18e Pentecôte (12/10 - lect. thom. év.)

Homélie du 18e dimanche après la Pentecôte (12 octobre 2025)

La guérison du paralytique (Mt 9, 1-8) - lecture thomiste

Saint Matthieu avait présenté des miracles contre les dangers corporels (exorcisme des deux possédés Géraséniens au prix du troupeau de porcs précipité de la falaise (Mt 8, 28-34) et il était revenu à Capharnaüm après avoir calmé la tempête (Mt 8, 23-27) car sa puissance dérange. Mais cela continuera avec la lutte contre les dangers spirituels.

  1. La foi du paralytique – le spirituel et le matériel
    1. La paralysie du péché

La paralysie symbolise l’engluement dans le péché qui nous empêche de bien agir. « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas (…). Moi qui voudrais faire le bien, je constate donc, en moi, cette loi : ce qui est à ma portée, c’est le mal. Au plus profond de moi-même, je prends plaisir à la loi de Dieu. Mais, dans les membres de mon corps, je découvre une autre loi » (Rm 7, 19. 21-24).

Le paralytique est mû par une foi puissante mais est aussi aidé par de fidèles amis dont la foi déplace les montagnes. Le parallèle (Mc 2, 4 ; Lc 5, 19) précise que, trouvant la porte bloquée par la foule, ils firent passer le grabat par le toit. Jésus admire donc leur foi. Le Seigneur guérit parfois en raison de la foi du malade, parfois en raison de ses prières et de celles des autres : « tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l’avez obtenu, et cela vous sera accordé » (Mc 11, 24). Les porteurs du grabat sont comparables à ceux qui intercèdent pour les pauvres âmes du Purgatoire qui ne peuvent plus rien faire pour se rapprocher de Dieu et ont besoin de nos suffrages, sacrifices et surtout messes pour être définitivement purifiées.

    1. La foi est indispensable pour être sauvé

Cette foi est requise pour être sauvé : « il a purifié leurs cœurs par la foi » (Ac 15, 9). Jésus invite à la confiance. Ici, point de paroles des requérants. Un geste concret manifeste suffisamment leur foi. On pourrait s’interroger : venaient-ils pour la guérison physique ou spirituelle ? Furent-ils déçus d’entendre : « tes péchés sont pardonnés » (Mt 9, 2) s’ils attendaient qu’il remarchât ? Dieu sait mieux que nous ce dont nous avons besoin et Jésus fait la volonté du Père. « Dieu tout-puissant et éternel, qui dépassez par l’abondance de votre bonté les mérites et les vœux de ceux qui vous prient, répandez sur nous votre miséricorde : pardonnez les fautes qui agitent la conscience, accordez même ce que n’ose formuler la prière » (collecte du 11e dimanche après la Pentecôte). Le Seigneur comme un bon médecin guérit la cause de la maladie, le péché. « Leurs maladies se sont multipliées en raison de leurs iniquités » (Ps 15, 4 Vulg). Certes, depuis Job, nous savons qu’un juste innocent peut souffrir en suivant le Christ, évitons de relier trop systématiquement un mal physique à un mal moral.

  1. Guérison physique – salut moral
    1. La double nature du Christ

Vient ensuite la controverse (v. 4). La double nature du Christ, vrai Dieu et vrai homme, fait qu’on peut se méprendre, d’où l’accusation de blasphème. Les scribes voyaient un homme et ne voyaient pas Dieu, or il appartient à Dieu seul de remettre les péchés. Puisqu’ils gardaient ces mauvaises pensées dans leurs cœurs, en sachant les lire par cardiognosie, Jésus se révèle être Dieu ! Lui seul « scrute les cœurs et les reins » (Ps 7, 10) car il est notre créateur.

Le Seigneur réfute les scribes en guérissant physiquement le paralytique. Pour des matérialistes, la guérison physique serait plus difficile que la rémission des péchés, à tort. Le mal moral du péché (mal de faute) est plus difficile à guérir que le mal physique (mal de peine). Ses détracteurs estiment qu’il est plus facile de dire que de faire : « il est vrai que, pour ce qui est du geste posé, une plus grande force [est requise] pour guérir l’âme que le corps ; mais, pour ce qui est de la puissance, la même puissance [est à l’œuvre] dans les deux cas ».

    1. Dieu entend partager sa substance : la divinisation proposée

Jésus, durant sa vie terrestre, puis par l’intermédiaire des saints, opère des miracles de guérison ou d’autres plus étonnants (bilocation, lévitation, stigmatisation, inédie). Mais le plus grand miracle demeure la consécration eucharistique par la transsubstantiation. Nous y sommes tellement habitués que nous oublions qu’elle ne s’opère que parce que le prêtre a été changé ontologiquement à son ordination (la puissance obédientielle d’accomplir ce miracle), malgré ses péchés et ses habitudes mauvaises qui peuvent demeurer. Le prêtre transforme la substance, invisible, du pain en substance du Corps du Christ malgré l’apparente inertie des accidents visibles (goût, forme, couleur) demeurant inchangés pour ne pas nous dégoûter par une chair sanglante que nous aurions du mal à avaler autrement. À Lourdes ou Međugorje, la plupart des miracles sont des guérisons intérieures, des conversions invisibles, suivant la logique sacramentelle. Les prières ne sont pas là pour expliquer ou raconter mais performer. Ainsi l’eau du baptême symbolise la mort du déluge sous Noé ou de la Mer Rouge sous Moïse qui tuent ceux qui ne sont pas avec le bois salvifique (l’arche ou le bâton).

« Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir, sur la terre, de pardonner les péchés… – Jésus s’adressa alors au paralysé – lève-toi, prends ta civière, et rentre dans ta maison » (v. 6) permet de rejeter une double erreur. Nestorius prétendait que le Fils de l’homme et le Fils de Dieu seraient deux personnes. Il rejetait l’expression ‘Mère de Dieu’ car Marie n’aurait été que la mère de Jésus et pas du Fils. Mais « le Fils de l’Homme » signifie que seul Dieu remet les péchés mais, dans l’unité de la personne du Fils qui a assumé une nature humaine. Photin pensait que le Christ aurait pris origine de la Vierge Marie et acquis la divinité par son propre mérite (à partir de « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre », Mt 28, 18). Mais il agit en tant que Dieu, le Fils du Père.

    1. Un pouvoir partagé

Le pouvoir de guérir ne lui était toutefois pas exclusif puisque saint Pierre guérit aussi un paralysé de naissance devant la Belle-Porte du Temple (Ac 3, 1-8). Mais les apôtres n’avaient ce pouvoir que par voie d’administration et non d’autorité. Dieu agit par sa parole : « Il parla, et ce qu'il dit exista ; il commanda, et ce qu'il dit survint » (Ps 32, 9). Physiquement, parce que le malade gisait sur son grabat, Jésus lui dit : « lève-toi » ; parce qu’il était porté par d’autres, il lui ordonna de porter lui-même son grabat ; parce qu’il ne pouvait se déplacer, il dit : « marche ». Mais pour la dimension morale de rémission du péché, il dit au pécheur gisant dans le péché : lève-toi par la contrition ; porte ton grabat par la satisfaction (« Je porterai la colère du Seigneur, car j’ai péché contre lui », Mi 7, 9) ; et rentre dans ta maison pour désigner le Paradis (« Entrant dans ma maison, je m’y reposerai », Sg 8, 16).

Conclusion : quel pouvoir est si grand ?

Le pouvoir si grand craint par la foule est-il celui de guérir ou de devenir fils adoptif de Dieu dans le Fils par nature ? « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu » (Jn 1, 12-13). Devenir enfants de Dieu (ἐξουσίαν τέκνα Θεοῦ γενέσθαι à rapprocher de ἐξουσίαν ἔχει ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου) passe par la double nature du Fils qui est la porte ouverte, pour nous les hommes, de la divinité. Ce pouvoir ou autorité (ἐξουσία), émane (ex) de sa substance même (housia). En Dieu le dire et le faire sont unis. Ils ne laissent pas de place à la moindre incohérence de vie comme chez l’homme pécheur qui dit mais ne fait pas. « Tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas » (Mt 23, 3). La crainte servile de la foule ou haineuse des scribes remise en place doit se muer en crainte filiale, en piété reconnaissante pour l’amour que Dieu le Père nous porte dans le Fils.

Date de dernière mise à jour : 13/10/2025