16e Pentecôte (17/09 - lect. thom. ép.)

Homélie du 16e dimanche après la Pentecôte (17 décembre 2023)

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Lecture thomiste de l’épître (Ép 3, 13-21)

Saint Paul parlait auparavant de la dignité et condition de son ministère puis en arrive à ses souffrances.

  1. La constance
  1. Que les Éphésiens ne se troublent pas des souffrances de s. Paul

Tout ce qui est grand, a de la valeur, se paie par des efforts sur le long terme pour l’obtenir. Il n’est donc pas étonnant que le ministre sacré doive endurer des tribulations, pour que son labeur apostolique porte du fruit et sauve des âmes. La souffrance éprouve sa vertu de force, et partant, sa foi qui n’est rien d’autre que l’abandon confiant à l’amour du Christ. « Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? (…) la persécution ? » (Rm 8, 35), comme s’il répondait ‘non’. Voir quelqu’un qu’on aime souffrir parce qu’il s’est donné à Dieu peut ébranler la foi des proches. Pourtant, Dieu permet cela, pour leur propre avantage. « Quand nous sommes dans la détresse, c’est pour que vous obteniez le réconfort et le salut ; quand nous sommes réconfortés, c’est encore pour que vous obteniez le réconfort, et cela vous permet de supporter avec persévérance les mêmes souffrances que nous (…) de même que vous avez part aux souffrances, de même vous obtiendrez le réconfort » (2 Co 1, 6-7).

Le véritable amour se mesure : « comme l’or au creuset, il les a éprouvés » (Sg 3, 6). Si vous ne perdez pas courage, et si vous résistez courageusement dans la tribulation, alors vous serez récompensés : « celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé » (Mt 24, 13). Et le poids de gloire en sera d’autant augmenté. Finalement, seuls ceux qui souffrent sont vraiment choisis par Dieu puisque c’est ainsi qu’il a traité les prophètes (Os 6, 5, Vulg. : « C’est pour cela que j’ai laissé frapper mes prophètes et que je les ai tués ») puis son propre Fils qu’il ne voulut pas épargner pour l’amour de nous. Il n’est pas de plus grand amour que de prendre sur soi la peine et la souffrance d’autrui : l’innocent assuma la souffrance due par le coupable.

  1. Mettre à profit ses exhortations

Saint Paul implore ensuite par la prière, la grâce que Dieu permette aux Éphésiens d’avancer dans le bien. La prière devient susceptible d’être exaucée par l’humilité (Ps 101, 18, Vulg. ; Sir 35, 21, Vulg.) et en fléchissant les genoux, il s’abaisse en se plaçant dans la dépendance envers Dieu, avouant sa petitesse et fragilité. L’objet de sa prière est Dieu qui agit un père (Is 63, 16) avec ses fils, ce qui nous donne la confiance d’être exaucés car tout don vient d’en-haut (Jc 1, 17). En Dieu repose le principe de toute paternité. Est métaphoriquement père celui qui donne l’impulsion pour quelque acte de la vie, pour agir bien, comprendre, vouloir, aimer comme le fait de transmettre la connaissance du Christ en évangélisant : « dans le Christ, vous pourriez avoir dix mille guides, vous n’avez pas plusieurs pères : par l’annonce de l’Évangile, c’est moi qui vous ai donné la vie dans le Christ Jésus » (1 Co 4, 15). Même chez les anges s’exerce une certaine paternité car les chœurs supérieurs illuminent les chœurs inférieurs en leur communicant la lumière divine qu’ils perçoivent mieux, comme le maître au disciple. La paternité dans les créatures est nominale mais la paternité divine par laquelle le Père communique toute sa nature à son Fils est, sans imperfection aucune, sa véritable paternité.

Le but de la prière est que vous ne perdiez pas courage, mais demeuriez pleins de force, ce que vous ne pouvez pas de vous-mêmes. Il demande donc pour eux le secours de Dieu selon ses richesses (Ps 111, 3 ; Pr 8, 18), sa majesté et magnificence. « Il rend des forces à l’homme fatigué, il augmente la vigueur de celui qui est faible » (Is 40, 29). Il donne une grâce intérieure, conférée par le don de l’Esprit Saint de force, de foi : « Résistez-lui [au diable] avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances » (1 P 5, 9) et de la charité : « l’amour est fort comme la mort » (Ct 8, 6 ; cf. 1 Co 13, 7). De même qu’un arbre sans racines, qu’une maison sans fondements sont facilement jetés à terre, l’édifice spirituel ne saurait durer, s’il n’est enraciné et fondé dans la charité.

  1. L’objet essentiel de la foi
  1. Le fruit de la prière : la connaissance de la double nature du Christ

Le fruit de la prière de saint Paul pour les Éphésiens est la foi ou connaissance de la double nature de Jésus-Christ. Connaître Dieu anticipe l’au-delà du Paradis : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). Cette porte pour entrer et sortir (Jn 10, 9) évoque l’accès de l’âme de ceux qui l’aiment à Dieu et l’abaissement du Fils dans la nature humaine, le Messie crucifié (1 Co 2, 2). « La foi est une façon de posséder ce qu’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1). Par une sorte d’anticipation, elle les fait déjà comme subsister en nous.

Celui qui croit en Dieu et l’aime parvient à la vie éternelle (Jn 14, 21) car la foi et la charité permettent de « comprendre » qui il est. Certes, non pas au sens de ‘renfermer’ car on ne saurait contenir intégralement en soi Dieu comme objet de notre compréhension : « Prétends-tu sonder la profondeur de Dieu, atteindre la perfection du Puissant ? » (Jb 11, 7). Mais bien au sens de ‘saisir’, supprimant la distance car on se rapproche de Dieu même si c’est l’effort de toute une vie : « Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus » (Ph 3, 12). Or cette compréhension de Jésus-Christ est commune à tous les saints : « Telle est la gloire qui est réservée à tous les saints » (Ps 149, 9, Vulg.) car tous veulent remporter ce prix : « dans le stade, tous les coureurs participent à la course, mais un seul reçoit le prix. Alors, vous, courez de manière à l’emporter » (1 Co 9, 24).

  1. Les quatre dimensions de la charité

Les quatre dimensions données par saint Paul semblent renvoyer à Job : « Prétends-tu sonder la profondeur de Dieu, atteindre la perfection du Puissant ? Elle est haute comme les cieux : que feras-tu ? plus abyssale [profonde] que le séjour des morts : qu’en sauras-tu ? Plus longue que la terre est son étendue, et plus vaste [large] que la mer ! » (Jb 11, 7-9). Elles ne s’entendent pas de Dieu corporellement puisqu’il est pur esprit (Jn 4, 24) mais métaphoriquement. Par la largeur, comprenons l’étendue de la puissance et sagesse divines qui surpassent toute chose (Sir 1, 10, Vulg.) ; par la longueur, sa durée éternelle (Ps 101, 13) ; par la hauteur, la perfection et la noblesse de sa nature surpassant à un degré infini la créature (Ps 112, 4) ; par la profondeur, l’incompréhensibilité de sa sagesse.

Mais pour atteindre ce degré de connaissance, donc de foi, il convient de connaître l’œuvre de la Rédemption car si le Christ s’est fait homme, c’est mû par l’amour pour nous (v. 19 et Ép 2, 4). « Ô tendresse inestimable de votre amour, pour racheter un serviteur, vous avez livré votre Fils ! » (s. Grégoire). Il faut donc connaître sa nature humaine pour approcher cette incompréhensible charité de Dieu (Ph 4, 7). L’apôtre nous exhorte à développer une telle charité qu’elle s’entende jusqu’à nos ennemis car cette charité est large dans son extension vu qu’elle vient de Dieu et non de nous (Ps 17, 20). Sa longueur se reconnaît dans sa persévérance qui ne se lasse jamais, commençant ici-bas mais se parachevant dans la gloire (1 Co 13, 8 ; Ct 8, 7). Sa hauteur réside dans le mouvement qui nous porte vers les choses célestes, et fait qu’on n’aime pas Dieu pour les avantages temporels mais pour lui-même ; (Job, 40, 5, Vulg. : « Élevez-vous dans les hauteurs et recherchez la gloire »). Sa profondeur se trouve dans son origine même car nous n’aimons pas Dieu de notre propre fond mais par le Saint-Esprit infusé en nous (Rm 5, 5). Tous n’ont pas reçu cette grâce, suivant la prédestination divine. La mort que le Christ choisit, par crucifixion, exprime aussi ces quatre points.

Un théologien sans vertu n’égale pas dans la charité une pauvre femme sainte qui possède science affective. L’effet de la connaissance est de porter à aimer davantage, parce que Dieu est d’autant plus aimé qu’il est connu. Peut-être cela se rapporte aussi aux gens qui ont le zèle de Dieu, mais non selon la science car leur charité est inférieure à celle qui est unie à cette connaissance de Jésus-Christ.

  1. Efficacité de la connaissance de Dieu

Saint Paul souhaite que vous entriez en parfaite participation de tous les dons de Dieu, de telle sorte que vous ayez, ici-bas, la plénitude des vertus, et ensuite la plénitude de la béatitude, ce que fait la charité : « Venez à moi, vous tous qui me désirez avec ardeur » (Sir 24, 26, Vulg.). Il rend aussi grâce d’être exaucé. Il dépeint la puissance infinie de Dieu qui peut affermir dans l’évangile plus que nous ne saurions et demander par nos désirs, ou comprendre par notre intelligence. Il montre un exemple de cette surabondance car jamais un homme n’aurait pu avoir l’idée de demander à Dieu de se faire l’un d’entre nous pour que nous puissions participer de sa nature divine (2 P 1, 4) ! Cette gloire doit être rendue à Dieu le Père dans l’Église qu’il a établie qui glorifie le Christ pour l’éternité.

Date de dernière mise à jour : 17/09/2023