Nuit Noël (24/12 - lect. thom. év.)

Homélie de Noël (mardi 24 décembre 2024)

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Lecture thomiste de l’évangile de la Nativité (Lc 2, 1-14)

  1. Une naissance particulière
    1. Le contexte politique romain

Pour enseigner aux hommes à chercher la paix, Jésus naquit durant la paix romaine de l’empereur Auguste : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2, 4). Certes, il avait dû guerroyer pour s’imposer contre Pompée et Marc-Antoine (de 44 à 27 av. JC) mais son principat durait. Les Juifs étaient soumis aux Romains depuis 63 av. JC : « Le sceptre royal n’échappera pas à Juda, ni le bâton de commandement, à sa descendance, jusqu’à ce que vienne celui à qui le pouvoir appartient, à qui les peuples obéiront » (Gn 49, 10). « En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre » (Lc 2, 1). Auguste recensa tout l’Empire sur de nombreuses années dans le breviarium totius imperii.

Dieu seul connaît réellement toute la Terre et non un homme, aussi grand empereur fût-il car il ne contrôlait qu’une petite partie du monde créé par Dieu (Ps 23). Mais ce grand Empire favorisa une plus rapide diffusion du christianisme et son unité politique symbolisait aussi le culte d’un seul Dieu (monothéisme). Si Jésus fut conçu Nazareth miraculeusement à l’Annonciation (25 mars) où il grandit aussi au retour de l’exil en Égypte, il naquit à Bethléem, car les Juifs devaient rejoindre leur tribu de Juda, illustrée par le roi David. Au-delà du recensement motivé militairement et surtout fiscalement, inscrire les noms dans un livre évoque mystiquement les élus portés dans l’album sanctorum, le livre de la vie (Ap 3, 5). Si Jésus naquit en un lieu étranger à sa maison parentale, c’est qu’il vint nous ramener dans notre patrie céleste (terre des pères), auprès de Dieu le Père. Convertissons-nous avant d’être jugé, pour être trouvés d’un poids suffisant de mérites sur la balance (Dn 5, 27).

    1. Joseph et Marie

En étant conçu par l’Esprit Saint et en naissant d’une vierge, Jésus ne se soumit pas à toutes les lois de la nature humaine. S’il assuma notre humanité par elle, il reste supérieur au commun des mortels en étant immune de tout péché originel, déjà dans le sein de l’Immaculée. La Vierge le porta dans la joie, sa conception fut sans tache, son enfantement sans difficulté, sa naissance sans souillure, déchirement ni douleurs. Si Ève qui avait déposé dans notre nature le germe de la mort en désobéissant, fut condamnée à enfanter dans la douleur, la nouvelle Ève enfanta dans la joie mais souffrit au pied de la Croix. L’Église aussi nous a conçus par l’Esprit saint pour louer Dieu au Ciel.

Joseph le juste, gardien du Verbe, et Marie, la vierge-mère, obéissaient aux lois.. Ils quittèrent le bruit du monde symbolisé par la Galilée des nations pour rejoindre la ville de Juda, ‘confession’ et ‘louange’ (yadah), pour y adorer le vrai Dieu. Le Christ entra dans cette vie mortelle après le solstice d’hiver où les ténèbres commencent à diminuer, la nuit cédant déjà devant l’astre du jour. La mort du péché a atteint disparaît devant la vraie lumière.

  1. L’abaissement qui sauve
    1. Le pain vivant descendu du Ciel

Inférer du ‘premier né’ qu’il y en aurait d’autres est hérétique. Si tout fils unique est premier né, tout premier né n’est pas fils unique. Est premier né celui avant lequel il n’y a eu aucun enfant. Autrement, les prêtres (Nb 18, 15) n’auraient pas à les racheter avant que ne naissent d’autres enfants qui du fils unique feraient un simple premier né. Jésus est fils unique dans sa nature divine, et unique par sa double nature divine et humaine mais il voulut s’adjoindre des frères spirituels : « premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29).

Marie accoucha seule, reçut elle-même son enfant, l’enveloppa de langes afin que nous recouvrions la robe première de notre innocence, lavés dans son sang de l’Agneau (Ap 7, 14). Le Tout-Puissant est comme entravé des langes afin de libérer nos mains pour les bonnes œuvres, et diriger nos pieds dans la voie de la paix. Dès son entrée dans le monde, lui qui n’eut pas de berceau, rendit honorable la pauvreté. Celui qui a le ciel pour trône, se renferma dans une crèche ou mangeoire pour se faire notre nourriture, rassasiant l’âme des élus. Souvent l’homme ressemble au bétail qu’on abat (Ps 48, 13) en se rabaissant en-dessous de sa dignité conférée par la raison. Les Hébreux « échangeaient ce qui était leur gloire pour l'image d'un veau qui mange du foin » (Ps 105, 20, Vulg.). Bethléem signifie ‘maison du pain’ car Jésus dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel » (Jn 6, 51).

Jésus foula l’orgueil humain en renonçant à tout l’appareil de puissance divin (tremblement de terre, foudre) car il vint, non pour perdre, mais pour sauver. Sans place dans une hôtellerie, il nous prépare plusieurs demeures dans la maison de son Père (Jn 14, 2). « Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m’ont racheté, qu’aux œuvres de votre puissance qui m’ont créé » (saint Ambroise).

    1. Les anges informent les bergers

Un ange instruisit Marie puis Joseph, enfin les bergers. Si c’était en songe pour le père adoptif, les bergers furent les premiers avertis par une apparition bousculant la hiérarchie sociale. Comme pour la Résurrection avec Marie-Madeleine, évitant scribes et pharisiens corrompus, il choisit de simples bergers. L’ange apaisa leur frayeur pour y substituer la joie par trois noms : le Christ (onction non d’huile mais l’Esprit Saint pour sa double nature, donnée en tant que Dieu reçue en tant qu’homme), le Seigneur (majesté) et Sauveur (action).

Les anges exécutent humblement les ordres et secondent dans les combats leur chef puissant venu triompher des légions démoniaques. Le nouveau-né, Dieu et homme, annonce la paix aux hommes et la gloire à Dieu à l’unisson. Ils se réjouissent de voir les hommes réconciliés appelés à compléter le nombre des élus dans les cieux. La paix est Jésus-Christ qui nous a réconciliés à Dieu son Père (2 Cor 5, 18-19 ; Ep 2, 16 ; Col 1, 20. 22), en effaçant les fautes qui nous rendaient ses ennemis : « pas de paix pour les méchants, – dit mon Dieu » (Is 57, 21). La paix dont Dieu n’est pas l’auteur, n’est pas la vraie paix.

Les bergers étaient familiers de l’étable. Les pasteurs prenant soin du troupeau sont invités à partager la gloire de la vision joyeuse, à prémunir leur troupeau des dangers des prédateurs de la nuit : « veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer » (1 P 5, 8). Avec le bon pasteur (Jn 10, 11.14), ils ramènent dans l’unique bercail les brebis, ouailles (d’oves = les brebis) dispersées (Jn 10, 16 ; 11, 52).  « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas » (Is 1, 3). Ils veillaient tandis que les autres dormaient.

Date de dernière mise à jour : 25/12/2024