi peut-on s’y mettre contre le prochain pour ses péchés, avec zèle à la manière d’Élie car c’est pour la cause de Dieu  : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance » (1 R 19, 10).

Nous donnons lieu au diable par le péché (v. 26) ou par notre consentement (Jn 13, 2). Or les passions poussent ici l’homme à donner son consentement, surtout comme la colère qui pervertit le jugement de la raison quand notre sang s’enflamme et prévient le jugement de la raison par la rapidité de son mouvement. Ainsi troublés, le diable obtient pouvoir sur nous (cf. Ap 12, 12). Or, il faut l’expulser de nos cœurs (Qo 11, 10, Vulg.) « car la colère de l’homme ne réalise pas ce qui est juste selon Dieu » (Jc 1, 20).

  1. Le péché concupiscible : le vol

Cette vieillesse de l’homme qu’est le péché doit être rejetée dans ses facultés intellective et irascible mais aussi dans l’appétit concupiscible qui provient des désirs dépravés, immodérés pour des biens temporels. Dérober des biens matériels est bien sûr contraire au septième commandement : « Tu ne commettras pas de vol » (Ex 20, 15).

Et pour qu’on ne puisse même se justifier en raison de sa pauvreté, saint Paul enjoint à travailler de ses mains comme lui-même le pratiquait : « je n’ai convoité ni l’argent ni l’or ni le vêtement de personne. Vous le savez bien vous-mêmes : les mains que voici ont pourvu à mes besoins et à ceux de mes compagnons » (Ac 20, 33) et « le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter (…). Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 8-9).

Le travail est certes une nécessité pour répondre à nos besoins primaires depuis la chute d’Adam qui gagne son pain à la sueur de son front (Gn 3, 19). De même que celui qui ne mange pas quand il a un impérieux besoin de nourriture, est répréhensible, ainsi en est-il s’il ne travaille pas. Mais le travail prévient aussi l’oisiveté, mère de tous les vices (cf. Sir 33, 29). Certains toupinent et devraient plutôt se mettre au travail : « Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme [en silence] pour manger le pain qu’ils auront gagné » (2 Th 3, 11). Enfin, le travail sert quelquefois à dompter et macérer la chair et il sauvegarde la continence (2 Co 6, 5 ; 11, 27). Et bien sûr, il permet d’être généreux pour les bonnes œuvres : « Ne nous lassons pas de faire le bien » (Ga 6, 9). Qui agit bien devient bon à son tour.

 

Date de dernière mise à jour : 08/10/2023