21e Pentecôte (22/10 - lect. thom. ép.)

Homélie du 21e dimanche après la Pentecôte

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Lecture thomiste de l’épître (Ép 6, 10-17)

Saint Paul avait précédemment donné des préceptes pour détruire la corruption du péché et se renouveler par la grâce. La confiance dans le secours divin constitue ici la force dont on a besoin pour s’en acquitter.

  1. Se prémunir contre le démon

Intérieurement, tout d’abord, « béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance » (Jr 17, 7). On se confie en quelqu’un soit parce qu’il lui appartient de nous défendre comme un seigneur doit protéger son vassal, ou qu’il a pouvoir et volonté de le faire. Dieu est dans ces deux dispositions envers ses créatures. « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il prend soin de vous » (1 P 5, 7) et il est puissant et disposé à nous secourir. Nous n’avons pas à mettre notre confiance en nos forces qui seront insuffisantes mais dans le Seigneur qui prend soin de vous : « le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable » (Jr 20, 11) d’où l’admiration de la Vierge : « le Puissant fit pour moi des merveilles » (Lc 1, 49). La vertu est le signe supérieur de la puissance : « Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4, 13). Cependant, cela n’implique pas que nous ne dussions pas faire notre part. Qui irait au combat sans armes ? Il se mettrait en danger ! Saint Paul enseigne comment revêtir les armes de lumière (Rm 13, 12). Les vertus constituent déjà une armure contre le vice comme se revêtir « de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience » (Col 3, 12).

Si le diable ne peut attaquer Dieu directement, il le fait indirectement à travers nous, par ses ruses et les tromperies : « veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer » (1 P 5, 8). L’apôtre décrit les embûches dressées car l’ennemi est puissant, méchant et rusé, il faut s’en garder. Il n’est pas faible (v. 12). Souvent les vices de la chair nous enchaînent (Ga 5, 17). Or « la chair et le sang sont incapables de recevoir en héritage le royaume de Dieu, et ce qui est périssable ne reçoit pas en héritage ce qui est impérissable » (1 Co 15, 50). Mais saint Paul insiste bien que ces attaques viennent d’ailleurs, d’au-delà, car nous luttons surtout contre des ennemis qui ne sont pas de notre nature humaine mais démoniaque. Ces anges déchus sont donc plus puissants que nous car purs esprits. Le démon est « prince de ce monde » (Jn 14, 30) non parce qu’il l’aurait créé mais parce  que les mondains l’imitent, et qu’il tient la primauté de ceux qui font le mal.

Les démons, en incitant les hommes à se révolter contre Dieu, sont princes et en pouvant punir ceux qui leur sont soumis, ils s’appellent puissances (cf. Lc 22, 53). Saint Paul n’évoque que deux des neuf ordres angéliques. Les chérubins, séraphins et trônes supposent un rapport particulier avec Dieu et comme les démons lui sont opposés, ils n’appartiennent pas à ces ordres-là, supérieurs. Vertus et dominations impliquent le rapport au service de Dieu. Anges et archanges supposent ministère de Dieu envers les hommes qui leur répugne (à moins d’y adjoindre le déterminatif de Satan). Il ne reste donc que principautés et puissances, communs aux bons et aux mauvais anges. Les démons sont puissants et forts et forment une innombrable armée. Tout ce qui est ténèbres leur est tout entier soumis. Les méchants sont les chevaux, les démons sont les cavaliers : frappons les cavaliers, les chevaux seront à nous. Les démons sont aussi pleins de ruse, car esprits de malice. Plus un esprit est élevé par sa nature, plus il est méchant et plein de malignité quand il se tourne au mal. Voilà pourquoi l’homme méchant est le pire des animaux suivant Aristote.

  1. Revêtir l’armure

Face à des ennemis très méchants et redoutables, nous combattons pour de grands intérêts puisqu’il s’agit du ciel. Nos armes seront donc spirituelles : « les armes de notre combat ne sont pas purement humaines, elles reçoivent de Dieu la puissance qui démolit les forteresses » (2 Co 10, 4). La première des armes est la foi : « Résistez-lui avec la force de la foi » (1 P 5, 9) pour qu’il fuit loin de nous (Jc 4, 7). Car plus on cède au démon, plus il nous presse, au sens étymologique d’obséder, montant un siège contre nous au jour mauvais (Ép 5, 16) : « attendez avec une espérance parfaite, la grâce qui vous sera donnée » (1 P 1, 13, Vulg.). Encore faut-il avoir une foi ferme et solide mais non pas creuse comme trop souvent aujourd’hui où la doctrine n’a pas été nourrie. Cette perfection dans la foi s’entend de plusieurs manières. La première perfection, suffisante (cf. Jc 1, 4), est atteinte quand est réuni ce qui est nécessaire au salut, de telle sorte que rien dans notre coeur ne soit opposé à Dieu puisqu’il faut aimer le Seigneur de tout notre cœur. La seconde perfection, complètement surabondante, n’est atteinte que dans la patrie céleste où la gloire est consommée (Ph 3, 12). Elle consiste en ce que l’homme parfait adhère à Dieu de toutes ses puissances (intellectuelle et volitive), assumant le même ministère que les anges (Mt 22, 30). La troisième perfection est intermédiaire, celle de conseil, par laquelle on s'efforce de s’abstenir de telle chose, et de parvenir à telle autre.

Comme les armes corporelles se subdivisent en trois sortes, vêtement pour se couvrir, armes pour se protéger, d’autres pour attaquer, saint Paul évoque plusieurs catégories.

  1. Des vêtements pour nous protéger

La ceinture, si elle vient après le vêtement corporel, précède dans le spirituel car il faut d’abord combattre les convoitises de la chair, de même qu’à la guerre il faut vaincre d’abord l’ennemi le plus voisin. Ceindre ses reins signifie métonymiquement réprimer la luxure par la tempérance qui lutte aussi contre la gourmandise. Cela symbolise la force virile (Lc 12, 35-37, Jb 38, 3). Le prêtre en revêtant le cordon (cingulum) récite cette même prière : « Ceignez-moi, Seigneur, de la ceinture de pureté, et éteignez dans mes reins l'ardeur des passions ; afin que la vertu de continence et de chasteté demeure en moi ». Mais s. Paul parle plus de la vérité, l’intention droite, sans aucune dissimulation.

Pour vaincre la cupidité des biens terrestres, l’apôtre évoque une double armure. Par la justice, l’homme s’abstient de ce qui est à autrui. Elle protège toutes les vertus comme une cuirasse couvre les membres du corps : « Il revêtira la justice comme cuirasse et mettra comme casque le jugement sans appel » (Sg 5, 19). Saint Paul ordonne de se défaire d’un soin superflu pour les affaires temporelles. Quand nous nous en occupons avec excès, nos pieds ne sont pas préparés à vaquer aux choses de Dieu et annoncer son évangile de la paix (Mt 10, 13). Jésus envoya ses apôtres en les sandales (Mc 6, 9). La semelle et son talon marquent l’élévation de l’âme au-dessus des choses de la terre, et leur ouverture supérieure indiquent l’empressement pour la divine sagesse.

  1. Des armes pour nous protéger

Des armes protègent singulièrement les principes de vie que sont la poitrine avec le coeur et la tête avec le cerveau. Le bouclier mis en avant pour le corps est spirituellement la foi qui précède toutes les autres vertus théologales et bien sûr cardinales (ceinture de tempérance, cuirasse de justice). De même qu’un bouclier repousse les traits de l’ennemi, la foi affronte toutes les attaques et l’emporte : « par leur foi, ils ont conquis des royaumes » (Hé 11, 33) comme les vertus morales nous font triompher des puissances de la terre. Les traits diaboliques sont de feu car ils enflamment les mauvaises convoitises. Mais ils sont émoussés par la foi, qui éteint les tentations présentes et passagères, par les biens spirituels et éternels promis dans la sainte Écriture. Aussi Jésus répondait-il au démon qui le tentait en les citant. Par ex. contre la gourmandise, répliquons : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 3 cité par Mt 4, 4, cf. Rm 14, 17). Si la foi protège le cœur, l’espérance est appelée casque car elle protège la tête (cf. ‘galeam salutis’ pour revêtir l’amict). La tête des vertus morales est notre fin, le ciel, que nous voulons rejoindre par la vertu d’espérance.

  1. Des armes pour attaquer

Certaines armes servent à attaquer l’ennemi, car il ne suffit pas de se défendre contre lui mais le battre ou au moins de le repousser. Si le corps utilise un glaive, spirituellement la parole de Dieu est le glaive de l’Esprit Saint. « La parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants » (He 4, 12). Si la prédication n’était qu’affaire humaine, elle ne saurait pénétrer aussi avant jusqu’à l’esprit : « quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants » (1 Th 2, 13). Car le prédicateur doit être conduit par l’Esprit Saint : « car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10, 20).

Date de dernière mise à jour : 22/10/2023