Homélie du 13e dimanche après la Pentecôte (7 septembre 2025)
Lecture thomiste de l’épître (Ga 3, 16-22)
- La foi d’Abraham
Pour démontrer que les promesses faites par Dieu à Abraham sont certaines, saint Paul les compare à un testament de Dieu car elles disposent de l’héritage à donner « à Abraham et à sa race » « 430 ans » (Ex 12, 40 ; Ac 7, 6) avant la Loi donnée à Moïse. Si Abraham en était le bénéficiaire, sa race était le moyen par lequel ces promesses s’accompliraient. Promesses est au pluriel, impliquant plusieurs bienfaits : outre d’accéder à la béatitude éternelle fréquemment promise, il promit une descendance « en toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 3) ; « je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer » (Gn 22, 17, cf. Gn 15, 5).
Si la race pourrait s’entendre d’une dynastie ou de tous les descendants abrahamiques, le singulier ne désigne que le seul Jésus-Christ. Bien qu’il eût assumé, par amour pour nous, la malédiction en supportant à notre place le châtiment de la crucifixion (Ga 3, 13), Jésus-Christ est celui par qui et en qui tous pourront être bénis. Avec sa mère, ils sont les seuls exemptés du péché originel, de la malédiction de la faute : « tous, ils sont dévoyés ; tous ensemble, pervertis : pas un homme de bien, pas même un seul ! » (Ps 13, 5) ; « les impies tomberont dans leur piège ; seul, moi, je passerai » (Ps 140, 10). « Entre mille hommes, j’en ai trouvé un seul » (Qo 7, 29), Le Fils du Père éternel a pris notre nature humaine mais entièrement exempte de tout péché.
Cette promesse est une alliance (Jr 31, 31) confirmée par le serment de Dieu au sacrifice d’Isaac : « Il déclara : ‘Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique’ » (Gn 22, 16). Voilà encore un ‘admirable échange’, une substitution d’otage garant. Parce qu’Abraham a offert Isaac qui portait le bois du bûcher (sauvé in extremis), Dieu offrira son Fils unique sur la Croix. Il n’est pas de garantie plus haute que Dieu, Créateur et souverain juge. « Dieu s’est ainsi engagé doublement de façon irrévocable, et il est impossible que Dieu ait menti » (He 6, 18), ce qui rappelle l’acte de foi : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous enseignez par votre Sainte Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper ».
Les promesses aux Patriarches furent confirmées par Jésus-Christ « car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères » (Rm 15, 8). « Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur ‘oui’ dans sa personne » (2 Co 1, 20). L’alliance n’est pas annulée par la loi donnée à Moïse, bien postérieurement. Ce qui adviendrait si la race d’Abraham ne suffisait pas pour communiquer la bénédiction promise aux nations. L’héritage ou bénédiction ne vient pas par la loi : « vous avez été appelés à recevoir en héritage cette bénédiction » (P 3, 9).
- Une loi inutile ?
- Raisons de la loi mosaïque
Après avoir établi par l’autorité de l’Écriture et la coutume des hommes que la Loi ne rendait pas juste, saint Paul soulève deux difficultés. Premièrement, serait-elle complètement inutile ? Sinon, à quoi fut-elle utile ? L’ancienne Loi fut donnée pour quatre motifs, correspondant aux conséquences du péché : la malice, faiblesse, convoitise et ignorance.
La loi fut d’abord donnée pour réprimer la malice. Prescrivant des peines pour les transgresseurs, elle détournait les hommes du péché prohibé (I Tite, I, 9) : « une loi ne vise pas l’homme juste, mais les sans-loi » (1 Tm 1, 9). En effet l’homme bien disposé est porté de lui-même à faire le bien. Un paternel avertissement suffit pour lui et il n’a pas besoin de la loi. « Quand des païens qui n’ont pas la loi pratiquent spontanément ce que prescrit la loi, eux qui n’ont pas la loi sont à eux-mêmes leur propre loi. Ils montrent ainsi que la façon d’agir prescrite par la loi est inscrite dans leur cœur, et leur conscience en témoigne » (Rm 2, 14-15). La loi, par la puissance coercitive ne vaut que pour les mal disposés.
La loi fut donnée pour faire sentir aux hommes leur faiblesse. Ils présumaient d’eux-mêmes quant à leurs savoir et pouvoir. Sous la loi de nature, Dieu les laissa sans loi écrite et ils tombèrent dans de telles erreurs, que leur orgueil fut convaincu de l’impuissance de leur savoir. Ils croyaient aussi pouvoir tout accomplir : « tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons » (Ex 24, 7). Mais la loi leur fit surtout connaître leurs transgressions (Rm 3, 20) sans pouvoir y porter remède car ne donnant pas le secours de la grâce. L’homme sous la loi expérimentait son infirmité. La convoitise s’était enflammée par l’attrait du fruit défendu de sorte que le péché s’était aggravé par la violation de la loi écrite. Dieu le permit pour que l’homme se reconnaissant imparfait, recourût à la grâce du Médiateur Jésus-Christ.
La loi servait d’intermédiaire entre la loi naturelle et la loi nouvelle de la grâce qui libère de toutes les prescriptions impraticables dans leur totalité comme le reconnut saint Pierre : « pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? » (Ac 15, 10). Enfin, la loi remédiait à l’ignorance et figurait la grâce à venir : « La loi de Moïse ne présente que l’ébauche des biens à venir, et non pas l’expression même des réalités » (He 10, 1). Elles vinrent en Jésus-Christ par lequel sont bénis toutes les Nations, lui qu’annonça le Baptiste (Mt 11, 13).
- Les ministres de la loi
Certains anges sont messagers de Dieu : « vous qui aviez reçu la loi sur ordre des anges » (Ac 7, 53). Ils s’adressèrent à Moïse et Aaron (Ml 2, 7). La loi nouvelle, évangélique, n’est plus donnée par des intermédiaires mais directement enseignée de l’intérieur. L’Esprit Saint parle directement au cœur des hommes, envoyé par Père et le Fils plus grand que les anges (He 1, 4 ss : « il est devenu bien supérieur aux anges… »). Jésus-Christ est législateur, déjà présent sur le Sinaï : « à sa droite brillait pour eux le feu de la loi ! » (Dt 33, 2). Mais son genre nouveau est finalement plus exigeant par le sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43-44). Jésus remplace Moïse (Dt 5, 5) qu’il surpasse. Unique médiateur (1 Tm 2, 5) et pourvoyeur de la grâce, il ne passe plus par des prophètes : « À bien des reprises, et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes » (He 1, 1-2).
Un médiateur fait le lien entre deux parties. Jésus-Christ établit un pont (pontifex) entre Dieu et l’homme car il est consubstantiel au Père et à nous. Certains objectent qu’il serait impossible d’être médiateur par rapport à soi-même. Le v. 20 rappelle la foi au Dieu unique (Dt 6, 4 et Ep 4, 6) mais qui partage cette unique substance en trois personnes. Jésus-Christ n’est pas médiateur que des Juifs mais de tous. Il suffit pour réconcilier tous les hommes à Dieu parce qu’il est lui-même Dieu : « puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu : il rendra justes en vertu de la foi ceux qui ont reçu la circoncision, et aussi, au moyen de la foi, ceux qui ne l’ont pas reçue » (Rm 3, 30 ; cf. 2 Co 5, 19 : « c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui »). De ces deux groupes, Juifs et Gentils, il fait une seule race élue. « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ep 2, 14). Les observances de la loi cessent pour les uns comme l’idolâtrie pour les autres.
- La loi serait-elle nuisible à la grâce ?
La seconde difficulté est ‘si la loi fut établie à cause des transgressions, agirait-elle contre les promesses de Dieu ?’. La promesse par la descendance, l’opère-t-il par un autre moyen ? « Absolument pas ! » (v. 21) : « Ainsi, la loi est sainte ; le commandement est saint, juste et bon » (Rm 7, 12). La loi n’est pas opposée aux promesses de Dieu mais les sert.
Même si la loi fut portée à cause de la transgression, elle ne contredit pas les promesses de Dieu, puisqu’elle est incapable d’arrêter la transgression même. Ce serait le cas si on obtenait justice par un autre moyen que celui que Dieu a promis : par la loi et non par la foi. « Mais le juste vivra par sa foi » (Ha 2, 4, Vulg.) ; « cette justice de Dieu, donnée par la foi en Jésus Christ » (Rm 3, 22). La loi ne donne ni la vie de grâce ni la béatitude et ne rend pas vaine la foi. La loi ne justifie pas car « la lettre tue » (2 Co 3, 6). La loi ne s’oppose pas à la grâce, mais l’aide en faisant connaître le péché (Rm 3, 20) et l’infirmité humaine en-dehors de la grâce. Comme la connaissance de la maladie et l’impuissance du malade portent à recourir au médecin, la connaissance du péché et de la faiblesse du pécheur portent à recourir à Jésus.
« L’Écriture a tout enfermé sous la domination du péché » (v. 22) en montrant aux Juifs les péchés commis (Rm 7, 7) et leur incrédulité (Rm 11, 32) pour qu’ils crussent tous en Jésus-Christ et recourussent à la grâce.