Exaltation de la Croix (14/09/25 - 7 douleurs de Marie)

Homélie de la fête de l’Exaltation de la Croix (14 septembre 2025)

Les sept douleurs de la Très Sainte Vierge Marie

« ‘Épargnez-moi ! Quel autre enfant, une fois au monde, vient imposer derechef de telles douleurs au sein maternel ?’ Car les chutes des fidèles, pour être réparées, ne lui causent pas un moindre travail que l’enfantement de ceux qui n’ont pas cru encore » (saint Jean Chrysostome). La veuve de Naïm symbolise l’Église pleurant ses fils auxquels elle donna la vie spirituelle par le baptême et qui, retombés dans le péché, sont voués à la mort éternelle. Mais le Christ venu à sa rencontre les ressuscite spirituellement par la pénitence. La sainte Vierge Marie, en accouchant du Fils de Dieu, fut épargnée des douleurs de toute parturiente, mais cette souffrance fut décalée au pied de la Croix. Le 15 septembre, au lendemain de l’Exaltation de la Croix, l’Église médite sept glaives fichés dans son Cœur Immaculé.

  1. Les sept douleurs
    1. Les récits de l’enfance
        1. La prophétie de Syméon

À la Présentation, « Syméon les bénit, puis dit à Marie sa mère : ‘Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive » (Lc, 2, 34-35). Marie comprend sa vie : « Ne m’appelez plus Noémie (Ma gracieuse), appelez-moi Mara (Amertume). Car le Puissant m’a remplie d’amertume » (Ruth 1, 20).

        1. La fuite en Égypte

Après Noël et l’Épiphanie, la Sainte Famille dut fuir. « Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : ‘Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr’ (…) pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète (Os 11, 1) : ‘d’Égypte, j’ai appelé mon fils’ » (Mt 2, 13-15).

        1. La disparition de Jésus trois jours au Temple

Aux quatre fêtes juives de pèlerinage, Joseph et Marie allaient à Jérusalem et en repartirent en croyant qu’il était dans le convoi alors qu’il restait au Temple. Ils ne s’en rendirent compte qu’après un jour de marche, avant de le recouvrer. Marie acquit la science expérimentale de la douleur qui sépare. « C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : ‘Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant !’ Il leur dit : ‘Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?’ Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait » (Lc 2, 41-51).

    1. Les récits de la Passion
        1. La rencontre sur le chemin de Croix

La quatrième station associe la mère de Jésus aux saintes femmes : « Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : ‘Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants !’ » (Lc, 27-28). Marie respecta la déréliction de son fils.

        1. Marie au pied de la Croix

La séquence Stabat Mater dolorosa eut une incroyable fécondité picturale et musicale (Vivaldi, Pergolèse, Haydn): « Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : ‘Femme, voici ton fils’. Puis il dit au disciple : ‘Voici ta mère’. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui » (Jn, 19, 25-27). Jésus mourut pauvre en se dépouillant de sa propre mère donnée à l’humanité pécheresse.

        1. Marie à la déposition/descente de la Croix

Le 6e glaive est la Pietà (Vierge de Pitié) comme chez Michel Ange (Mt, 27, 55-59). Jésus repose dans les bras de Marie, comme à la Nativité, mais pour un bref instant car la loi exige qu’il soit enterré avant la nuit.

        1. Marie à la mise au tombeau

La mère dut abandonner le corps de son Fils refermé derrière la pierre du sépulcre (Jn, 19, 40-42). Marie dut abandonner pleinement son Fils qui, ressuscité, ne lui appartiendrait plus. Elle devra continuer à vivre sans lui après l’Ascension.

  1. La dévotion à Notre-Dame des douleurs
    1. Histoire

L’ordre mendiant des Servites de la Bienheureuse Vierge Marie fondé à Florence en 1233 diffusa cette dévotion des Sept Douleurs de Marie en la fixant à l’octave de la Nativité de la Vierge. Le concile provincial de Cologne en 1423 institua Notre-Dame de Compassion ou de Pitié ou Transfixion de Notre-Dame contre les Hussites iconoclastes le vendredi après le dimanche de la Passion. Jean de Coudenberghe, curé de Saint-Sauveur de Bruges institua en 1492 une confrérie dans les Pays-Bas autrichiens gouvernés par Philippe le Beau dont le confesseur, le dominicain Michel François de Lille, avait composé un ouvrage sur les douleurs de Marie (1495). Philippe devint roi d’Espagne par mariage où le prénom Dolorès qualifie cette dévotion comme Mercedes pour ND de la Merci et Pilar pour ND du Pilier à Saragosse.

    1. Signification

« Oui, Mère bénie, un glaive a transpercé ton âme : il n’aurait pu, sans transpercer celle-ci, pénétrer dans la chair du Fils. C’est vrai : ce Jésus qui est le tien — qui est à tous, certes, mais à toi tout particulièrement —après avoir remis son esprit, ne fut pas atteint dans son âme par la lance meurtrière. Sans épargner un mort, auquel elle ne pouvait pourtant plus faire de mal, elle lui ouvrit le côté ; mais c’est ton âme qu’elle transperça. La sienne assurément n’était plus là mais la tienne ne pouvait s’enfuir. Ton âme, c’est la force de douleur qui l’a transpercée, aussi pouvons-nous très justement te proclamer plus que martyre, puisque ta souffrance de compassion aura certainement dépassé la souffrance qu’on peut ressentir physiquement.

N’a-t-elle pas été plus qu’une épée pour toi, n’a-t-elle pas percé ton âme et atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, cette parole : Femme, voilà ton fils ? Ô quel échange ! Jean t’est donné en lieu et place de Jésus, le serviteur à la place du Seigneur, le disciple au lieu du Maître, le fils de Zébédée à la place du Fils de Dieu, un simple homme au lieu du vrai Dieu. Comment l’écoute de cette parole ne transpercerait-elle pas ton âme pleine d’affection, quand le seul souvenir de cette parole brise déjà nos cœurs, qui sont pourtant de roc et de fer ? Ne vous étonnez pas, frères, qu’on puisse dire de Marie qu’elle a été martyre dans son âme. S’en étonnerait celui qui aurait oublié comment Paul mentionne, parmi les fautes les plus graves des païens, le fait qu’ils ont été sans affection. Un tel péché était bien loin du cœur de Mari ; qu’il le soit aussi de ses modestes serviteurs.

Mais on dira peut-être : ne savait-elle pas d’avance qu’il devait mourir ? — Sans nul doute. N’espérait-elle pas qu’il ressusciterait aussitôt ? — Oui, assurément. Et malgré cela elle souffrit de le voir crucifié ? — Oui, et violemment. Qui donc es-tu, frère, et d’où vient ta sagesse, pour que tu puisses t’étonner davantage de la compassion de Marie que de la passion du fils de Marie ? Lui a pu mourir dans son corps, et elle, n’aurait-elle pas pu mourir avec lui dans son cœur ? Voilà (dans la passion du Christ) ce qu’a accompli une charité telle que personne n’en a éprouvé de plus grande ; et voici (dans la compassion de Marie) ce qu’a accompli une charité qui, après celle de Jésus, n’a pas son pareil » (saint Bernard de Clairvaux).

Conclusion

Le 17 septembre célèbre les stigmates de saint François d’Assise. Elles demeurèrent invisibles chez sainte Catherine de Sienne, comme pour la Vierge : « ce que Jésus souffrait dans sa chair, Marie le souffrait dans son cœur » (Bx Amédée cité par S. Alphonse de Liguori dans Les Vertus de Marie). La première transverbérée avant sainte Thérèse ou Padre Pio fut assurément la mère de notre Seigneur Jésus-Christ au pied de la Croix de son Fils, la mater dolorosa.

 

La séquence de ND des Douleurs (du Franciscain Jacopone da Todi, vers 1230-1306)

Stabat Mater dolorosa

Juxta crucem lacrimosa

dum pendebat Filius.

Cuius animam gementem,
contristatam et dolentem,
pertransivit gladius.

O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
Mater Unigeniti.

Quæ mœrebat et dolebat,
Pia Mater cum videbat
Nati pœnas incliti.

Quis est homo qui non fleret,
Matrem Christi si videret
in tanto supplicio?

Quis non posset contristari,
Christi Matrem contemplari
dolentem cum Filio?

Pro peccatis suæ gentis
vidit Iesum in tormentis
et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natum
morientem desolatum,
dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam.

Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum,
ut sibi complaceam.

Sancta Mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas
cordi meo valide.

Tui nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
pœnas mecum divide.

Fac me tecum pie flere,
Crucifixo condolere,
donec ego vixero.

Iuxta crucem tecum stare,
et me tibi sociare
in planctu desidero.

Virgo virginum præclara,
mihi iam non sis amara:
fac me tecum plangere.

Fac ut portem Christi mortem,
passionis fac consortem,
et plagas recolere.

Fac me plagis vulnerari,
fac me cruce inebriari,
et cruore Filii.

Flammis ne urar succensus
per te Virgo, sim defensus
in die judicii

Christe, cum sit hinc exire,
da per Matrem me venire
ad palmam victoriae.

Quando corpus morietur,
fac ut animæ donetur
Paradisi gloria.

Amen ! In sempiterna sæcula. Amen.

Elle était debout, la Mère, malgré sa douleur,
En larmes, près de la croix,

Où son Fils était suspendu.

Son âme gémissante,
Contristée et dolente,
Un glaive la transperça.

Qu’elle était triste, anéantie,
La femme entre toutes bénie,
La Mère du Fils de Dieu !

Dans le chagrin qui la poignait,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.

Quel homme sans verser de pleurs
Verrait la Mère du Seigneur
Endurer si grand supplice ?

Qui pourrait dans l’indifférence
Contempler en cette souffrance
La Mère auprès de son Fils ?

Pour toutes les fautes humaines,
Elle vit Jésus dans la peine
Et sous les fouets meurtri.

Elle vit l’Enfant bien-aimé
Mourant seul, abandonné,
Et soudain rendre l’esprit.

Ô Mère, source de tendresse,
Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.

Fais que mon âme soit de feu
Dans l’amour du Seigneur mon Dieu :
Que je Lui plaise avec toi.

Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.

Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de Ses tourments.

Donne-moi de pleurer en toute vérité,
Comme toi près du Crucifié,
Tant que je vivrai !

Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.

Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.

Du Christ fais-moi porter la mort,
Revivre le douloureux sort
Et les plaies, au fond de moi.

Fais que Ses propres plaies me blessent,
Que la croix me donne l’ivresse
Du Sang versé par ton Fils.

Je crains les flammes éternelles;
Ô Vierge, assure ma tutelle
À l’heure de la justice.

Ô Christ, à l’heure de partir,
Puisse ta Mère me conduire
À la palme des vainqueurs.

À l’heure où mon corps va mourir,
À mon âme, fais obtenir
La gloire du paradis.

Amen ! Pour les siècles des siècles. Amen.

Date de dernière mise à jour : 14/09/2025