19e Pentecôte (19/10 - lect. thom. év.)

La parabole des invités au banquet (Mt 22, 1-14)

Les persécuteurs du Christ furent entraînés à le tuer pour trois raisons : à cause de sa gloire, de sa sagesse, par laquelle il les réfutait, de sa justice, par laquelle il les rabrouait. Ce dimanche est illustré le second motif. Jésus annonce à ses ennemis leur damnation. Notre passage trouve une certaine équivalence en Lc 14, 16 avec le fameux ‘Compelle intrare’ (Lc 14, 23) si débattu sur la contrainte en matière religieuse.

  1. L’enseignement du festin des noces
    1. Le roi – Dieu le Père

Le roi est associé à Dieu le Père. Si nous ne sommes pas encore aptes à son règne pour le voir tel qu’il est, face à face ; Dieu n’en règne pas moins mais à la manière humaine. Même si nous ne comprenons pas tout de la Providence, Dieu veille : « Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. Le Seigneur seul l’a conduit » (Dt 32, 11). Seulement à la fin des temps, il règnera à sa manière : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu » (1 Co 13, 12).

    1. Le Fils – Époux et ses noces

Le Fils est Jésus-Christ, vrai Dieu. Quatre interprétations des noces sont possibles.

- l’union hypostatique. La personne divine du Fils assume pour toujours une nature humaine qu’il épouse dans le lit nuptial du sein de la Vierge Marie. C’est l’union du Verbe Incarné et de l’Église : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.  Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église » (Eph 5, 31-32). Mystère (en grec) se dit sacrement (en latin).

- l’union du Verbe avec notre âme qui participe alors de la gloire de Dieu par la foi par laquelle se réalisent nos noces : « Je t’épouserai dans la foi » (Os 2, 20, Vulg).

- les noces seront à la résurrection générale, à laquelle conduit le Christ chemin (Jn 14, 6).

- les noces seront consommées lorsque le mortel en nous sera absorbé par la vie (2 Co 5, 4).

  1. La réprobation des Juifs
  1. L’élection des Juifs (v. 3-4)

Les serviteurs sont envoyés convier les invités aux noces. Il y eut deux appels, par les patriarches d’abord : Abraham (Ga 3, 16) et Moïse (Nb 12, 7) puis par les prophètes (Am 3, 7). Mais les Juifs ont nuque raide depuis le veau d’or (Dt 31, 27) jusqu’à saint Étienne : « vous qui avez la nuque raide, vous dont le cœur et les oreilles sont fermés à l’Alliance, depuis toujours vous résistez à l’Esprit Saint ; vous êtes bien comme vos pères ! » (Ac 7, 51).

Une autre invitation est adressée, montrant tant l’accroissement de générosité de l’hôte que de la méchanceté chez celui qui se récuse. Elle renvoie plus explicitement à la réfection spirituelle : « la Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité » (Pr 9, 2). Les taureaux, plus combattifs seraient les pères de l’Ancien Testament avec le talion ou les prêtres sacrificateurs. Les bêtes grasses sont les âmes bien formées par les pères du Nouveau Testament, les apôtres qui quittèrent tout pour le Christ et sont nourris du Verbe même de Dieu, pain vivant descendu du Ciel (Jn 6, 51) : « mon âme est comme remplie de graisse et de moelle » (Ps 62, 6, Vulg). Par l’égorgement, Dieu a préparé des exemples imitant le Christ par leur martyr et vertus, comme Job ou saint Étienne : « prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur » (Jc 5, 10).

  1. Le refus des Juifs (v. 5-7)

Le refus est motivé soit par négligence, soit par méchanceté. Les négligents sont accaparés par les affaires de ce monde, plus explicites en Lc : « ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. Le premier lui dit : ‘J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi’. Un autre dit :’J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi’. Un troisième dit : ‘Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir’ ». Aucune réalité temporelle n’empêche de venir à Dieu. Il faut préférer la vigne du Seigneur à la sienne (cf. Ps 79 ; Mt 20, 1-16). Le péché inverse la hiérarchie des valeurs : aversion du Créateur pour une conversion vers ses créatures inférieures (aversio a Deo et conversio ad creaturas). L’homme recherche alors plus une gloire humaine (Jn 12, 43 : « ils aimaient la gloire qui vient des hommes plus que la gloire qui vient de Dieu »). L’avarice les fait s’affairer mêmes les jours réservés à Dieu : « Du plus petit jusqu’au plus grand, ils sont tous assoiffés de profits » (Jr 6, 13). Les méchants vont jusqu’à persécuter les serviteurs. Tous les apôtres moururent martyrs, partageant la mort de leur maître en bons disciples, ils partagent. « Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés » (Mt 23, 37).

Vient ensuite leur punition. Si le roi était qualifié d’homme au début, il ne l’est plus ici. La colère pour Dieu n’est pas une émotion comme chez nous mais une punition (cf. Dies iræ). Certains hérétiques objectent que le Dieu de l’Ancien Testament ne serait pas bon puisqu’il ordonnerait de punir. Dès ici-bas, Titus et Vespasien détruisirent le Temple comme prophétisé par Jésus, mais vient ensuite la punition eschatologique de l’enfer.

  1. La vocation des païens
  1. Les Juifs se sont rendus indignes de l’élection

Le roi modifia l’invitation : « Les invités n’en étaient pas dignes » (v. 8). Par « le repas de noce est prêt », est évoquée l’Incarnation du Fils de Dieu (« Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? » Is 5, 4). Comme dans la parabole des vignerons homicides (Mt 21, 33-45) au chapitre précédent, après les serviteurs suivit le Fils mais tous furent mis à mort. « Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. Et tout homme qui tombera sur cette pierre s’y brisera ; celui sur qui elle tombera, elle le réduira en poussière !’. En entendant les paraboles de Jésus, les grands prêtres et les pharisiens avaient bien compris qu’il parlait d’eux ».

Paul et Barnabé tirèrent les conséquences du rejet de leur prédication par les Juifs : « Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes » (Ac 13, 46). Ils appliquent le précepte du Seigneur : « Si l’on ne vous accueille pas et si l’on n’écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville, et secouez la poussière de vos pieds ». Que les Français prennent garde de ne pas faillir à leur vocation d’éduquer spirituellement les peuples (JP II, 1er juin 1980) !

  1. Évangéliser tous mais le monde sera jugé

« Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (v.9). Les païens ou Gentils dont nous sommes issus, sont en-dehors du chemin de la Vérité, même s’ils ne sont pas toujours très loin du Royaume (Mc 12, 34). Saint Paul à l’aréopage partit de leur croyance au dieu inconnu (Ἄγνωστος Θεός, Ac 17, 23). Ceux qui possédent des vertus civiles et ceux qui en sont dénués sont tous ciblés par l’évangélisation. L’Église veut rassembler tous les hommes, bons et mauvais, qui ne sont pas encore triés hors du filet (Mt 13, 48). À notre mort, le juste juge sondant les reins et les cœurs triera.

Le vêtement de noces (v. 11) n’est rien d’autre que le Christ : « mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ » (Rm 13, 14). Par le baptême, il a effacé les anciennes différences : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-29). Revêtir le Christ signifie qu’on lui ressemble, soit par la charité pour les confesseurs, soit par la mort du martyre.

Conclusion

‘L’ami’ subit pourtant le reproche. Ami il l’est en tant qu’aimé de Dieu. Mais l’aimé n’aime pas en retour l’amant qu’est Dieu. Il ne rend pas amour pour amour. Dieu appelle tous les hommes, même mauvais : « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). Mais les méchants n’y pénétreront pas à moins de se convertir. L’homme sait s’il est bon ou mauvais. La loi naturelle ne peut jamais être totalement étouffée. L’impénitent reste coi, convaincu de son péché : « Comment l’homme pourrait-il avoir raison contre Dieu ? Si l’on s’avise de discuter avec lui, on ne trouvera pas à lui répondre une fois sur mille » (Job 9, 2-3).

Date de dernière mise à jour : 19/10/2025