Rosaire (05/10 - hist. et dévotion)

Homélie du 5 octobre 2025 (Saint Rosaire)

Le saint Rosaire

Un samedi de février 1940, le jeune Karol Wojtyła rencontra un homme étrange, Jan Tyranowski (1900-1947)[1]. Dans cette paroisse étudiante Saint-Stanislas Kotska à Cracovie, les Salésiens de Don Bosco furent massivement déportés. Le peu de prêtres restant chargèrent ce tailleur mystique de l’apostolat clandestin auprès des jeunes. Il institua le Rosaire Vivant de Bse Pauline Jaricot. Chaque membre récite une dizaine du chapelet par jour. Ainsi tous les mystères sont médités par le groupe de quinze garçons dont le futur pape. Jean-Paul II reconnut dès le début de son pontificat (29 octobre 1978) que le Rosaire était sa prière préférée. 25 ans plus tard, il médita Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002).

      1. Structuration du rosaire
  1. Histoire

Le rosaire vient des patenôtres ou colliers à 150 nœuds ou 150 grains (d’où ‘égrener son chapelet’) qui permettaient aux moines convers ou lais au IXe s. de réciter le même nombre de prières que les moines chantant au chœur les 150 psaumes pour l’office divin. Tous ne savaient pas lire[2]. À cette époque, on récitait plutôt des ‘Notre Père’ (Pater Noster > patenôtre). Du ‘psautier de Notre Seigneur Jésus Christ’, on passa au ‘psautier de Marie’ puisqu’au XIe s. se développa par analogie le rosaire où les 150 prières n’étaient plus des Pater mais des Ave Maria.

Rosaire désigne une couronne de roses (Rosenkranz en allemand) tressée pour en coiffer les statues de la T.S. Vierge Marie, à la manière d’un petit chapeau (= chapelet ou couronne coroncina en italien). Au figuré, les roses sont nos prières dont on pare notre Mère céleste, entourant son Cœur Immaculé non plus endolori par les 7 Douleurs (15 septembre) mais consolé par une couronne de fleurs à Pellevoisin (7e apparition). Un missel ancien présentait une gravure « Inclytæ Matri coronas nectite » (Tressez des couronnes à l’Auguste Mère).

Le chartreux allemand Henri Eger de Kalkar (vers 1328 – 1408), un des grands de la devotio moderna des pays rhénans, divisa les 150 Ave en 15 dizaines séparées par un Pater. Les Dominicains s’impliquèrent dans cette dévotion avec B. Henri de Suse (l’Hostiensis des canonistes, 1295-1366) et B. Alain de la Roche (1428-1478) qui sépara les mystères en trois séries. Jean-Paul II ayant rajouté une série de cinq mystères lumineux aux joyeux, douloureux, glorieux, un rosaire se compose désormais de quatre chapelets ou 200 Ave Maria. Il fonda la première confrérie du rosaire à Douai en 1470. En 1572, le Dominicain S. Pie V institua la fête de Notre-Dame-du-Rosaire pour commémorer l’éclatante victoire des forces chrétiennes contre le fléau de Dieu, l’Islam, à la bataille navale de Lépante (7 octobre 1571), devenue solennité du premier dimanche d’octobre sous Grégoire XIII (1573).

  1. Les grandes parties du rosaire

Le rosaire commence par le Notre Père. En effet « en chacun de ses mystères, Jésus nous conduit vers le Père », dans l’intimité duquel il nous introduit « pour que nous disions comme Lui ‘Abba, Père’ (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6) » (Rosarium 32).

Les dix Ave Maria sont une prière mariale mais mettent en relief le caractère christologique du rosaire. En reprenant les paroles échangées avec Marie par l’archange S. Gabriel puis par S. Élisabeth, on admire l’Incarnation depuis le Ciel et la Terre comme Dieu s’émerveillant avec sa Création de son chef d’œuvre : l’homme, qui tire sa dignité de l’Incarnation du Fils de Dieu qui daigna assumer notre nature humaine. Ce qui fait écho au soir du sixième jour de la Création après Adam et Ève : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon » (Gn 1, 31). Cela suscite notre étonnement et reconnaissance : « qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds » (Ps. 8, 4-7). Se réalise ainsi la prophétie du Magnificat : « désormais tous les âges me diront bienheureuse » (Lc 1, 48) (Rosarium 33).

Le nom de Jésus constitue la charnière de cette prière, comme S. Jeanne d’Arc qui l’avait sur son étendard accolé à celui de Sa Mère : Jhésus Maria ; et elle mourut avec ce nom sur ses lèvres. Car « en nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver » (Ac 4, 12). Il nous introduit dans la vie trinitaire, évoquée par la doxologie finale (Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto). Notre vie terrestre est replacée dans sa juste perspective du Ciel, entrevu sur le Thabor à la Transfiguration, anticipant de la contemplation future de Dieu au Paradis face à face, en son essence même (Rosarium 34).

  1. Une douce chaîne qui nous relie à Dieu

La fresque de Michel-Ange du Jugement Dernier dans la chapelle Sixtine montre des anges sauver une âme grâce au chapelet malgré des attaques démoniaques, comme des sauveteurs accrocheraient autour d’une personne tombée dans une crevasse (la brebis perdue) une corde avec un treuil pour l’héliporter. Autrement dit, le Rosaire est un instrument du salut ! Nous prions la Très Sainte Vierge Marie « maintenant et à l’heure de notre mort » pour qu’elle nous aide à surmonter les tentations, jusqu’en cette ultime confrontation avec le grappin, le Diable, durant l’agonie, pour être sauvés.

Bx Bartolo Longo, fondateur du sanctuaire de Notre-Dame de Pompéi qualifiait le saint rosaire de « chaine qui nous relie à Dieu ». Chaîne filiale qui nous accorde à la « Servante du Seigneur », nous conforme au Christ qui s’est fait le Serviteur souffrant (Rosarium 36).

      1. Conseils pour mieux apprécier le rosaire
  1. Une indispensable répétition pour des cœurs de pierre

Certains trouvent le rosaire monotone, ennuyeux par la répétition. Jean-Paul II répondait que l’Écriture Sainte elle-même répète les choses comme dans la triple profession d’amour de S. Pierre qui doit se faire pardonner son triple reniement : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » « Seigneur, Vous savez bien que je Vous aime » (Jn 21, 15-17) (Rosarium 26).

Les mères enduisent de VapoRub la poitrine de leurs petits enfants aux bronches. Pour que cela pénètre bien, elles massent en formant des cercles qui provoquent une douce chaleur. La répétition des Ave masse notre cœur pour qu’y pénètre l’amour divin pour que nous puissions respirer, nous laisser conformer à Jésus (les Orientaux prient le saint nom de Jésus en permanence, à chaque inspiration mais pas comme un mantra !). Inversement, par cette répétition inlassable, notre prière pénètre plus profondément dans le Cœur Sacré de notre Saveur certes plus perméable que le nôtre déjà par nature car un cœur de chair et pas un cœur de pierre, mais encore plus depuis qu’il fut transpercé par la lance de St. Longin qui nous ouvrit un chemin d’accès très direct qu’il convient d’emprunter.

  1. La véritable contemplation : clausule et autres astuces

Le chartreux allemand Dominique Hélion (1384-1461) inventa 50 clausules pour mieux s’imprégner des mystères à contempler. Ces petites phrases brèves adjointes près du Saint Nom de Jésus rappellent le mystère : « Je vous salue Marie, pleine de grâce et Jésus, ressuscité des morts, le fruit de vos entrailles, est béni (…) ». Cette pratique, particulièrement répandue en Allemagne, est facilitée par l’inversion du sujet dans la phrase où le nom de Jésus conclut.

Le pape propose encore un temps de silence (Rosarium 31) pour intérioriser l’énoncé du mystère (Rosarium 29), quitte à contempler une image le représentant pour s’imaginer le lieu, les personnages etc.. (bref la compositio loci des Exercices de St. Ignace de Loyola). La proclamation d’un court passage biblique peut aider la méditation même « s’il ne s’agit pas de faire revenir à sa mémoire une information, mais de laisser parler Dieu »  (Rosarium 30). Une oraison finale implorera aussi les fruits du mystère contemplé (Rosarium 35) car comme dans l’oraison de ce jour (collecte), nous demandons « à imiter ce qu’ils [les mystères] contiennent et à obtenir ce qu’ils promettent ».

Conclusion

Bx Bartolo Longo suppliait ainsi la Reine du Saint Rosaire : « Ô Rosaire béni par Marie, douce chaîne qui nous relie à Dieu, lien d’amour qui nous unit aux Anges, tour de sagesse face aux assauts de l’enfer, havre de sécurité dans le naufrage commun, nous ne te lâcherons plus. Tu seras notre réconfort à l’heure de l’agonie. À toi, le dernier baiser de la vie qui s’éteint. Et le dernier accent sur nos lèvres sera ton nom suave, ô Reine du Rosaire de Pompéi, ô notre Mère très chère, ô refuge des pécheurs, ô souveraine Consolatrice des affligés. Sois bénie en tout lieu, aujourd’hui et toujours, sur la Terre et dans le Ciel ».

 

[1] Il introduisit le futur pape dans la spiritualité du Carmel et de S. Louis-Marie Grignon de Montfort, ayant une influence considérable sur l’Église ! Son procès de béatification ouvrit en 2007, il fut déclaré vénérable en 2017.

[2] Avec les trois premiers Ave pour le Pape, on obtient 153, comme les poissons de la pêche miraculeuse (Jn 21, 11). S. Jérôme affirme que les zoologistes grecs de l’époque ne connaissaient alors qu’autant d’espèces de poissons. S. Augustin constate que 153 additionne les nombres entre 1 et 17 comme autant de peuples  lors de la glossolalie des apôtres (Ac 2, 9-11) à la Pentecôte.

Date de dernière mise à jour : 05/10/2025